Comme toute force politique bretonne l'AFB-EKB lutte pour le retour de la Loire-Atlantique dans le giron breton avec comme corollaire un remodelage du découpage régional. Notons au passage que cette nécessité de repenser les espaces régionaux ne concerne pas que la Bretagne. Quelle logique y a-t-il à maintenir la division entre Haute et Basse Normandie ou encore à scinder l'Alsace entre Haut et Bas Rhin? Ne serait-il pas temps à l'heure européenne de mettre fin à ces aberrations?
Pour en revenir au cas Breton, c'est un secret pour personne que le décret de Vichy de 1941 - sans consultation aucune des populations concernées - n'avait d'autre objectif que d'affaiblir une entité jugée trop puissante et trop rétive aux yeux du pouvoir central. La mise en place ultérieure des "pays-de-la-loire" n'a été qu'un "charcutage supplémentaire" destiné à pérenniser les visées de Vichy et, c'est à noter, complètement revendiqué par les principaux partis politiques parisiens, guère gênés par cette contradiction morale. C'est sans doute que persiste en haut lieu une défiance insurmontable envers la pérennité d'une Bretagne forte et parfaitement identifiable. Vu de l'extérieur Brittany cela coule de source..."pays-de-la-loire" c'est plus difficile à situer et jusqu'à ce jour on n'a pas trouvé mieux que "Western France"! On a là un aperçu de la paranoïa qui plane sur la conception de l' "exception culturelle" à la française.
Interrogations.
À la lecture de ce qui précède on voit bien que la solution du problème est compliquée. Aussi avant de présenter quelques pistes, il convient de poser deux interrogations sur les propositions émises par Jean Louis Jossic et l'UDB.
- Première interrogation: pourquoi, à un décret pris par un régime politique reconnu comme une parenthèse dans l'histoire de la République, répondre par un référendum? Suivre cette voie c'est non seulement inverser les rôles (c'est à la victime du préjudice de s'excuser) mais c'est aussi légitimer un régime honni.
- Seconde interrogation: en quoi les territoires qui n'ont jamais fait partie de la Bretagne seraient-ils interrogés sur le devenir de cette entité? Sur ce point la proposition de Jean Louis Jossic est aberrante. Si on le suivait dans son raisonnement il faudrait alors aussi interroger les populations de l'Avranchin [sud Cotentin] et celles du Comté de Richmond en Angleterre parce qu'à une époque elles ont fait partie du Duché! Plus près de nous dans le temps on pourrait aussi signaler à Jean Louis Jossic que lors du référendum sur le devenir de la Sarre seules les populations de ce Land et des autres Laenders ont été consultés. Idem quant il s'est agit de rétrocéder au Danemark le Sud Jutland.
Nouvelles pistes pour la réunification.
La solution [les solutions] passe[ent], de notre point de vue, par des moyens plus pragmatiques et aussi en faisant preuve d'innovation. La création, il y a 2 ans, d'une commission de travail mixte entre des représentants de la Loire-Atlantique et des représentants du gouvernement régional siégeant à Rennes a été l'amorce de retrouvailles studieuses. Il faut en étoffer la composition et que les rencontre deviennent mensuelles. Elle doit aussi élargir ses domaines de compétence et sortir de la confidentialité. Sur ce sujet les Basques nous ont ouvert la voie: le Biltzar est un organisme permanent qui, en regroupant les élus du nord et du sud des Pyrénées, contribue fortement aux renforcements des liens transfrontaliers dans le cadre d'une euro région. C'est la voie à suivre. Autre proposition dont nous ne nions pas le caractère anticonformiste: pourquoi ne pas faire de l'agglomération nantaise une "ville-état" sur le modèle de Brème [poids démographique équivalent] ou de Hambourg. Elles ont beaucoup de traits communs: importants ports d'estuaires, ouverture de longue date à l'international, localisation géographique excentrée si on se réfère à leur hinterland, cosmopolitisme etc... Ce statut de "ville-état" serait là un moyen de prendre en compte ses spécificités historiques et géographiques tout en satisfaisants ses légitimes ambitions. Elle deviendrait aussi le 6ème partenaire au sein d'un espace breton renouvelé. Allons même plus loin. Les fédéralistes Bretons n'ont pas attendu la proposition 260 de la commission Attali pour demander "de renforcer les régions et les intercommunalités en faisant disparaître en 10 ans l'échelon départemental". Cette vision renouvelée de la gestion des espaces doit entraîner la fusion des entités régionales et départementales grâce à un scrutin de liste régional à la proportionnelle complété par un scrutin de liste départemental. Cette fusion entre département et région conjuguée à une réforme de l'Etat central est le seul garant de renforcement des politiques territoriales, de clarification des compétences et de l'allègement de la fiscalité liée à un empilement-millefeuilles des niveaux administratifs. Pour les esprits chagrins rappelons que le double mode de scrutin existe déjà pour le Sénat [1].
L'actualité n'est pas en reste. Maintenant que la décision est prise de construire l'aéroport de Notre Dame des Landes, ce dont l'AFB-EKB se félicite car elle défendait ce projet [2], va se poser la question de sa gestion. Il y a là une occasion unique de renforcer la nécessaire solidarité bretonne en confiant cette gestion à un organisme qui regrouperait des partenaires issus de Loire-Atlantique, de la côte sud bretonne et de l'Ille-et-Vilaine. Rien de tel que de passer à des travaux pratiques pour désamorcer la forte charge émotionnelle qui n'empoisonne que trop le dossier de la réunification. Souplesse et pragmatisme nous procureront un peu plus de sérénité pour donner à cette incontournable question une issue favorable aux légitimes intérêts Bretons. Favet Neptunus Eunti[3].
[1] Le Sénat deviendrait une chambre des représentants élus par les régions.
[2]Eh oui, nous préférons nous autres fédéralistes Bretons, avoir un aéroport international [je n'ai pas dit intercontinental] ici plutôt que dans une région parisienne déjà bien pourvue et au bord de l'apoplexie. On appelle cela l'Aménagement du territoire!
[3] Que Neptune soit favorable aux Voyageurs [litt. Ceux qui vont de l'avant], devise de Nantes.
Pour le bureau, Le secrétaire, Gwenael Kaodan