Dans Ouest-France du 5/01/2013, Pierre Maille, président du Conseil général du Finistère est interrogé sur la langue bretonne. Il affirme que l'objectif n'est pas d'en faire une langue d'usage, et que cela demanderait des moyens énormes. Div yezh Breizh, association de parents d'élèves pour l'enseignement du breton à l'école publique, tient à réagir à ces propos.
Nous ne partageons pas l'analyse de Pierre Maille. Nous pensons que la somme à dépenser est minime par rapport àbeaucoup d'autres projets, et que cet enjeu en vaut largement la peine. Par exemple, concernant l'enseignement bilingue, sujet qui nous concerne directement et que nous connaissons bien, il n'y a pas de coût supplémentaire à employer du personnel bilingue : une ATSEM ou un enseignant bilingue ne coûte pas plus cher qu'un autre, et les conditions d'accueil des filières bilingues sont les mêmes qu'en monolingue. Il suffit donc de donner une impulsion en formant le personnel lié à la petite enfance et à l'école afin de multiplier le nombre de futurs locuteurs potentiels. Avec cette double compétence, le personnel bilingue, sans surcoût, peut travailler sur l'ensemble des postes, ce qui n'est le cas du personnel exclusivement francophone.
Pour les médias, l'audiovisuel public représente actuellement des budgets importants, il ne s'agit pas d'augmenter davantage ces budgets mais de mieux dépenser, changer la façon de faire, par exemple, en créant une véritable télévision publique régionale.
L'argument budgétaire n'est à notre sens pas pertinent. Concernant les compétences qui touchent plus directement le Conseil général (puisque l'enseignement ne fait pas partie directement de ses compétences), des efforts pourraient être faits et des solutions imaginées pour consolider les pôles de collèges bilingues publics du département, et ainsi permettre à un plus grand nombre d'élèves de passer du primaire bilingue à sa section bilingue de collège, sans que cela pose de difficultés organisationnelles, matérielles ou financières pour la famille. Une redéfinition de la carte des collèges bilingues mêlant proximité et transports en commun pourrait être proposée, et le conseil général doit être pilote sur ce sujet.
La langue bretonne a besoin, dans le Finistère, comme les autres départements bretons, d'élus ayant des ambitions allant au-delà d'une simple langue de musée. Des signes positifs nous montrent qu'à condition de poursuivre les efforts faits par l'État, les collectivités territoriales, les associations et l'ensemble des Bretons, la langue bretonne peut être réappropriée, pérennisée et redevenir une langue d'usage. Et si la politique menée actuellement par le Conseil général n'apporte pas les résultats escomptés, nous ne devons pas pour autant rester sur un constat d'échec en pensant qu'il s'agit d'une fatalité, il faut au contraire prendre le taureau par les cornes, changer de ligne politique, essayer de nouvelles choses. C'est le rôle que tout citoyen est en droit d'attendre d'un élu. La région Bretagne montre une politique positive concernant la langue bretonne, le Conseil général du Finistère s'associe d'ailleurs à plusieurs mesures impulsées par la région (bourses pour les étudiants se destinant à l'enseignement en breton, promotion du bilinguisme précoce, etc.). Des résultats sont visibles : il y a 2932 élèves en filière bilingue publique (6654 dans les 3 réseaux de l'enseignement bilingue) à la rentrée dernière dans le Finistère. Ce chiffre est augmentation tous les ans, la rentrée dernière a vu 4 nouvelles filières publiques dans le département, le nombre d'admissibles au concours spécifique pour l'enseignement bilingue augmente... Ces signes montrent que les efforts payent et qu'il faut continuer à mener la bataille de la sauvegarde du breton.
On ne peut pas penser que la langue bretonne puisse se maintenir en tant que simple élément de patrimoine et non comme langue d'usage. Contrairement à un bien de consommation, une langue ne se détériore que si on ne l'utilise pas, et plus on l'utilise, plus elle est en bonne santé. Les Bretons, et les Finistériens en particulier sont attachés à leur langue, ce serait une grave erreur de la négliger.