De nombreux auteurs dénoncent le scandale d'une Bretagne niée et démontrent que cette organisation « à quatre » pénalise l'essor économique de la région. Toutefois, depuis quelques années, une prolifération de sites Internet se crée sur l'ensemble de la Bretagne « à cinq ». La planète « Web » va-t-elle déborder la Bretagne administrée pour construire la Bretagne qui gagne ?
La bataille semble inégale. D'un côté, l'ensemble des pouvoirs constitués (collectivités, médias « officiels » largement financés par l'Etat…) bénéficient de moyens considérables pour animer l'univers numérique. De l'autre, des convaincus et passionnés, le plus souvent bénévoles, fonctionnent avec les moyens du bord. Ils représentent la société civile. A priori, c'est David contre Goliath. Ici, la machine France. Là, des Bretons qui veulent construire leur pays.
Toutefois, le combat est plus équilibré qu'il n'y paraît. En effet, réduits à quatre départements, les sites des pouvoirs « officiels » offrent souvent une information lénifiante, un ennuyeux ronron administré…. pâle vitrine d'un système sclérosé, n'aspirant qu'à se maintenir en vie, sous perfusion étatique. De l'autre, on assiste à l'essor d'une Bretagne qui existe au-delà des limites administratives, fait souvent preuve d'audaces et n'hésite pas à proposer des thèmes contrant l'immobilisme des pouvoirs constitués. Aujourd'hui, on a donc bel et bien deux Bretagne sur le net. L'une qui dort et l'autre qui avance, innove, propose des solutions pour demain. Or, le point crucial est qu'Internet écrit l'histoire à l'inverse des logiques pyramidales. Désormais, les citoyens font leurs choix, participent à la création d'informations et ne sont plus de simples « plantes » attendant les informations de la Capitale. On l'a oublié mais, les citoyens étaient, il y a peu, muets et totalement soumis aux bien nommées « grilles » des programmes. Ils étaient inféodés au seul discours descendant, à la voix du maître et même un temps à l'ORTF. Désormais, le clic est ascendant. Malgré le contrôle des données individuelles à des fins lucratives, il exprime le pouvoir individuel du choix, offre à chacun une capacité inédite d'aller piocher et de partager ses propres informations.
Ce changement fondamental crée un espace de liberté que les Bretons ont investi avec enthousiasme. Ce fut initialement pour des raisons essentiellement militantes (exemple : les sites classiques de revendications pour B5 etc.). Mais le point déterminant est qu'actuellement la Bretagne à cinq émerge sur le net pour des raisons de notoriété et de performance économique, et aussi pour trouver des services dans l'espace de proximité.
Dans le premier cas, le mot Bretagne « résonne », tinte, quand d'autres appellations (Ouest, Loire Bretagne…) ont moins de pertinence ou sonnent creux. Ayant le choix entre les appellations « Pays-de-la-Loire » ou « Bretagne », les professionnels du tourisme de Loire-Atlantique ont vite compris leurs intérêts (www.bretagnesud.fr, www.gites-bretagne-sud.fr etc.) et le tourisme en Loire-Atlantique est désormais breton. Les nombreux sites régionaux cherchent aussi évidemment à capter des flux. Ils ont donc avantage à prendre en compte les 1,4 millions d'habitants de la Loire-Atlantique, d'autant que ces derniers se définissent à 71 % comme Bretons. Ces plates-formes commerciales ou économiques, quand bien même elles ne sont pas « militantes », s'inscrivent alors naturellement sur B5 et confortent la réalité.
Sourds aux mots d'ordres de l'administration, de multiples institutions, structures, organismes, entreprises … ont soit échappé aux mailles du centralisme, soit se sont spontanément créées sur B5 car c'est ainsi. L'idée n'est pas de lister ici une litanie de sites Internet, mais tout simplement d'évoquer des réalités bien établies. Citons entre autres l'économie (www.produitenbretagne.bzh), le droit, les avocats, les juges, les experts-comptables (www.bretagne.experts-centomptables.fr), la culture évidemment (www.skoluhelarvro, www.acb44.bzh, www.kevrebreizh.org, www.breizhimpacte.org, www.bodadeg-ar-sonerion.org, www.falsab.com.... ), des clubs prônant B5 (www.bretagnereunie.bzh, www.breizhistance.tv, www.dibab.org, www.construirelabretagne.org...), les groupes écologiques qui ont toujours fonctionné à 5 (www.bretagne-vivante.org), des cercles de réflexion d'élus (www.bruded.org), d'entreprises et d'universitaires (www.bretagne-prospective.bzh, www.institut-locarn.fr …). Sans oublier l'ensemble des partis prônant B5 … même si entre les déclarations et l'action, il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. De précieux sites d'informations : Agence Bretagne Presse (www.agencebretagnepresse.com), 7 Seizh, Ar C'hannad (www.archannad.eu), la météo Bretagne (www.meteo-bretagne.fr) donnent également déjà des informations à l'échelle pertinente.
Dans cet ordre d'idées (« trouver l'information qui m'intéresse, la météo qui me concerne »…), cette création numérique « B5 » est porteuse de bénéfices économiques. Le « .bzh » (www.pik.bzh) concerne les 5 départements bretons et dépasse déjà les 4 000 adhésions car il crée une communauté d'intérêt. Gwenood (www.gwenood.bzh) est un moteur de recherche breton qui peut aussi fertiliser l'ensemble du tissu économique car il permet de trouver l'information ou le service adéquat au plus près, de mettre plus rapidement en lien les entreprises régionales pour plus d'activités.
Alors, la Bretagne numérique prête à dépasser la Bretagne administrée imposée par le pouvoir central ? Nous n'en sommes pas encore là, mais il existe désormais une parole bretonne sur le Web, y compris via les réseaux sociaux qui fonctionnent toujours spontanément sur les 5 départements (www.breizhbook.com, www.bzhnetwork.com, www.fans-de-bretagne.com etc.). A noter aussi la construction d'une version en langue bretonne de Wikipédia, rédigée par des passionnés et qui compte déjà plus de 50 000 articles.
Paris ne veut pas de la Bretagne ? Et bien nous la construisons sans lui. En lien avec le sentiment majoritaire d'appartenance, des territoires numériques se créent pour animer efficacement les espaces de la vie quotidienne. Ce mouvement très puissant incarne la modernité. L'ensemble balaye de bien vieux rossignols, usages et découpages pensant que la parole vient encore d'en haut. Les citoyens peuvent désormais, par leurs pratiques, créer des « cartes d'identité numériques » et imposer les territoires pertinents. Ces derniers s'écrivent en lien avec le sentiment d'appartenance des habitants et surtout leurs intérêts. Il existe désormais « un pouvoir du clic », au moins économique et politique. Aux Bretons de privilégier les sites qui leur semblent porteurs. Ils le font donc aussi de plus en plus pour gagner en efficacité.
Au final, ces sites construisent déjà une réalité territoriale cohérente. Si chacun a ses orientations et une ligne éditoriale singulière, il existe un potentiel pour davantage les associer, les mettre en musique et en synergie. L'enjeu actuel est notamment de favoriser leur diffusion et fréquentation, par exemple en les relayant les uns vers les autres. On assiste aujourd'hui à une « reterritorialisation » des usages numériques et ces derniers jouent un rôle croissant dans l'animation économique. Si chaque citoyen est du monde, il vit physiquement sur un territoire de dimension plus modeste (essentiellement local et régional) qui s'organise de plus en plus en lien avec les usages, valorise l'identité, permet aux acteurs de développer des projets. La Bretagne numérique peut rompre ses entraves et construire B5, tout simplement car nous sommes Bretons, nous existons. A nous d'ouvrir cette fenêtre pour créer, dans toute la richesse polysémique du terme, des « valeurs », et favoriser au plan économique et social le développement et l'animation d'un territoire clairement nommé, mariant le numérique au réel, devenant incontournable et donc de plus en plus actif.
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