Les quelque 48 millions d'électeurs qui étaient appelés à voter, en Turquie, ce dimanche 29 mars, à l'occasion des élections municipales, ont confirmé la popularité du parti au pouvoir, l'AKP, issu de la mouvance islamiste, qui conserve, dans son giron, Ankara et Istanbul, et ce, au moment où sévit une crise économique sans précédent, mais qui perd, néanmoins, du terrain par rapport à 2004 (39 % ou au lieu de 42 %) au bénéfice du Parti républicain du peuple, le CHP, social-démocrate, (21 % ) et du MHP, parti nationaliste d'extrême droite (16,5 %) qui progressent respectivement de 3% et 6%, par rapport au scrutin précédent.
Le DTP, (Parti pour une Société Démocratique) qui était inexistant en 2004 apparaît comme la 4e force avec 6 % des voix inégalement réparties sur tout le territoire : accusé de collusion avec le PKK, ce parti pro kurde remporte une victoire significative dans la région qu'il est interdit d'appeler "Kurdistan" bien qu'elle soit peuplée à 90 % de Kurdes, en conservant ses bastions, notamment la ville métropolitaine de Diyarbakir, les villes préfectorales de Batman, Hakkari, Sirnak Tunceli, et la cinquantaine de sous préfectures ou autres villes, avec, parfois, des scores impressionnants (80 % à Hakkari , 88 % à Yuksekova !) .
Mais le plus significatif est d'avoir gagné 3 autres préfectures, telles Igdir, Siirt, et surtout Van, et d'avoir remporté les assemblées départementales (dont les pouvoirs sont limités par les préfets comme l'étaient ceux de nos conseils généraux avant les lois de décentralisation de 1981) dans 10 régions : Agri, Batman, Diyarbakir, Hakkari, Igdir, Mardin, Mus, Sirnak, Tunceli et Van,
La délégation des Amitiés kurdes de Bretagne (A.K.B.) a suivi le déroulement des opérations de votes dans la région de Hakkari, et plus particulièrement à Çukurca, Yuksekova, Şemdinli et bien sûr, Hakkari-ville, assistant dans ces quatre villes à une victoire sans conteste (et sans contestation) du parti pro kurde : dimanche soir, c'était la fête et tout le pays était en liesse. L'un des membres de la délégation s'était détaché pour suivre la campagne de la candidate à la mairie de Karakoçan, (région d'Elazig) qui a échoué de peu.
Le DTP vainqueur de scrutin à Diyarbakir avec 65 % des voix fait un carton plein en gardant également toutes les mairies d'arrondissement (Bağlar, Kayapınar, Yenişehir et Sur) ; Osman Baydemir, bête noire du gouvernement, est, donc, à nouveau maire métropolitain de Diyarbakir et Abdullah Demirbaş, destitué pour avoir utilisé le bilinguisme dans l'information municipale, est donc réélu maire de Sur.
Avec la municipalité de Hakkari, plébiscitée à nouveau par la population, et son maire, le Dr Fadil Bedirhanoğlu, membre fondateur du DPT, AKB va poursuivre le dialogue et les actions de coopération déjà initiées depuis plusieurs années avec son prédécesseur, Metin Tekce, forcé à l'exil.
La campagne de séduction du premier ministre AKP cherchant à acheter le vote kurde à coups de réfrigérateurs et de machines à laver aura fait long feu ; l'heure est venue de regarder la situation en face et d'apporter une solution politique aux questions posées.
André Métayer
Photos : R. Al Louarn