De Yvon Ollivier, éd. Yoran Embanner, Fouesnant, 2017, 239 pages.
Dans ce roman, Yvon Ollivier narre des événements de la fin de la deuxième décennie du XXIe siècle en France (1), en prenant à contre pied le thème du roman de Michel Houellebecq, « Soumission ». L’auteur prend aussi le risque d’impliquer dans ce récit d’une révolution des personnages existants, ainsi monsieur Valls est président de la République et madame Le Pen Premier ministre, le parlement est dominé par le FN et la chasse aux « mauvais Français » est engagée.
Mais la Bretagne se révolte : et quand le récit commence, Quimper insurgée est menacée par les troupes de l’armée française. La trame de ce drame sera fournie par les récits croisés de deux frères que tout unit, surtout leurs souvenirs familiaux, et les aventures de leur enfance et que tout sépare, car l’un qui se considère comme un raté, par ailleurs fort buveur et coureur de jupons, est au milieu des Bonnets Rouges qui défendent la ville libérée, l’autre, officier général est à la tête des troupes françaises chargées de reconquérir la capitale de la Cornouaille.
Le drame va se dérouler comme un dialogue virtuel entre les deux frères, narrant d’un côté la résistance des « rebelles », bientôt cachés autant qu’ensevelis dans les ruines de la ville et de l’autre les avancées sans cesse repoussées des troupes françaises pourtant supérieurement équipées et entrainées.
Toutes proportions gardées, ce qui est ici narré c’est la conquête ou la reconquête de tant de villes, du Paris de la Commune au Stalingrad soviétique, au Mossoul d’aujourd’hui, avec les mêmes tactiques et les mêmes conséquences.
Ce qui est important dans cet ouvrage, au-delà de l’étude psychologique des deux frères qui se font face idéologiquement et militairement et des péripéties militaires du siège de Quimper, c’est la description de la société française et des courants qui la traversent à un moment crucial où les bouleversements locaux, nationaux, européens et mondiaux pourraient bien se traduire dans ce pays par de tels affrontements, en Bretagne ou ailleurs.
Il n‘est pas indifférent que cet ouvrage paraisse à la veille de deux périodes électorales majeures pour l’avenir de ce pays, l’élection présidentielle et les élections législatives.
Et il n’est pas choquant que, au vu des programmes de certains des candidats, il soit légitime de se poser cette question, « Et si le pire nous attendait ? »
Pour nous éclairer sur toutes ces fractures financières, économiques et sociales qui divisent le pays, Yvon Ollivier, à travers les pensées de son héros « révolté », nous livre une analyse de la société française telle qu’il la perçoit en cette période qui s’annonce peut-être comme celle d’un basculement catastrophique de notre société.
En contrepoint nous avons une autre vision de la société, celle du frère, général, qui représente en fait la conception d‘une société, sans doute sclérosée, qu’une discipline d’un autre âge ne protège plus vraiment contre les bouleversements du Monde et les menaces qu’ils portent en eux.
Bon, les deux frères périront au cours de ce qui est peut-être le dernier combat des insurgés face aux forces « de l’ordre » et se réconcilieront dans la mort, au-delà de leurs échecs partagés.
Il s’agit bien là d’une « fable », au sens de récit « allégorique », c'est-à-dire un récit destiné à la foule pour l’éclairer, en fait c’est bien d’une mise en garde qu’il s’agit et souhaitons de tout coeur que cette fable ne soit pas prophétique au sens de « prédiction d’un événement futur » qui, dans ce cas se traduirait vraiment par le pire, la guerre civile.
Heureusement le pire n’est jamais sûr et le bon sens populaire finit (presque) toujours par triompher.
Jean Cévaër
(1) 2020 apparaît sur la couverture.
En complément
http://www.yoran-embanner.com/politique/409-les-freres-kerveguen.html de l'éditeur, page du livre.
( voir notre article ) pour une interview de l'auteur, et https://www.nhu.bzh/freres-kerveguen-yvon-ollivier-bretagne/ de Ni Hon Unan (nhu) pour un autre compte-rendu.