Le 23 juillet 2014, lors du vote solennel de la carte des régions à l'Assemblée nationale, les élus de la Bretagne administrative et de la Loire-Atlantique ont confirmé le maintien de la partition administrative de la Bretagne imposée par tous les régimes successifs depuis celui de Vichy qui inaugura ce démembrement en 1941.
L'attitude complaisante vis-à-vis du diktat jacobin (passive, résignée ou soumise suivant les cas) de l'ensemble quasi-complet des élus parlementaires bretons, à l'exception de quelques députés dont Marc Le Fur, Paul Molac, François de Rugy, Jean Luc Bleunven qui nous ont assuré de leur engagement marquera un tournant dans les rapports entre les citoyens bretons et leurs représentants.
Dans cet ensemble, on trouve ceux qui s'étaient engagés fermement en mai 2014 à se battre pour la réunification ou du moins l'avaient laissé entendre. D'autres plus cyniques ont illustré la réflexion, en son temps, de Charles Pasqua que les promesses d'un candidat ne valent que pour ceux qui ont la naïveté de les croire.
Il faut donc saluer la minorité des députés bretons qui ont eu le courage de leur opinion et ont ainsi voté en conformité avec leur engagement.
Les élus du PS ont argumenté qu'en votant pour la partition administrative de la Bretagne, ils ont évité la solution encore plus détestable de la fusion de la Bretagne administrative et de la région dite des Pays de la Loire, aboutissant à un conglomérat sans cohérence géographique, historique, culturelle et économique au sein duquel la culture et la langue bretonnes auraient été vouées à disparaître.
En effet, l'hétérogénéité d'un Grand Ouest l'empêcherait, tout comme la Bretagne administrative, privée à dessein de ce complément économique et culturel essentiel qu'est la Loire-Atlantique, de constituer une véritable région européenne compétitive. Mais pourquoi refuser aussi une réunification aux avantages amplement démontrés ? A qui une Bretagne réunifiée fait-elle donc peur ?
Au demeurant, la définition d'une région "de taille européenne" n'est pas une question de superficie. En effet, si certaines régions européennes sont si vastes, c'est qu'elles sont d'anciens Etats, comme la Bavière, la Catalogne, l'Ecosse, la Flandre ou la Lombardie, avec leur histoire multiséculaire, leur culture et leurs traditions, dont le respect, dûment exigé et obtenu, leur a conservé le dynamisme à la source de leurs économies florissantes.
Il en est même pour les villes allemandes de Brême et Hambourg qui sont elles aussi des Länder ! L'Allemagne compte d'ailleurs 16 Länder au lieu de 13 Régions françaises selon la volonté de Paris pour une superficie égale aux deux tiers de celle de la France. Et bien d'autres Etats ou régions d'Europe ont une superficie inférieure à celle de la Bretagne réunifiée !
En Europe comme dans le monde, la viabilité des Régions et Etats n'est pas une question de superficie mais obéit à des critères de cohérence et de liberté d'action dans un contexte d'échanges et de subsidiarité. Mais pour reconnaître cela, il faut qu'un clairvoyant esprit de finesse prime sur un esprit de géométrie aveugle !
La Bretagne réunifiée administrativement serait une région véritablement européenne, avec cinq départements unis par une histoire plus que millénaire, une culture et des traditions communes. Cinq départements ayant tous une façade maritime et des économies de même nature et complémentaires, tournées vers l'agriculture, l'agroalimentaire, l'industrie mécanique, le tourisme ou la culture. Voilà les réalités géographiques, historiques, sociales, économiques et culturelles que le vote de trop d'élus bretons a niées et rejetées.
Tout le monde sait que l'électorat breton est atypique par rapport à celui de la moyenne française et ceux qui affectent de l'ignorer ne devraient pas faire de politique. Malgré l'absence d'enseignement de l'histoire et de la géographie de la Bretagne, le grand public breton a une certaine idée de la réalité historique et géographique de la Bretagne et on peut compter sur les réseaux bretons (réseaux sociaux et divers réseaux d'influence et de solidarité) pour l'aider à approfondir ses connaissances.
Si la Bretagne fut profondément gaulliste pendant les "Trente Glorieuses", puis "socialo centriste" pendant trente autres années, la persistance du déni jacobin de la réalité bretonne amène maintenant un sursaut des profondeurs du peuple breton qui s'est déjà manifesté avec les Bonnets Rouges.
Si les représentants des Bretons ont massivement failli, les élites populaires restent au rendez-vous de l'histoire pour recouvrer les droits les plus élémentaires de la Bretagne à conserver son identité, son territoire et sa culture.
La bonne volonté et la patience des Bretons des cinq départements, qui ont manifesté depuis des décennies leur volonté de réunifier leur patrie, ne récoltent toujours que le mépris jacobin. C'est en vain qu'ils ont organisé des manifestations, écrit des livres et des articles, établi des argumentaires irréfutables, lancé des campagnes d'affichage et organisé des spectacles.
Ils ont répondu à 16 sondages depuis 1986, indiquant tous une volonté majoritaire du peuple breton en faveur de la réunification administrative de la Bretagne. Le dernier sondage en date, celui de LH2 au début de ce mois de juillet 2014, est plus que jamais clair et massif.
En votant contre la réunification administrative de la Bretagne, en dépit de la volonté majoritaire du peuple breton, ces élus bretons n'ont pas répondu aux attentes de leurs électeurs.
Non seulement ils ont renié leurs promesses, mais ils n'ont pas rendu service à la démocratie et contribuent à la dégradation de la situation de ce pays, qu'elle soit sociale, économique ou financière.
Si le peuple perd confiance dans ses représentants, dans l'expression démocratique et donc dans la démocratie, le pire peut survenir plus rapidement que ne le croit Paris. Nous ne sommes pas prophètes mais une autre ère politique plus âpre est manifestement en train de se préparer. Quand elle se révélera, Paris ne pourra pas dire qu'il n'a pas été prévenu et mis en garde !
Le Bureau de Bretons du Monde - OBE
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