"Pour avoir une télévision bretonne, il faudrait que vous fassiez du bruit, comme les corses". Déclaration de Patrick Devedjian, ministre français des libertés locales s'exprimant en mai dernier face à des responsables associatifs bretons. Pour EMGANN, Mouvement de la Gauche Indépendantiste Bretonne, l'enjeu réel du procès des 11 militants indépendantistes bretons qui s'ouvre ce lundi est résumé à travers cette phrase. En effet, la question première que soulèvera ce procès est bien de savoir pourquoi depuis 1932 il y a des attentats en Bretagne et pourquoi il n'y en a jamais eu en Normandie ou en région Centre par exemple. Nous savons par avance que l'Etat français et la justice française se garderont bien d'aborder publiquement cette question et pourtant il serait temps que l'ensemble des formations politiques et des médias posent clairement le débat et analysent les raisons de plus de 60 ans de troubles, de milliers d'attentats et d'autant de manifestations liés à la question nationale bretonne. Quatre ans après le tragique et toujours mystérieux attentat de Quévert, aucune des revendications nationales, sociales, économiques et culturelles pourtant partagées par une majorité de bretons (réunification administrative, statut institutionnel particulier, reconnaissance du peuple breton, statut pour le Breton et Diwan, désenclavement de la Bretagne, aide à l'agriculture durable, lutte contre la pollution de l'eau et les algues vertes, interdiction des navires pollueurs, maintien de la filière pêche, entre autres...) n'a abouti ni même avancé. Pire, en sus des difficultés générales croissantes au niveau hexagonal et notamment des multiples fermetures d'entreprises, les bretons ont eu a subir une série de mesures et de projets vexatoires hypothéquant gravement l'avenir de la Bretagne (projet des voies express payantes, projet de loi "Grand-Ouest", fermetures arbitraires de cours de breton, interdiction du réseau hertzien à TVBreizh, aéroport de Notre-Dame-des-Landes, spéculation immobilière anglaise et française galopante et inquiétante en zone rurale, etc...) L'Etat français se comporte encore et toujours en autiste face aux attentes légitimes des bretons et n'oppose comme réponse face à ces attentes que le mépris et la répression, poussant même parfois celle-ci jusqu'à la caricature (affaires des "Irlandais de Guingamp"). Aujourd'hui à la veille d'un procès au scénario déjà écrit, au delà du soutien humanitaire c'est donc un soutien clairement POLITIQUE qu'Emgann apporte à nos 11 compatriotes. Emgann, mouvement politique public, n'a jamais prôné l'utilisation des bombes et pense que la solution aux problèmes institutionnels, économiques, politiques, culturels et sociaux en Bretagne passe avant tout par une action politique de terrain et, entre autres, électorale. Mais si d'autres bretons ont choisi une stratégie différente notamment à travers la résistance armée, nous affirmons que la seule faute en incombe à l'Etat français qui n'a jamais cherché quelque soit sa couleur politique à prêter la moindre attention aux revendications fondamentales et structurelles énoncées plus haut. Aujourd'hui nous plaçons la France face à ses responsabilités et la mettons d'ores et déjà en garde contre la tentation d'un jugement de haine et de vengeance qui n'aurait comme seul effet que d'accentuer la frustration et le sentiment d'injustice d'une part croissante de la population bretonne. Nous appelons également les opposants à la loi Perben et aux lois sécuritaires à manifester leur soutien aux 11 bretons et à exercer une vigileance citoyenne durant les 4 semaines que dureront ce procès. Nous rappelons, notamment, que la justice d'exception formant l'ossature du projet Perben est en vigueur en Bretagne depuis longtemps et ce dans l'indifférence quasi-générale de la classe politique hexagonale. Nous exigeons également que le ministre Patrick Devedjian s'explique publiquement sur ses déclarations et ce durant le procès, ceci pouvant effectivement éclairer les jurés sur deux pratiques tristement traditionnelles au sein de l'Etat français et ce dans nombres de dossiers : la prime à la bombe et l'encouragement à la violence. Que l'Etat français le sache, les 4 années d'internements forcés de plusieurs de nos militants et les centaines d'arrestations subies et ce afin de briser le mouvement indépendantiste breton et de lui accoler l'étiquette infamante de "terroriste" n'auront servis à rien, nous continuons et nous continuerons à assumer et à défendre, notamment le 21 mars prochain dans les urnes, les mêmes positions et le même objectif: l'autodétermination du peuple breton. De surcroît, nous réiterons à nos 11 compatriotes et particulièrement aux 6 qui comparaitront détenus à ce procès notre soutien intégral et inconditionnel. Pour EMGANN