Après la ruineuse grève des Pilotes d'Air France, voici celle, plus violente et tout aussi symptomatique du malaise hexagonal, des chauffeurs de taxis. Comme le notent de nombreux observateurs, la France est malade des corporatismes, ce qui n'exclut pas que certaines revendications soient parfois justifiées. C'est cependant tout un mode de fonctionnement et de vie finalement qui sont à revoir, dans un pays où l'on finit par s'identifier plus à sa corporation qu'à un quelconque destin commun.
La Bretagne connaît également ses soubresauts catégoriels et parfois violents, mais ils concernent essentiellement des professions liées au secteur primaire, agriculture, pêche, ou à des activités en partie dérivées de ces pôles, tels que l'agroalimentaire et les transports.
On notera que, dans ces secteurs, les décisions relèvent plus de Bruxelles que de Paris, c'est pourquoi une Bretagne émancipée permettrait tout d'abord de mieux gérer les conflits, en confrontant directement les intérêts bretons avec les centres de décision bruxellois. À quoi sert en effet un ministre de l'agriculture parisien dans le domaine, quand celui-ci a peu de pouvoir sur le fond, et qu'il est évident qu'on ne peut lier le destin des éleveurs bretons avec celui des céréaliers beaucerons.
Mais, au delà du secteur primaire et de ses spécificités locales, la Bretagne de demain ne pourra faire l'économie d'une remise à plat des privilèges en place dans de nombreux domaines, que ces privilèges soient hérités de l'ancien régime, des ardeurs révolutionnaires ou encore de la mise sous tutelle partisane de secteurs entiers au sortir de la seconde guerre mondiale.
Ce travail nécessitera un grand pragmatisme, et touchera tous les domaines d'activité. Comment pourrait-on par exemple continuer à pratiquer un numerus clausus aussi drastique en médecine alors que le Centre Bretagne manque cruellement de médecins ?
C'est un exemple parmi tant d'autres, car la tâche de modernisation sera immense pour la société bretonne de demain.
Mais, pour parvenir à réussir cette révolution économico culturelle, la Bretagne dispose d'un atout formidable : cette solidarité naturelle qui existe encore entre les Bretons. Une solidarité qui s'est exprimée, parfois de manière brouillonne, mais tellement vive, au moment de la récente révolte des Bonnets Rouges par exemple. C'est cette profonde envie de vivre ensemble et de partager, au-delà des appartenances professionnelles ou idéologiques, qui permettra de remettre à jour ici une valeur qui a déserté depuis longtemps la République Française. Je veux parler du sens de l'intérêt général.
Caroline Ollivro, présidente de Breizh Europa