Quelques signes nous avaient suggéré naguère que les langues de France autres que le français étaient en passe d’obtenir une forme de reconnaissance et de soutien de la part de l’État.
Des licences avaient été habilitées. Des CAPES avaient été créés. La Charte européenne des langues minoritaires et régionales était signée. La Délégation à la langue française devenait Délégation à la langue française et aux langues de France et organisait (à l’automne 2003) des Assises des Langues de France. Malgré la non-ratification de la Charte, malgré le nouvel article 2 de la Constitution française et les remises en question périodiques de l’enseignement bilingue, on pouvait imaginer que la France renonçait à faire la guerre à ses langues historiques.
La baisse, ou mieux l’effondrement (une division par 2, ou par 3 ou plus), cette année du nombre de postes offerts aux CAPES de langues régionales vient nous signifier de manière brutale qu’il n’y a ni reconnaissance, ni respect, ni la moindre volonté d’apporter un soutien au basque, au breton, au catalan ou à l’occitan.
La brutalité se double de mépris désinvolte : les candidats découvrent le nombre de postes ainsi amputé à un mois du début des épreuves.
La brutalité ne s’accompagne que de maigres économies (qui pourtant ne manqueront pas d’être évoquées pour la justifier) : les postes supprimés, vitaux pour des langues au service desquelles les moyens humains engagés sont très faibles, ne constituent qu’une goutte d’eau dans la masse des concours. L’ensemble des postes attribués aux langues concernées représentait avant la dernière baisse 0,45% de l’ensemble, 0,27% après la baisse ! De plus, pour presque toutes ces langues il s’agit de CAPES bivalents (associant à une langue régionale le français, l’histoire géographie, une langue étrangère…) ce qui garantit que les lauréats ne risquent pas de rester avec des emplois du temps incomplets.
On sait, ou on doit savoir, que ces langues, et les cultures qu’elles ont fait naître et nourrissent, constituent une richesse de la France, de l’Europe et de l’humanité.
On sait que la transmission de toutes les langues de France autres que le français est gravement compromise.
On sait qu’une langue dans une société moderne, alphabétisée, médiatisée et à fort niveau d’instruction ne peut vivre sans être présente de manière solide et si possible systématique dans l’institution scolaire. L’école n’est pas toute la politique linguistique, mais l’absence de présence forte à l’école équivaut à une politique d’éradication.
C’est apparemment ce chemin qui est repris : le chemin d’une école qui exclut rigoureusement toute autre langue que le français. Nous avons sans doute été naïfs de prendre quelques mesures timides et si vite reniées pour un changement de politique et d’attitude.
C’est à ce changement que nous appelons d’urgence, et concernant le concours du CAPES, au retour au niveau de recrutement antérieur. Minimalement et en signe de commencement de début de justice.
Charles VIDEGAIN, président du jury de CAPES de Basque
Martine BERTHELOT, présidente du jury de CAPES de Catalan
Patric SAUZET, président du jury de CAPES d’Occitan - Langue d’Oc.
Lukian KERGOAT, président du jury du CAPES de breton