Il y a 70 ans, en 1943 (en pleine « Occupation »), Jean-Paul Sartre (1905-1980) publiait le livre qui allait faire sa réputation : "L'Etre et le Néant". Rappelons qu'une oeuvre philosophique est symptomatique d'une époque. En l'occurrence, c'est l'esprit français de l'époque qu'il faut lire dans ce livre de Jean-Paul Sartre. En effet, il s'agissait, plus que jamais à l'époque, « d'être Français » ou... « rien ».
On sait combien la Bretagne a souffert de ce « dictat » (ne serait-ce que par la « partition » de 1941 visant à briser « l'élan de résistance », moins contre "l'occupation allemande" que contre "la soumission française"). Comme mentionné dans notre précédent article, Jean-Paul Sartre emprunte tout au penseur breton Jules Lequier (1814-1862), notamment l'idée centrale de « l'existentialisme » selon laquelle « on se fait soi-même » en « faisant ». Ce qui rejoint l'idée centrale de la philosophie de Descartes, à savoir que « l'on est soi-même » en « pensant par soi-même », ou en exerçant sa « liberté de penser ».
Notons que le « néant » chez Sartre revient moins au « non-être » qu'à "l'indifférence" soit, comme l'explique clairement le philosophe, à « la néantisation », c'est-à-dire le fait de nier la réalité pour se construire soi-même. Par exemple, le fait de nier la réalité de l'autre (« l'Enfer, c'est les autres ») avant que l'autre ne nie la mienne. Il est intéressant en ce sens de lire Sartre dans le cadre de la confrontation entre "point de vue français" et "point de vue breton".
Pourquoi le célèbre philosophe, qui a confié à la fin de sa vie en 1980 n'avoir jamais été « existentialiste » (et qui a mis en avant, dans l'ouvrage intitulé "L'Espoir maintenant", son respect de la tradition hébraïque), n'a-t-il jamais reconnu sa dette envers « la pensée bretonne » ? En particulier celle de Lequier, et surtout celle de Descartes...
Descartes lui-même s'est inspiré de la formule de Shakespeare « être ou ne pas être ». Un célèbre dramaturge derrière lequel certains ont identifié le philosophe britannique Francis Bacon (1561-1626). Celui-ci, premier "empiriste" de l'époque moderne, a souhaité, comme Descartes, "remplacer Aristote".
Comme nous l'avons indiqué dans notre "Descartes, Breton ?" (p. 86), Descartes aurait pu se rendre en Angleterre. En effet, lorsque l'on voyage en Italie, en Allemagne, en Hollande et en Suède, et que l'on s'intéresse à la philosophie de son temps, il y a de fortes chances pour que l'on se rende un jour ou l'autre en Angleterre...
D'autant plus que le voyage se faisait aisément à l'époque depuis le port de Saint-Malo, à quelques heures de calèche de Rennes (où habitait toute la famille Descartes). Ne parlait-on pas à l'époque de l'Angleterre comme étant la "Grande-Bretagne" ?
Francis Bacon souhaitait remplacer "la méthode" d'Aristote (c'est son nouvel "Organum") et Descartes a concrètement réalisé ce projet... Le philosophe britannique ne disait-il pas "qu'une hypothèse en science dépend du point de vue que l'on adopte "? Ainsi en est-il du Descartes "Français" ou "Breton" : tout dépend du point de vue adopté et, en l'occurrence, l'un ne saurait « nier » ou « néantiser » l'autre.
Simon Alain