Maurepas, le 21 septembre 2005 Monsieur l’Inspecteur d’Académie Cité Administrative 13, avenue Saint-Symphorien B.P. 506 56000 Gwened/Vannes Marcel Texier 8, rue du Pas-de-Calais 78310 Maurepas
Monsieur l’Inspecteur, J’ai été scandalisé, mais non surpris, de votre refus d’ouvrir une classe bilingue breton/français à l’école maternelle Merville à Lorient. Après tout, malgré d’apparents adoucissements destinés uniquement à donner le change en France et à l’étranger, il est bien évident que l’Etat français poursuit inexorablement l’ethnocide entamé il y a un peu plus de deux siècles. Pour parvenir à cette fin, aucune mesure ne saurait être négligée, fût-ce la plus mesquine. Mais vous pouvez faire mieux : je vous suggère de prendre contact avec Jörg Haider, gouverneur de la Carinthie en Autriche et qui déploie, contre la langue slovène parlée par une partie de la population de cette province, autant de zèle que vous contre la langue bretonne. Le seul ennui, c’est qu’il doit, lui, s’opposer à l’application de l’article 7 du Traité d’Etat du 15 mai 1955 portant rétablissement d’une Autriche indépendante et démocratique, article dont la France est (ô surprise !) avec les trois autres « Grands » de l’époque, un des garants. Cet article, en effet, introduit à la demande de la France, ce qui, vous en conviendrez, ne manque pas de sel, garantit aux minorités slovènes de Carinthie et croates du Burgenland des droits linguistiques qui sont refusés, dans les faits, aux Bretons. Cela dit, je vous concède que la situation, en Autriche, n’est pas tout à fait la même que chez nous : l’Autriche est une vraie démocratie, qui a incorporé dans son droit interne l’article 7 sus-mentionné et qui a ratifié la Charte européenne des Langues minoritaires ou régionales. Malgré tout, Jörg Haider et les organisations d’extrême droite, réussissent à en limiter l’application ou à l’entraver, profitant du silence complice, entre autres, du « pays des droits de l’homme » ! Vous voyez que vous avez beaucoup en commun. Faites votre travail, Monsieur l’Inspecteur, même si en l’occurrence il s’agit d’une inavouable besogne : contribuer au génocide culturel en Bretagne. Mais, en tout état de cause, votre décision comportera pour nous des aspects positifs. Si vous ouvrez cette classe, c’est évidemment heureux pour ces vingt enfants et leurs parents. Pour avoir fait une carrière de professeur d’anglais, je connais la valeur du bilinguisme précoce. Si en revanche vous décidez de maintenir votre refus, vous nous fournirez une excellente occasion de donner à cette article 7 du Traité de 1955 une publicité inespérée. Ne sommes-nous pas en droit, nous Bretons, d’exiger sur le territoire de nos cinq départements, de bénéficier des avantages culturels que la République française est censée garantir par un Traité international aux Slovènes et aux Croates d’Autriche ? Veuillez agréer, Monsieur l’Inspecteur, l’expression de mes salutations distinguées.
Marcel Texier, Agrégé d’anglais, officier dans l’ordre des Palmes Académiques.
P.S. Cette lettre est une lettre ouverte que j’adresse aux principales organisations internationales de défense des minorités, en plus du Comité International pour la Sauvegarde de la Langue Bretonne (C.I.S.L.B.). Vous trouverez également ci-joint, pour votre information, le texte de l’article 7 du Traité du 15 mai 1955.