De report en report, le 17 février verra peut-être enfin l'apogée du combat pot de terre contre pot de fer. C'est l'histoire d'un vétéran – M. Pierre Marhic - qui se bat avec l'énergie du désespoir depuis 2003 pour faire reconnaître ses droits au titre de victime des essais nucléaires.
Luttant avec une grande détermination, il n'a cessé de dénoncer les failles du code des pensions militaires auquel est soumis tout ancien militaire, tant appelé qu'engagé. Il doit néanmoins s'y soumettre pour faire valoir son bon droit.
Le code des pensions militaires a répondu en d'autres temps avec efficacité certes, aux conséquences des grandes guerres; et si il a parfaitement rempli son office au cours du siècle précédent, on peut considérer aujourd'hui sans lui porter outrage, qu'il n'est plus adapté aux risques de notre temps, notamment les expositions aux rayonnements ionisants; ce que n'a pas manqué de souligner officiellement le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye lorsque l'ANVVEN l'a sollicité pour émettre un avis sur ce sujet.
L'identification de la contamination par le nucléaire, si elle n'est pas massive – autant dire irradiation, telle qu'on se la rappelle avec Hiroshima – n'en est encore qu'à ses débuts puisqu'elle ne possède pas de marqueurs spécifiques au travers des multiples pathologies. Les plus forts soupçons résident dans les cancers, 18 cancers reconnus par la loi H. Morin, mais bien d'autres maladies sont émergentes, si l'on fait référence aux conclusions de la toute récente étude épidémiologique sur la mortalité des vétérans effectuée par SEPIA Santé (une étude de morbidité en cours viendra compléter la précédente).
Il n'est pas anodin de se poser la question pourquoi si peu de requérants saisissent cette juridiction. Tout d'abord elle est totalement méconnue du grand public, et cette spécificité lui confère une certaine opacité. Est-il acceptable que sur le plan santé-juridique les militaires se distinguent différemment des civils? - Cette corporation fait l'objet d'un traitement tout particulier puisque ne lui sont pas reconnues les maladies professionnelles ; plus pénalisant encore, il appartient au requérant de faire la preuve du lien de cause à effet, ce qui dans ce dossier spécifique, couvert en partie, par le Secret Défense, relève sinon de l' utopie, mais d'un véritable défi, un parcours de combattant qui demande beaucoup d'énergie, l'expression douloureuse d'une vraie quête de justice, dans une tranche d'âge plus vraiment adaptée à ces circonstances.
Pour tous ceux qui n'entrent pas strictement dans le cadre de cette loi, il leur faut se présenter devant la juridiction du TPMI, dont on ne peut pas dire qu'elle traite avec une grande équité ses anciens serviteurs de l’État. Comparativement j'en veux pour seul exemple les irradiés accidentels d’Épinal : a t-on cherché un rapprochement avec des facteurs héréditaires pour établir leur dossier d'indemnisation ?
Alors est-il bien juste de mettre en balance une contamination, dont on sait qu'on n'obtiendra jamais la preuve formelle, et votre hérédité ? de même qu'il ne faut surtout pas manquer de souligner que tous les participants à la mise en place de la dissuasion nucléaire étaient étiquetés « travailleurs sains »
Saluons les quelques veuves et familles qui se lancent avec courage dans une entreprise à l'issue pourtant incertaine, mais qui ont valeur d'exemple pour toutes celles encore hésitantes.
Il est à noter que le temps presse car les rangs des témoins de cette période historique s'éclaircissent et « qu'à jouer la montre » en s'éternisant dans des procédures interminables l’État ne se grandit pas.
La justice sera t-elle ponctuelle à ce rendez-vous?
Je vous informe que non, puisque cette audience tant espérée est reportée, en raison du mouvement de grève des magistrats, au jeudi 21 avril 2011.
Hugues Rousee, secrétaire de l'ANVVEN