Opposé au contenu du projet de Constitution Européenne mais pas à l'Europe, j'ai participé aux réunions des « Collectifs du 29 mai » espérant qu'à l'issue du scrutin qui nous avait été favorable, nous nous retrouverions dans un nouveau parti à gauche de la gauche dite socialiste qui avait voté pour ce projet. Las ! les croyances, les coutumes, les us politiques, communistes, communistes révolutionnaires, socialistes, écolo-socialistes, socialo-républicains ont fait que nous n'avons pas su nous entendre sur le choix d'un(e) candidat(e) à l'élection présidentielle, réduisant ainsi à néant l'idée d'une nouvelle association politique. Pourtant, récemment, mais cependant 4 ans après, deux caciques du parti socialiste qui font métier de la politique lançaient le Parti de Gauche. J'ai été parmi les premiers soutiens. Or, qu'ai-je constaté, depuis ces deux mois d'existence, concernant sa structuration qui déterminera, on le sait, le caractère plus ou moins démocratique de son fonctionnement ? Un certain nombre de faits qui conduisent à se poser les 5 questions suivantes.
1) Est-ce un nouveau parti jacobin de gauche ?
Sous un prétexte électoraliste sur lequel je reviendrai, son organisation reprend à l'identique le découpage napoléonien en départements alors même que cette division est considérée comme obsolète au niveau territorial français, encore plus au niveau territorial européen. Ses inspirateurs n'ont pas envisagé une organisation au niveau des régions, des provinces, une structure fédérative comme c'est le cas dans nombre de pays européens. Une organisation fédérative est non seulement adaptée à l'économique mais aussi au social et surtout au culturel souvent nié par les structures centralisées. Elle s'avère plus démocratique. Qui plus est, l'état embryonnaire actuel du parti (il y a actuellement en Bretagne 8 comités organisés: PG 22 (2 membres), PG 29 (5 membres), PG 35 (2 membres) et PG 44 (4 comités d'environ 8 membres) et quelques isolés en Mor Bihan) plaide pour un regroupement régional.
2) Est-ce un nouveau parti nationaliste de gauche ?
Dans la phraséologie des fondateurs et des sympathisants se retrouvent constamment les concepts de République (déjà présent dans le groupe socialiste« Pour la République Sociale »), de Républicains. « Nous sommes des républicains français, et donc pour l'unité de la République française » « En tant que républicains français, nous prônons l'unité nationale française et l'égalité des droits qui s'y rattachent ». Le mot Nation est lancé. Quelle nation ? La nation française construite par des dictateurs (n'ayons pas peur des mots) comme les Rois de France, les Empereurs (Napoléon se distinguant par ses volontés guerrières hégémoniques), les Républicains comme Mac-Mahon et Pétain. Une nation qui s'est faite en détruisant et en niant des entités humaines, des peuples comme les fondateurs et les sympathisants se refusent à le dire ou à le reconnaître, en parlant des peuples alsacien, basque, breton, corse et autres.
3) Est-ce un nouveau parti colonialiste de gauche ?
« Nous sommes républicains, et donc pour l'unité de la République, cet espace commun de droits et de devoirs, qui permet à tout citoyen, de métropole ou de territoires d'outre-mer, d'être égal ». L'organisation du PG reprend les structures coloniales en intégrant les DOM-TOM. Ses fondateurs ignorent-ils qu'en Martinique, en Guadeloupe, en Nouvelle-Calédonie et dans les autres confettis de l'Empire français, il existe des mouvements de libération nationale. Certains comme en Martinique sont au pouvoir! Mais il est vrai que la France métropole soutient ces mouvements chez les autres mais pas chez elle! Belle continuité qui peut se comprend quand on vient d'un parti qui a su mener, il y a à peine 50 ans des opérations de colonisation comme en Indochine, en Algérie (Mitterrand, Lacoste, Mollet)
4) Est-ce un nouveau parti électoraliste de gauche ?
« Les comités locaux s'organisent au niveau des circonscriptions législatives ». L'appétit de représentation semble se faire pressant à l'approche des élections européennes. On sent que les professionnels de la politique veulent garder leur place. Sur le site Internet du Parti, ceux ou celles qui soutiennent le Parti ont majoritairement tous et toutes un mandat électif, au Parti socialiste faut-il le préciser !. Quid de la démocratie participative ? de l'usage généralisé du référendum ?
5) Est-ce enfin un nouveau parti européen de gauche ?
Pour ces Républicains à tous crins, ces farouches nationalistes français, ces héritiers du colonialisme français se revendiquer européens risque d'être difficile. En effet, la construction harmonieuse d'une Europe démocratique ne peut se faire qu'en respectant les peuples du continent, leurs langues et en effaçant les traumatismes de type coloniaux qui ont conduit à leur effacement en muselant par exemple leurs expressions linguistiques (dans les années 1900 « Défense de parler breton et de cracher par terre, de porter des prénoms bretons » plus récemment fin 2008 "Défense de faire de la publicité en breton") et culturelles, en détruisant leurs activités économiques.
L'Union européenne a pour principe fondateur la diversité : diversité des cultures, des coutumes, des opinions, mais aussi des langues, ce qui est naturel sur un continent où tant de langues sont parlées. L'attention sans précédent que suscite aujourd'hui la diversité linguistique s'explique par la multiplication des contacts entre les peuples. Les citoyens sont de plus en plus amenés à devoir parler une autre langue que la leur, que ce soit dans le cadre d'un échange d'étudiants, d'une installation dans un autre pays ou lors de relations professionnelles.
La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, adoptée en 2000, proclame à l'article 22 que l'Union respecte la diversité linguistique et interdit, à l'article 21, toute discrimination fondée sur la langue. Le respect de la diversité linguistique est une valeur essentielle de l'Union, au même titre que le respect de la personne, l'ouverture aux autres cultures et la tolérance. Ce principe vaut non seulement pour les 23 langues officielles de l'Union, mais aussi pour les nombreuses langues régionales et minoritaires qui sont parlées aux quatre coins de l'Europe. C'est cette diversité qui fait de l'Union ce qu'elle est : non pas un creuset où se fondent les différences, mais un lieu où le mot diversité est synonyme de richesse.
Malgré tout cela, je soutiens un parti de gauche de l'Union Européenne. Mais je pense qu'il est temps en France de faire du neuf et de raisonner à l'échelle des communautés humaines qui vivent dans l'ensemble français. Ces communautés ont souffert des divisions administratives arbitraires imposées par des pouvoirs royalistes, impérialistes, républicains jacobins et vichystes (1). Elles revendiquent encore aujourd'hui ce "vivre ensemble" mais dans un ensemble fédéral. Il est donc possible, à l'échelle de la communauté bretonne, de Nantes à Brest, de penser une structure au sein du parti de gauche qui fasse sens au plan français et au plan européen, de penser à une section bretonne du Parti de Gauche ! Les réponses que j'ai reçues ne me laissent pas augurer de cette création.
Yves-François Le Coadic
yvesfrancois.lecoadic [at] gmail.com
(1) L'exemple de l'ex-Yougoslavie est à cet égard très instructif. Que retrouve-t-on aujourd'hui comme pays constituants de l'Europe ? : la Slovénie (qui a présidé l'Europe pendant 6 mois), bientôt la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, le Kosovo, c'est-à-dire les peuples qui avaient été regroupés de force par les pouvoirs monarchiques (Pierre 1er et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, renommé Royaume de Yougoslavie) puis les pouvoirs socialistes du dictateur Tito. La France d'aujourd'hui, c'est la Yougoslavie d'hier : la France de demain pourrait-elle être, au sein de l'Europe, la Yougoslavie d'aujourd'hui ?