Incroyable ! Erdoğan a failli perdre "son" référendum qui lui donne les pleins pouvoirs : il avait déjà son palais pharaonique, il a désormais les pouvoirs d’un sultan d’un temps qu’on croyait révolu.
Incroyable, cette victoire sur le fil, entachée de nombreuses irrégularités. Mais Erdoğan est coutumier du fait. Seules, jusqu’à présent, les formations politiques kurdes ou progressistes de gauche dénonçaient les intimidations, les bourrages d’urnes ou autres procédés frauduleux ou violents. Ce qui est nouveau est qu’aujourd’hui d’autres voix se mêlent au concert de protestations, y compris dans les propres rangs de l’AKP, le parti au pouvoir, dont une partie a fait campagne pour le "Non".
Incroyable, cette victoire à la Pyrrhus qui risque de lui coûter cher : il avait pourtant bien préparé son coup d’État, car c’est un vrai coup d’État constitutionnel, depuis le putsch manqué du 15 juillet 2016 – mais était-ce un vrai putsch, ce « don de Dieu » ? Depuis cette date, on n’en finit pas de rappeler le nombre de personnes incarcérées, le nombre de media interdits, le nombre de fonctionnaires révoqués, le nombre de maires élus remplacés par des fonctionnaires aux ordres, le nombre de villes assiégées, le nombre d’habitations détruites, le nombre de civils déplacés ou tués.
Comment se fait-il que sa victoire ne soit pas écrasante alors qu’il a muselé la presse et tous les media, l’armée, la justice, l’université, les associations, les partis politiques, les syndicats, en procédant à des destitutions massives, des interpellations tous azimuts et des mises en détention par milliers et alors que les fraudes ont connu un niveau inégalé ?
Erdoğan n’en a cure : il célèbre sa victoire avant même de connaître les résultats officiels et écarte d’un revers de manche les nombreuses contestations qui exigent un recomptage de voix, notamment dans les grandes villes où des irrégularités ont été constatées, de même pour la question des 1,5 million de bulletins nuls validés in extremis par le Haut Conseil électoral, au mépris de la loi de 2010, bulletins bienvenus quand le « Oui » gagne avec 1,2 million de voix…
Mais il ne compte pas en rester là et choisit la fuite en avant : il a déjà annoncé un autre référendum qui portera, lui, sur le rétablissement de la peine de mort. Après le chantage aux migrants, le maître-chanteur voit là un bon moyen de pression sur les pays européens. Une ligne rouge qu’il est capable de franchir.
André Métayer