Le 19 avril 2000, une explosion frappait le McDonald’s de Quévert (Côtes-d’Armor), causant la mort de Laurence Turbec, jeune employée de 27 ans, lors de l’ouverture du restaurant.
Vingt-cinq ans plus tard, l’attentat reste non revendiqué et sans condamnation, alimentant interrogations et théories.
Il existe aujourd’hui deux théories principales sur les circonstances de l’explosion.
La première, considérée comme la plus probable par les enquêteurs, est que la bombe aurait été déposée durant la nuit par l’ARB, mais que le minuteur aurait dysfonctionné, provoquant l’explosion le lendemain matin, à l’ouverture de la porte de service.
La seconde hypothèse, présente dans certains milieux indépendantistes bretons, évoque une manipulation d’État : la bombe aurait été placée intentionnellement derrière la porte, par des agents de la DST (Défense et sécurité du territoire, aujourd’hui DGSI), dans le but de provoquer une victime et de discréditer l’ARB, après une série d’attentats matériels non meurtriers. La DST aurait récupéré des explosifs non explosés dans un McDo de Pornic et l'aurait utilisé à Quévert.
ABP a échangé avec un ancien chef de bureau de la défense civile de la préfecture de Rennes, qui a travaillé avec la DST, et il a déclaré que « en aucun cas la DST n’aurait organisé quelque chose qui aurait mis en danger la vie d’une ou de plusieurs personnes. »
Cette thèse s’appuie néanmoins sur des accusations passées visant certains services français, notamment dans l’affaire de l’attentat contre la villa de Francis Bouygues à Saint-Malo (1985).
Dans une interview parue dans Le Télégramme de Brest du 14 février 1999, un ancien chef de la DST de Rennes, Jean Baklouti, aurait reconnu sa participation à cette opération :
« Oui, Saint-Malo, c’est nous, ça, c’est vrai. »
Une déclaration difficile à vérifier aujourd’hui, l’article datant d’avant la mise en ligne des archives de presse.
En revanche, dans son livre Histoire secrète de la Ve République (Nouveau Monde éditions, 2006), Roger Faligot, spécialiste reconnu des services de renseignement, confirme que la DST avait infiltré le FLB et était parfaitement au courant de l’attentat prévu contre la villa Bouygues.
Ils auraient décidé de ne pas intervenir immédiatement pour permettre des arrestations ultérieures. Mais, apprenant que la famille Bouygues devait passer ses vacances sur place ce jour-là, les agents auraient prévenu discrètement la famille de ne pas s’y rendre, sans donner plus d’explications.
Quelques jours avant Quévert, dans la nuit du 13 au 14 avril 2000, un autre McDonald's, situé à Pornic (Loire-Atlantique), était visé mais aurait été défectueux.
Un communiqué revendiquant cet attentat, ainsi qu’un autre à Argentré-du-Plessis, fut remis à la presse le 24 avril 2000, au nom de l’ARB, tout en niant toute implication dans le drame de Quévert.
Ce texte aurait été rédigé par des militants d’un groupe de soutien à la cause bretonne, actifs dans le journal Emgann, qui ont ensuite affirmé qu’il s’agissait d’un « faux communiqué » , destiné à faire réagir l’ARB, bien qu’il ait circulé sous son nom.
Avant même l’attentat de Quévert, le restaurant avait été la cible de tirs en mars 2000.
Dans les pages d’Emgann de l’époque, on trouvait également des prises de position hostiles à la marque, perçue comme un symbole de la mondialisation, avec des titres comme :
« Faut-il brûler les McDonald's ? »
McDonald’s était aussi critiquée pour incarner la malbouffe, avec des produits industriels riches en sucres et en graisses, et à l'époque pour son usage massif d’emballages plastiques polluants.
Ces éléments laissent penser que le mouvement indépendantiste de l’époque faisait l’objet d’une emprise idéologique d’extrême gauche violemment anti-capitaliste.
Certaines entreprises pouvaient alors être perçues comme des cibles politiques légitimes pour des mouvements radicaux comme l’ARB.
À l’occasion du 25e anniversaire de cette tragédie, une question persiste : McDonald’s était-il une cible stratégique pour l’ARB ? Les éléments disponibles tendent à le confirmer.
Mais l’attentat de Quévert, qui a coûté la vie à une innocente, demeure enveloppé de mystère, entre silences, hypothèses et mémoire douloureuse.