Les Kurdes, par centaines de milliers, ont, le 21 mars 2009 de notre ère, ouvert l'année 2621 du calendrier kurde. A Istanbul, 300.000 Kurdes, environ, se sont rassemblés pour fêter leur nouvel an, le Newroz, l'occasion également pour le DTP (Parti pour une Société Démocratique), leur principal parti, de faire campagne pour les élections municipales du 29 mars. "Devant une forêt de drapeaux", rapportent Reuters et l'AFP, des discours ont été prononcés, alternativement en turc et en kurde, appelant les autorités à mettre fin à la répression anti-kurde ; "dans la foule, notent les agences de presse, des jeunes brandissaient des portraits d'Abdullah Öcalan, le dirigeant emprisonné du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en lutte armée contre le régime d'Ankara. La police était présente en nombre, appuyée par des véhicules blindés et un hélicoptère, mais elle se tenait à l'écart". (Reuters - AFP, 21 mars 2009).
Emine Ayna, co-présidente du DTP, Sebahat Tuncel, députée DTP d'Istanbul, Akın Birdal, candidat DTP à la mairie métropolitaine d'Istanbul, Ufuk Uras, Parti de la Liberté et de la Solidarité (ÖDP), Saadet Cacan, " Mères de la Paix", Levent Tüzel, Président du Parti du travail (EMEP ), l'avocat Gulseren Yoleri, Président de la section d'Istanbul de l'association turque des droits de l'homme (IHD), tous ont appelé à la fraternité des peuples et ont exigé des mesures concrètes en vue de résoudre la question kurde.
Le retour des “mères du samedi” sur la place Galatassaray montre que la défense des droits de l'Homme reste d'actualité, comme l'a dit à Rennes, récemment, l'avocate Eren Keskin , l'une des figures de ces rassemblements de femmes kurdes, mais aussi turques, qui, bravant les matraquages policiers, les arrestations musclées et les peines d'emprisonnement, réclament justice depuis des années au nom de leurs parents disparus. L'enquête sur les "puits de la mort", où des tortionnaires sont soupçonnés d'avoir jeté leurs victimes dans des cuves d'acide, a donné un regain de force aux familles pour exiger le droit de savoir.
A Diyarbakir, 75.000 personnes, selon la police, un million, selon les organisateurs, se sont rassemblées, sous la bannière du DTP, réponse sans équivoque à la vigoureuse campagne menée dans les régions kurdes par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, membre du parti islamiste AKP qui, en distribuant machines à laver et réfrigérateurs, cherche à acheter des voix kurdes qui s'exprimeront le 29 mars à l'occasion des élections municipales.
Devant la foule enthousiaste, l'emblématique Osman Baydemir, maire métropolitain de Diyarbakir, a délivré un message "de paix de justice et de liberté" à l'adresse du monde entier, mais aussi un très significatif "biji Newroz" unitaire aux Kurdes de "Selahaddin (Irak), Erbil (Irak), de Kamisli (Syrie) et de Mahabad (Iran)(capitale de l'éphémère État kurde, la République de Mahabad, de 1946)", en réponse aux manœuvres du président turc, Abdullah Gül, en voyage officiel en Irak, cherchant à diviser les Kurdes, ultime arme pour vaincre la résistance au Kurdistan de Turquie.
Ahmet Türk, co-président du DTP, dénonçant la politique d'apartheid anti-kurde du gouvernement, a appelé à la raison et a demandé notamment la libération d'Abdullah ÖCalan.
Leyla Zana, ancienne députée, dont le prochain procès en appel doit se dérouler le 30 mars prochain (1),a répondu, quant à elle, au président de la République d'Irak, le kurde Celal Talabani, qui, sous la pression de son homologue turc, a demandé au PKK de déposer les armes : "Les kurdes n'ont pas choisi la guerre, bien au contraire : les premières victimes des combats, ce sont nous et nous en avons assez ! ", mais d'ajouter que le processus de paix passe par l'admission du PKK à la table des négociations: "les Kurdes disposent de trois grands partis kurdes, a-t-elle conclu : le Parti Démocratique kurde (le PDK de Barzani), l'Union patriotique du Kurdistan ( l'UPK de Talabani) et le Parti des Travailleurs du Kurdistan (le PKK d'Öcalan)".
Dans ce contexte de lutte politique, de bombardements meurtriers et de crise économique sans précédent en Turquie, les Kurdes ont marqué un point en réussissant, le 21 mars, leur démonstration ; reste à confirmation leur détermination le 29 mars à l'occasion des élections municipales qui fixeront le rapport de force.
Le déroulement des opérations sera observé attentivement par de nombreux étrangers, journalistes et militants associatifs dont ceux des Amitiés kurdes de Bretagne qui ont dépêché sur place une délégation. Les Kurdes portent leur espoir dans le triomphe de la démocratie locale.
André Métayer
(1) Une pétition en sa faveur circule : clic sur (voir le site)