Lors d’une conférence de presse hier le 17 juin, donnée à Audierne suite à son retour de l’île de Sein, Marine Le Pen a déclaré à nouveau « être bretonne ». Certes elle a un nom breton, bien que mal orthographié, car il manque un n à Penn, mais même sans ce patronyme, tout le monde a bien sûr le droit de se revendiquer breton. Elle a aussi le droit, une liberté fondamentale, de se rendre sur l’Ile de Sein, quand elle veut, y compris le 18 juin, et même d’assister aux commémorations de l’appel du 18 juin du Général de Gaulle il y a 80 ans.
Si elle est née à Neuilly, son père est né à la Trinité-sur-Mer et la famille y retournait régulièrement pendant les vacances. La Bretagne fait effectivement partie de de son héritage paternel. Personne ne peut le nier.
Ceci étant dit, pendant sa conférence de presse, lors de la séance des questions, un journaliste lui a demandé ce qu’elle pensait de la réception mitigée du « peuple breton ». Elle lui a répondu en riant qu’il n’y avait pas de peuple breton. « Peuple breton ? je vous laisse la responsabilité de ces propos, moi je ne connais que le peuple français » lui a-t-elle répondu. Pour une Bretonne élevée à Paris dans une famille nationaliste française ultra jacobine, bercée de mythes et de cocoricarderies à la gloire de la France, nourrie de nostalgies de l’ex-empire colonial du genre « l’Algérie c’est la France », on aurait été surpris du contraire.
L’hebdomadaire L’Express parle d’un amour à sens unique. Elle adorerait la Bretagne, ou du moins le prétend, mais les Bretons ne l’aiment pas. En 2015, le RN n’a eu que 11 élus au Conseil régional de Bretagne, 10 en fait puisque l’un d’entre eux a quitté le navire. C’est la région administrative avec le moins d’élus RN (les Hauts-de-France en ont 45 et la région Pays-de-la-Loire vient juste après la Bretagne avec seulement 11 élus RN).
Le RN est pour la suppression des régions, Marine Le Pen n’en veut qu’une : la France. Elle l’a plusieurs fois affirmé. Si elle est élue présidente de la République en 2022, ce qui n’est pas totalement impossible, le nom même de Bretagne disparaîtrait à tout jamais des institutions. On n’en parlera plus que dans les bulletins météorologiques. Un seul peuple, une seule région, un seul chef ? On se souviendra comment les jacobins de 1793 ont guillotiné les Girondins et comment le führer arrivé au pouvoir en 1933 a démantelé avec acharnement le fédéralisme allemand.
Certains partisans de la réunification administrative pensent que supprimer les régions aurait peut-être du bon car cela supprimerait la partition ou nous éviterait la région « Grand-ouest » qu’on veut nous imposer. Plus de région Bretagne, plus de région Pays-de-la-Loire, plus de Grand-Ouest. Chacun pourrait imaginer sa Bretagne ! Un pari dangereux.
Dans l'émission Riposte diffusée sur France 5 en janvier 2007, Marine Le Pen, alors vice-présidente du Front national, s'attaque aux langues régionales. Dans un sujet consacré à l'intégration et l'assimilation, elle amalgamait les langues des migrants et les langues régionales historiques. Prônant l'assimilation et la perte de la culture d'origine y compris pour les Corses, les Bretons, les Basques ou les Alsaciens, elle s'indignait qu'on puisse aujourd'hui écrire des panneaux de signalétique routière en breton.
La langue qui est un élément fondamental de lien du peuple français, eh bien elle est en train de disparaître, et, sous le règne de M. Sarkozy est apparu, par exemple en Bretagne, le bilinguisme. Vous avez aujourd’hui sur les panneaux routiers non plus seulement le nom de la ville en breton, ce qui pouvait être compréhensible, mais aussi des choses comme « Toutes directions » ou « Zone commerciale ». C'est-à-dire qu’on revient au bilinguisme et ça c’est extrêmement grave__Marine Le Pen dans l’émission Riposte
Marine Le Pen représente les ultras du nationalisme français. L’histoire a montré que partout dans le monde, le droit des peuples, des cultures et des minorités nationales a toujours été nié par les partis d’extrême droite. Cette unicité contrainte face à la pluralité, cette totalité face à la diversité a toujours été la base du totalitarisme. Une seule classe ou un seul peuple ou une seule culture ou une seule langue : un seul totalitarisme.
Pour s'implanter, le totalitarisme a besoin d'individus isolés et déculturés, déracinés des rapports sociaux organiques, atomisés socialement et poussés à un égoïsme extrême__Hannah Arendt
A bon entendeur.
Philippe Argouarch