La présente lettre ouverte ne s’adresse pas tant aux Alsaciens qui se sont battus et se battent encore tous les jours pour que l’Alsace redevienne ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, une région autonome disposant de sa propre représentation politique, fière d’elle-même et sûre de son identité et de ses valeurs, mais à ceux, parmi les Alsaciens, qui n’ont rien fait pour empêcher la disparition de l’Alsace, et ils sont malheureusement les plus nombreux.
Nous nous sommes longtemps contentés d’accuser nos représentants, au premier rang desquels Philippe Richert, pour n’avoir rien entrepris qui aurait été en leur pouvoir afin d’empêcher cette disparition. Richert en avait pourtant les moyens ; il a finalement trahi les Alsaciens, ouvertement et sans vergogne.
La responsabilité de ces élus est immense, mais elle n’aurait pas eu autant d’effet sans la complicité passive d’une majorité d’Alsaciens qui, bien que très majoritairement opposés à la disparition de l’Alsace, ne se sont pas dressés contre leurs élus et ont même porté à la tête de la « grande région » celui-là même qui les trahissait. Ces élus n’avaient pas reçu de mandat du peuple pour faire disparaître l’Alsace. Pourtant ils ont largement contribué à cette forfaiture ; ils ont même été les fossoyeurs de l’Alsace.
Les Alsaciens l’ignorent sans doute, mais le pouvoir appartient au peuple, et le peuple peut défaire ce que les élus font contre son gré. Encore faut-il que la conscience alsacienne soit une réalité largement répandue et partagée par le plus grand nombre, qu’elle soit incarnée par un peuple digne de ce nom.
À vous donc Alsaciens qui d’une façon ou d’une autre vous êtes faits les complices de l’ignominie, la honte ne s’est-elle pas déjà emparée et ne s’empare-t-elle pas de vous chaque jour d’avoir, sans réagir, laissé mourir l’Alsace, elle qui nous a tant apporté, elle qui nous est pourtant si chère, qui constitue notre bien commun, la terre de nos ancêtres, celle où nous vivons et où nos enfants sont censés grandir, vivre heureux et en paix ?
N’avez-vous rien fait pour sauver l’Alsace par ignorance de nos droits, ceux d’un peuple à disposer de lui-même ? C’est en janvier 1918, en pleine Première guerre mondiale, que le président américain Woodrow Wilson édictait ses 14 points parmi lesquels le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, en référence notamment à l’Alsace-Moselle, annexée par l’Allemagne.
En mars 2016, le Conseil de l’Europe a reconnu que la France, le gouvernement français, avait violé la Charte européenne de l’autonomie locale selon laquelle les régions doivent être consultées par référendum préalablement à toute modification de leurs limites territoriales. Le droit est définitivement de notre côté.
La communauté internationale, 46 des 47 États-membres du Conseil de l’Europe, a condamné le 47e, la France, seule à s’obstiner à vouloir ignorer nos droits, seule à ne pas reconnaître les atteintes graves qu’elle porte à la démocratie !
Pouvons-nous laisser faire ?
N’avez-vous rien fait par peur et lâcheté coupable ?
Mais de qui donc auriez-vous peur ?
D’une marionnette à la solde de l’Élysée et de Matignon, et d’une poignée d’obligés qui siègent désormais à Metz ?
Ou bien êtes-vous totalement indifférents au devenir de l’Alsace ?
Dans ce cas, pensez-vous encore pouvoir vous dire Alsaciens ?
Il n’est de pire attitude que l’indifférence d’un peuple car elle ouvre la voie à la dictature.
Tout aussi inquiétant, n’avez-vous rien fait parce que le sentiment alsacien serait mort en vous ?
Auriez-vous déserté votre propre idéal, celui d’une Alsace autonome, heureuse et souriante ?
La flamme dans votre cœur se serait-elle définitivement éteinte en vous ou bien subsiste-t-il encore un espoir que vous vous réveilliez à la conscience de former un vrai peuple, qui a tant souffert et qui mérite d’exister, d’avoir son propre territoire, sa propre représentation politique, de voir ses droits respectés ?
Si oui, il n’est pas trop tard, mais il faut réagir, et vite. Le sursaut, c’est maintenant, sinon ce sera l’oubli, car la responsabilité de la situation, on le voit bien, est collective.
À l’heure où les peuples s’affirment de façon remarquable comme en Écosse, une véritable nation, reconnue comme telle, qui se bat de longue date pour son indépendance, comme en Irlande du Nord qui entrevoit enfin l’unification de l’île, ou encore comme en Corse, qui conquiert peu à peu une large autonomie, l’Alsace ne peut pas aller à contre-courant de l’Histoire et disparaître sans que le peuple alsacien ne réagisse et ne se réveille enfin. La cause de l’Alsace autonome est même plus juste que celle de la Catalogne, dont l’indépendance est impossible aux termes de la constitution espagnole.
Et pourtant le peuple catalan ne se laisse nullement impressionner par Madrid et va de l’avant !
Combien de temps allez-vous encore laisser un Premier ministre nous insulter et nous humilier en clamant qu’il n’y a pas de peuple alsacien, un président de la République prétendre sur un ton narquois que l’Alsace n’existe plus, et un secrétaire d’État nous infantiliser en laissant croire que les Alsaciens ne seraient « pas suffisamment matures » pour faire bon usage d’un référendum ?
Il vous faut désormais vous poser les bonnes questions. Que pouvons-nous faire pour retrouver notre Alsace ? D’abord nous départir collectivement de cette passivité coupable, tenir tête aux élus qui ne représentent plus qu’eux-mêmes, en aucun cas les intérêts de l’Alsace, qu’ils ont supprimée, et des Alsaciens.
Il convient ensuite de mettre définitivement un terme à toutes ces luttes intestines qui nuisent tant à la cause alsacienne. Il faut également rechercher par tous les moyens notre unité, faire fi de nos différences supposées entre le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, qui aujourd’hui n’ont plus de sens. Enfin, il faut exiger par tous les moyens, notamment un référendum, l’EXIT (Elsass –exit), sortie le plus vite possible de la « grande région » innommable, sans âme, sans histoire, sans identité, sans cohérence et sans avenir.
L’autonomie, c’est l’âge adulte de la démocratie locale, il ne faut à aucun moment craindre de l’exiger ni se laisser impressionner par aucun élu qui vous traiterait de populiste ou autre, car l’autonomie était le statut normal de l’Alsace avant cette loi scélérate, antidémocratique, sur la fusion des régions. Le retour à l’autonomie est une revendication légitime.
L’autonomie est le seul cadre qui permette de protéger efficacement notre droit local, nos spécificités, désormais menacés et attaqués de toutes parts depuis la « grande région ».
Pour atteindre cet objectif, ne croyez qu’en vous-mêmes et votre capacité collective à changer les choses. Il faut reconstruire l’Alsace par le bas, pierre par pierre, jour après jour.
Seul le peuple peut encore rebâtir notre Alsace, mais il lui faut un vrai leader, désintéressé et animé d’un sentiment alsacien sincère, à l’image en Écosse de la première ministre, Nicola Sturgeon. Cette femme est courageuse, elle sait tenir tête à Londres, sans crainte.
Elle est déterminée et sûre du bon droit du peuple écossais. Elle ira jusqu’au bout pour lui assurer un avenir meilleur que celui auquel le condamne Londres après le Brexit.
Dans le cas de l’Alsace, il en va de même, nous ne nous devons pas nous soumettre docilement et accepter que d’autres qui ignorent tout de notre identité, notre culture, nos spécificités, décident en notre nom (not in my name) jusqu’à faire disparaître notre patrie, nous devons nous battre pour elle, ver unsri Heimet !
Que les Alsaciens s’éveillent enfin à la conscience de former un vrai peuple et qu’ils se donnent les moyens de s’affirmer en tant que tel, vive l’Alsace !
Les Alsaciens réunis