Quiberon, le 24 avril 2025
Monsieur le Président de la Région Bretagne, En ce printemps 2025, la Région Bretagne diffuse largement à domicile une brochure « B » , dont l’objet central est la promotion de l’éolien en mer. Vous l’honorez d’une tribune intitulée « Nous écrivons une nouvelle page de l’histoire maritime de la Bretagne » . Nous nous étonnons que ce titre épique n’introduise qu’une navrante désinformation.
Ignorance scientifique d’un dirigeant mal conseillé, ou volonté de tromper la masse des citoyens sur les flots financiers en jeu, au plus grand intérêt de diverses entités étrangères ? On peut légitimement s’interroger en lisant votre tribune.
Non, Monsieur le Président, le parc éolien de Saint-Brieuc ne fournit pas 25% de notre consommation électrique domestique. En réalité ses promoteurs le créditent d’une production théorique de 1820 GWh par an (chiffre très optimiste au regard des premiers mois de fonctionnement réel), ce qui ne correspond qu’à 8,5 % de la consommation des 4 départements de la Bretagne administrative (21400 GWh en 2023), une électricité qui plus est non stockable et impropre à la consommation directe car intermittente, aléatoire et hachée, présente à sa puissance nominale de 496 MW moins de 40% du temps…
Non, Monsieur le Président, vous ne pouvez soutenir que chaque kilowatt économise un peu de CO2 dans l’atmosphère, en tout cas pas pour les Bretons. En réalité chaque kWh offshore produit en surplus en Bretagne évitera un peu de CO2… aux Allemands ! ou bien aggravera les émissions françaises en forçant le ralentissement de la production nucléaire… qui émet moins de CO2 que l’éolien (selon l’Ademe 3,7 gCO2/kWh pour le nucléaire, 15,6 g pour l’éolien offshore).
Non, Monsieur le Président, chaque kW ne crée pas de l’emploi ici plutôt qu’ailleurs, puisque les équipements des parcs éoliens sont produits le plus souvent par des entreprises étrangères, à terme asiatiques, dont les filiales françaises sont rares (parfois en crise comme les usines General Electric de Montoir-de-Bretagne et Nantes) ; les promoteurs eux-mêmes sont fréquemment étrangers, ainsi de l’Espagnol Iberdrola à St-Brieuc, où les machines Siemens sont allemandes. Quant au projet Bretagne-Sud face à Belle-Île, Groix et Quiberon, le choix des lauréats dépasse l’entendement : une entreprise agricole allemande et une PME belge, filiale de NETHYS, la holding intercommunale de Liège. Si des dividendes un jour sont produits grâce aux avantages financiers accordés par la France, ils reviendront au capitalisme agraire bavarois et à l’administration territoriale belge et non à la Région Bretagne ! Une bien fine stratégie en vérité, Monsieur le Président.
Non, Monsieur le Président, pour les éoliennes flottantes de Belle-Île vous ne trouverez pas de solution avec les pêcheurs, d’autant que leur localisation correspond à une zone prioritaire de travail des pêcheurs artisans : poursuivre leur activité parmi l’entrelacs de câbles électriques (70 km) et de câbles d’amarrage (jusqu’à 12 par flotteur) est encore une histoire mensongère. Sans même aborder la question de la permanence des espèces, l’espace couvert (130 km2) sera simplement stérilisé pour l’activité ancestrale de la pêche…
Non encore, Monsieur le Président, nous ne croyons pas que vous accordiez grande attention aux contraintes de l’armée, ni d’ailleurs à la mission de défense nationale qui est la sienne. Vous auriez pu être sensible à la décision du gouvernement suédois et de son armée de mettre fin aux projets éoliens offshore sur toute sa côte Balte, les éoliennes géantes constituant pour eux des entraves à la défense nationale en perturbant la détection tant des radars que des sonars. Qui peut imaginer que les lois de la physique en France soient moins pénalisantes qu’en Suède ? … et que des éoliennes de 340 mètres de haut aux abords du littoral, en Bretagne-Sud ou-bien tout au long de la Bretagne-Nord, de Roscoff à Saint-Brieuc, affecteraient moins les radars militaires que face à Malmö ou Stockholm ? Monsieur le Président, si vous vouliez vraiment répondre aux préoccupations de la Marine, comme à celles des populations en quête d’emploi, vous pourriez comme nous plaider pour l’abandon du projet Bretagne-Sud, les 4,6 milliards d’euros économisés permettant de financer quatre frégates FREMM ou FDI, génératrices de millions d’heures de travail, principalement en Bretagne.
Non, Monsieur le Président, vous n’arriverez pas à nous persuader que les programmes de parcs éoliens ou solaires auront d'autre résultat que l'appauvrissement de la nation par la captation de sommes gigantesques à destination de tant de prédateurs. Aujourd’hui même l’Académie des Sciences s’en émeut, un pays dont la consommation d’électricité stagne, ou ne croîtra jamais que modérément, n’ayant nul besoin de financer des surcapacités électriques, qui plus est aléatoires et parmi les plus dispendieuses qui soient. A l’égal des autres régions françaises, la Bretagne bénéficie aujourd’hui de l’interconnexion et de la sécurité globale d’alimentation électrique ; l’éolien offshore, qui débite directement sur l’ensemble du réseau HT-THT de RTE et se trouve piloté par le dispatching national parisien, ne lui apporte aucune autonomie ; son utilisation massive à l’export transforme au contraire le littoral breton en zone industrielle colonisée.
Comme vos lointains prédécesseurs ont pu, portés parfois par une promesse de progrès, industrialiser les campagnes, les fleuves et les montagnes, entraînant la régression de toutes les formes de vie sauvage, vous, sans vraie réflexion prospective ni utilité réelle, vous vous attaquez aujourd’hui à l’océan, le dernier espace de grandeur, de rêve et d’humilité à la portée de tous. C’est une faute politique et morale, pour la Bretagne, ses admirateurs et ses citoyens.
Recevez, Monsieur le Président de Région, nos salutations désolées.
Les Gardiens du Large