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Les noms de lieux bretons : une réalité qui ne peut être détruite
On peut interdire l'enseignement de l'Histoire d'un pays, on peut marginaliser l'utilisation de sa langue, refuser le statut de minorité nationale, compartimenter son territoire en départements, mais il est difficile de changer la toponymie du territoire.
Par Philippe Argouarch pour ABP le 11/07/22 18:27

Quand un touriste arrive en Bretagne pour la première fois, même s'il ne connaît rien de l'Histoire de Bretagne, même s'il ne sait pas que cette région a autrefois été un État indépendant, même s'il ne sait pas qu'il existe une langue bretonne millénaire qui était encore parlée par un million de personnes au début du XXe siècle, même s'il n'entend pas parler breton le jour du marché près du gîte qu'il a loué, ses yeux lisent du breton sur les panneaux à l'entrée des villages et des hameaux qu'il traverse avec sa voiture ou son vélo, ou sur les cartes qu'il consulte. Il entend même des noms de villages et de hameaux bretons égrenés par une voix sympa par son GPS. Surpris de ces sonorités qui ne sont pas françaises, il ne peut que se poser des questions.

C'est aussi la même découverte pour un enfant breton qui vient d'apprendre à lire la langue nationale, et qui, dans la voiture de ses parents découvre sur les bords des routes des panneaux écrits dans une langue dont il n'a jamais entendu parler à l'école ou à la maison si ses parents ne sont pas brittophones, ce qui est la majorité des cas.

Guide des noms de lieux bretons. 154 pages. 15 euros. Chez Coop Breizh.

Des preuves indestructibles

La toponymie dans toute la partie ouest de la Bretagne est une sorte de pièce à conviction indestructible, éternelle même, une évidence du crime commis : une preuve de l'annexion par la France d'un pays qui n'avait rien à voir avec la France. C'est aussi le cas pour nos patronymes bretons, même l'État ne peut les changer.

On peut interdire l'enseignement de l'Histoire d'un pays, on peut marginaliser l'utilisation de sa langue, refuser le statut de minorité nationale, compartimenter son territoire en départements, mais comme pour les patronymes des habitants, il est difficile de changer les toponymes.

Cette opération de francisation des noms de lieux existe pourtant en particulier au sein des nouveaux lotissements lors de la construction obligatoire de HLM au sein des communes ou de simples constructions de nouveaux quartiers résidentiels.

Coup d'arrêt à Telgruc-sur-Mer

En 2019 à Telgruc, au fond de la baie de Douarnenez, à la demande des services de la Poste, la municipalité de Telgruc décide en février 2019 de donner des noms d'oiseaux comme "pélicans", "fous de bassan", ou "frégate", des espèces qui n'existent même pas sur ce littoral, aux rues d'un nouveau lotissement. Grâce à l'association EOST, qui travaillait depuis 20 ans à la préservation de la toponymie bretonne, c'est toute la Bretagne qui fut alertée de ce qui se tramait. Une centaine d'universitaires et d'artistes signèrent un appel à Quimper le 9 septembre pour stopper cette francisation ( voir notre article ). Une manifestation suivit et devant la levée de boucliers, la municipalité fit marche arrière.

Le président de l'Association EOST, Yann-Bêr Kemener, a fini par écrire un livre intitulé Guide des noms de lieux bretons, un trésor à préserver, un patrimoine à partager. Ce livre très bien illustré, édité par Skol Vreizh, vous aidera à déchiffrer ces noms de lieux que vous voyez, pour certains plusieurs fois par jour.

Christianisation et francisation

Beaucoup des saints bretons n'ont jamais existé. San, ar zan en vieux breton veut dire fond humide d'une vallée ou simplement "ruisseau de la vallée" et en y ajoutant un t on a créé un saint. La preuve avancée par l'auteur du livre est la quasi absence du féminin "santez" dans les noms de lieux mais aussi que des patronymes et même des anciens cadastres ont conservé l'ancienne orthographe.

A cela s'est ajouté l'ignorance des cartographes et des topographes qui ont par exemple francisé des Kroashent, la croisée des chemins ou carrefour en "Le croissant ". L'orthographe de beaucoup de noms de lieux bretons a souvent été massacrée par une simple transcription de sonorités bretonnes via des syllabes françaises connues. Ainsi Penn kêr ganabeg est devenu Kerganapé.

Ma langue me remue les tripes et le cœur parce qu’elle me relie à mes grands-mères, à mes ancêtres, à mes parents, à mon fils, à mes amis, à ma terre, qui par ses noms de villes, de lieux-dits, de rivières, de champs, me parlent et me disent leur histoire et me permettent d’y inscrire la mienne. - Nolwenn Korbell

Comprendre le monde qui nous entoure

Cet ouvrage est un guide pour comprendre l'histoire du monde qui vous entoure. Ces noms de lieux bretons nous parlent, nous racontent une histoire, comme l'a si bien dit Nolwenn korbell. Le livre comprend un lexique de 15 pages de noms bretons courants dans la toponymie. Il complète une cinquantaine de pages qui classifie par thèmes, regroupe, traduit, et explique la toponymie en langue bretonne. Il vous donnera des explications et de significations, mais il vous aidera aussi à participer aux choix de votre municipalité concernant la toponymie et l'odonymie (la science des noms de rues). Vous pouvez aussi participer aux cartes en lignes, commentées en breton de Open Street map. Chez vous, vous pouvez donner un nom breton à votre maison ou à votre bateau si vous êtes marin-pêcheur ou à votre start-up si vous en créez une. Sans oublier bien sûr vos enfants. Rappelons ici que le prénom breton "Malo" est en tête des prénoms masculins donnés en Bretagne en 2021.

L'auteur

Yann-Bêr Kemener est un écrivain breton, il est l’auteur de livres d’Histoire sur Telgruc-sur-mer, mais également de romans, de nouvelles et de livres pour enfants en breton. Il a également rédigé des manuels pour l’apprentissage de la langue bretonne ainsi que des cahiers de vacances en breton.

Voir aussi :
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Philippe Argouarch est un reporter multi-média ABP pour la Cornouaille. Il a lancé ABP en octobre 2003. Auparavant, il a été le webmaster de l'International Herald Tribune à Paris et avant ça, un des trois webmasters de la Wells Fargo Bank à San Francisco. Il a aussi travaillé dans des start-up et dans un laboratoire de recherche de l'université de Stanford.
[ Voir tous les articles de de Philippe Argouarch]
Vos 8 commentaires
Kristen Le Lundi 11 juillet 2022 23:10
Manuel indispensable pour les groupes de personnes intéressées par le patrimoine communal.
Le travail sur le Pays nantais de Bertrand Luçon (Yoran Embanner) est également récemment paru, et s'avère lui aussi utile pour toute la Bretagne, puisque l’étude documentée se base sur un corpus de 4100 noms bretons du 44.
Les outils ne manque nt pas, il n'y a plus qu'à...
(4) 
Gisapeca Le Mardi 12 juillet 2022 10:07
Je me rappelle d'une publication de la région PDL il y a 2 ans je crois, qui, au lieu de parler du marais breton (limite Loire-Atlantique/Vendée) utilisait le mot "marais ligérien" !! Même les noms déjà francisés ne sont pas respecté.
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Kristof Bach-Bourdelier Le Mardi 12 juillet 2022 14:20
(at) Gisapeca : Merci a vous pour votre commenraire :) Non loin de l'endroit ou j'ai passe mes premieres annees, une association qui se trouve en Marche de la Garnache (en partie) a meme choisi pour identite un nom qui fait fi du nom 'Bretagne' >
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Anne Merrien Le Mercredi 13 juillet 2022 13:55
Les municipalités n'ont pas beaucoup d'imagination : rue des ajoncs, rue des écoliers... Plus original, rue de Kermelen et rue de Kergwen, mais cela fait un peu breton fabriqué...
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Erig Pagan Le Mercredi 13 juillet 2022 18:51
Même à l'Ile de Batz, Prat Kerskao (Prat-Prad sur l'île signifie désigne une mare et non un pré et Kerscao est un hameau) est devenu "La Mare aux Canards" que l'on trouve ainsi même sur Google Maps. Soyons vigilants !
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Alter Écho & Ego machin Le Jeudi 14 juillet 2022 09:44
Une réalité qui ne peut être détruite??? J'ai quand même quelques doutes. Bien de faux Bretons s'y emploient avec beaucoup de zèle, et de détermination!!!
Une fois déjà détruite lors de l'œuvre de destruction décidée; et à partir de l'instant on en substitue une autre...étrangère, où l'on change sans prévenir, la vieille planche aux lettres peintes qui s'écaillent au coin du bois , de l'étang ,du champ, du moulin, de la vieille ferme! Puis autant de fois que ceux qui l'avaient conservée dans leurs mémoires, disparaissent! Définitivement, lorsque plus personne ne consulte les vieilles cartes, ni les vieux cadastres.
Peut-être que l'on devrait donner, ou redonner un nom breton à nos domiciles, surtout en ville, et pas seulement à la villa secondaire, Mon Rêve?
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yann-lukas reuz Le Vendredi 15 juillet 2022 21:59
Attention, des numéros remplacent des noms en pleine campagne ! un numéro et le nom de la route et le tour est joué... Perso, je reçois du courrier sans que le nom du lieu-dit y figure!
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Dominig YVON Le Jeudi 21 juillet 2022 02:39
Ici on frañcise ,ailleurs on russifie......
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