Après le premier tour des législatives, un article paru dans Le Télégramme du 12 juin sous le titre « Bretagne le vote FN s'installe » signé Yvon Corre, retient particulièrement l'attention et mérite réflexion. Sa teneur vaut en effet pour toute la France.
Il apparaît que la seule raison invoquée par l'auteur pour justifier l'inscription durable du FN dans le panorama politique, à savoir le « sentiment d'abandon » par la puissance publique qui gagne surtout les territoires ruraux ne semble pas suffisante. Même si système centralisateur parisien, la politique de métropolisation amène à la désertification des territoires et à la création de citoyens de seconde zone.
Cela est sans doute vrai mais il y a d'autres raisons qu'il est bon de mettre ne lumière. Les occulter serait accepter de revenir à ce que j'écrivais en octobre 1986 sous le titre « Le phénomène Le Pen » concernant l'émergence de ce parti.
"Les thèses défendues par Jean-Marie Le Pen, pour inacceptables, honteuses qu'elles soient, rencontrent de plus en plus d'écho auprès d'un certain nombre de Français. C'est un constat que chaque jour l'on peut faire ".
En cela, est-ce pour autant, une véritable adhésion ou, simplement la résultante de la non-réponse à des inquiétudes, à des insatisfactions, ou le reflet d'un monde fait de laxisme, d'injustice, de compromissions. En un mot un phénomène de ras-le-bol. C'est une question que l'on peut se poser.
Sur le plan politique, chacun de prendre position, à chaud, sous le coup de la passion, sous le coup de la crainte de voir une partie de sa "clientèle" échapper.
Cette manière de traiter le problème n'enrichit pas le débat et n'apporte pas beaucoup d'espoirs : un peu plus de vide, c'est tout !
Ce vide qui permet à Jean-Marie Le Pen d'exister, de prospérer. Ce vide au lieu de propositions sérieuses alors qu'à gauche comme à droite il y a des hommes de qualité, c'est sûr. Ce vide qui amène, c'est ce qui doit apparaître inquiétant, bon nombre de Français à suivre des voies dont on connaît les dangers.
L'impression qui semble le plus nettement ressortir est que les hommes politiques, les médias, les citoyens, dans leur ensemble, réagissent comme des médecins - qui seraient en l'occurrence coupables - administrant de l'aspirine ou autre potion à un patient sans d'abord rechercher la cause de ses maux.
Il faut inverser le cours des choses. Pour ce faire, il appartient à chacun d'avoir le courage de considérer la part de responsabilité qui lui revient dans la situation présente...
Or plus de 25 ans plus tard on peut considérer que les comportements des politiques, des médias… et des citoyens eux-mêmes qui auraient pu amener un réel changement n'ont pas beaucoup évolué.
Le divorce entre les citoyens et les partis politiques s'est même renforcé. Les campagnes pour la présidentielle et les législatives ont été une triste démonstration de l'éloignement qu'il y a entre les attentes des citoyens et les discours sous forme de promesses, des postulants à des mandats et la prise en compte de la situation économique et sociale du pays.
Nul ne peut nier, par ailleurs, que le changement de tonalité du discours, le lissage qui s'est effectué après le remplacement à la tête du Front National a eu un impact positif. Cela d'autant plus que l'intrusion d'un autre extrémisme, de gauche celui-là, est venu lui apporter, par un discours outrancier un contrebalancement et par là-même une crédibilité.
Une autre raison de la progression des votes frontistes est la montée de l'abstention. Il est en effet plus facile de faire 10 points sur 100 que sur… 1.000.
Cette abstention elle s'explique également. Chacun peut constater que l'expression de la Démocratie qu'est le vote a été confisquée aux citoyens. Ces derniers sont condamnés à un « vote par défaut. », du fait du bipartisme qui s'impose, depuis de nombreuses années, à chaque scrutin en l'absence de proportionnelle, pour bénéficier des mannes de la loi de financement public de 1995 des partis.
Or la démarche initiée en 1989 par l'association à caractère civique Blanc c'est exprimé a été, dés le début, très bien comprise et suivie par les électeurs. Lors de chaque scrutin ils étaient appelés à voter. Ils avaient compris que lorsque la proposition électorale qui leur était faite ne correspondait pas à leurs souhaits, à leur inclinaison politique il leur fallait, plutôt que de s'abstenir, voter blanc. La Bretagne où le vote blanc était inconnu jusqu'en 1989, après avoir intégré, au fil du temps, le peloton de tête du Club des Régions civiques dans lesquelles se distinguaient les départements du Sud-Ouest, a accédé lors du 1er tour de la présidentielle à la première place.
Aussi les électeurs étaient-ils en droit d'attendre, du fait de leur action citoyenne, une réponse des partis politiques et des parlementaires et, en dehors d'autres nombreuses réformes, de voir le vote blanc enfin reconnu pour redonner une nouvelle vigueur à l'expression de la Démocratie qu'est le vote.
Seul le mépris leur a été opposé.
Il est important de dire que des électeurs qui en avaient oublié le chemin sont revenus vers les urnes. D'autres ont abandonné les votes extrêmes. Certains n'ont pas toujours, de leur propre aveu, voté forcément blanc, après en avoir eu l'intention, mais au dernier moment, pour un candidat.
Aussi, devant l'autisme des partis et des politiques, de nombreux témoignages démontrent la lassitude des dits électeurs devant le fait que cela « ne sert à rien de voter,… de voter blanc » d'où la menace que j'avais annoncée, avant les deux derniers scrutins, d'un vote extrême.
La démonstration vient d'en être administrée.
A qui la faute ?