Il a troqué son nez de clown pour donner, comme il lui arrive de le faire, son avis sur les choses comme elles vont et les élections qui approchent. Pour nous faire renifler les dessous de la campagne ...
- Jean, ces élections, tu y vois clair ?
- Disons que je ne suis pas trop perdu car, avec les cheveux blancs, on finit par avoir des repères éprouvés. J'arrive à faire la différence entre la frime des positions de circonstance et les grands mouvements de fond. Les vagues des tempêtes électorales font parfois beaucoup de bruit et ont fait couler plus d'un bateau. Mais elles ont peu modifié les grands fonds marins. Je suis revenu vivre en Bretagne il y a plus de 40 ans désormais (c'était en 1978). J'en ai vu des élections ! J'ai aussi rencontré beaucoup de monde dans tous les coins de Bretagne et sur pas mal de luttes. Mes grandes fidélités, ceux avec qui j'ai eu la chance de faire un bout de route, sont toujours là, au poste de veille, et je sais pour qui je peux voter sans trop me déjuger… même si j'estime parfois qu'ils auraient pu en faire davantage.
- Daniel Thénadey sort du bois pour contrer Troadec, à juste titre ?
- C'est de bonne guerre. Mais on aurait tort de n'y voir qu'une vengeance personnelle. La politique artistique de Troadec à Carhaix a été désastreuse. En voulant mettre la main sur l'espace Glenmor pour lui tout seul, il a fait fuir tous les autres partenaires impliqués dans le financement d'une structure destinée à devenir une sorte de scène nationale de Bretagne intérieure au service de la création artistique ouverte, en particulier, aux musiques du monde. Ma crainte, c'est de voir Troadec, avec la complicité active de Le Drian, jouer le coup de Cozan à la Région. Les artistes n'auraient plus alors qu'à apprendre à jouer « à, à, à, à la queue leu-leu » sur leur treujenn gaol.
- La Bretagne, qu'elle est belle, on nous la re-sert sur toutes les listes, mais qu'en est-il vraiment ?
- Bretagne et écologie sont des axes de campagne aujourd'hui incontournables. C'est plutôt bon signe. Après des dizaines d'années de labour, les graines de Diwan, d'Eau et Rivières, de Bretagne Vivante… commencent à produire leurs épis. Qui s'en plaindrait ? Je regrette seulement qu'il n'y ait pas plus de candidats à parler breton et pas plus d'élus à se soucier des algues vertes hors campagne électorale.
- L'autonomie : l'étau se resserre, nos préfets veillent au grain, et les Bretons sont inquiets, alors, comment faire bouger les masses laborieuses et chômeuses ?
- L'État est tellement dans la dèche qu'il a choisi de transférer aux régions et aux départements les compétences sociales, celles qui lui coûtent le plus en termes financiers et le moins en terme de pouvoir. Mais, même dans ce cas, les transferts financiers restent en rade. Par contre, le transfert des compétences économiques et politiques ne suit pas. La région n'a que peu d'instruments, par exemple, pour agir contre ce fléau que sont les algues vertes. La France est le seul pays européen à avoir choisi, sous la pression des céréaliers de la FNSEA, d'accorder les primes européennes au volume et à la surface, non à la qualité et au respect de l'environnement. Même chose pour les réglementations sur les installations classées. Tant qu'on ne réalisera pas que c'est la Bretagne entière qui est en zone d'excédents structurels (nitrates, phosphates, pesticides…), tous les plans de circonstance lancés par l'État sur tel ou tel bassin versant expérimental ne seront que pipeau.
Autre exemple : tant que les langues minoritaires n'auront pas un vrai statut dans la constitution, les militants bretons en seront réduits à bricoler et à se consacrer au bénévolat.
Donner compétence aux régions - dont les conseillers vont bientôt être les mêmes que ceux des départements - sur des sujets comme ceux-là, c'est autre chose que de leur fourguer la responsabilité de distribuer le RMI.