Suite à cette publication par ABP voici une contribution bretonne sur le même sujet. Extraits de : DE LA PERTINENCE DE SOCIÉTÉS DUALES DE LA RECONNAISSANCE DES DIVERSITÉS, DES MINORITÉS CULTURELLES DE FRANCE. Yves Lainé Mai 2004 ( Publié par l'ICB à l'occasion du Forum mondial des droits de l'Homme, Nantes) Le document complet peut être adressé par mail. S'adresser à l'auteur yves.laine [at] club-internet.fr (extraits) 12. L’improbable justice en matière de représentation territoriale. Toutes ces considérations nous mènent à une triple question centrale : dans une Europe soudée par des valeurs qui feront qu’avec le temps, elle devrait, de plus en plus, être ressentie comme la Nation unique, la seule capable d’assurer la paix interne et de co-fonder la paix mondiale, quel avenir sera-t-il dévolu aux grands Etats qui la composent ? Quel avenir aux plus petits Etats soucieux de conserver une souveraineté au moins culturelle et économique ? Enfin quel avenir aux minorités qui soit ont déjà été des Etats, soit auront prouvé leur maturité de régions autonomes ? Nous sommes ici obligés de nous livrer à une réflexion prospective dont il est difficile d’évaluer l’échéance. Il ne saurait y avoir deux poids et deux mesures : des régions comme l’Ecosse, la Catalogne, le Pays Basque, la Bavière, plus puissantes que d’autres Etats en titre, insistent déjà, dans le cadre européen, pour faire jeu égal avec les Etats de même poids. Cela inclut la représentation politique. La Bretagne réunifiée, par exemple, avec plus d’habitants que l’Irlande, presque autant que la Finlande ou le Danemark ne saurait longtemps se contenter de la perspective de 6 % des Conseillers européens d’origine française. Alors que la Finlande, le Danemark, l’Irlande ou la Lituanie, de population comparable auront chacune droit à sept délégués au Conseil européen, la Bretagne, ne pourrait-elle placer à Bruxelles plus de deux, et encore à condition que les voix françaises soit équitablement réparties sur le territoire… Quatre voix représenteront les 750000 Chypriotes, les 430 000 Maltais et les 380 000 Luxembourgeois ! Alors que les mêmes enverront au Parlement de Strasbourg chacun douze ou treize députés, la Bretagne se contenterait de 6% des 72 Français, soit quatre parlementaires ? Ce n’est pas sérieux de penser cela, d’autant plus que des Etats moins peuplés que la Bretagne, dont le Luxembourg, Chypre ou Malte en enverront chacun six ! Mais faut-il pour autant faire éclater les grands Etats ? Par forcément. La Bretagne, elle, n’y tient pas. Dès lors, les solutions restent à inventer ensemble. 13. Pour autant , dans l’Union Européenne, la diversité, largement reconnue comme vertu, ne peut être défendue efficacement par le Comité des Régions. Le Comité des Régions est un organe consultatif dit « de citoyenneté », créé par le traité de Maastricht en 1991, dont les principes directeurs sont la subsidiarité et la proximité. Parmi les compétences de ce Comité, les questions d’expression culturelle et de ses conséquences permettraient sa saisine. Seulement, les membres sont nommés sur proposition des Etats membres, lesquels les choisissent selon une procédure qui leur est propre. Comment peut-on imaginer que les délégués français, par exemple, acceptent un débat sur un sujet - les minorités – que leur Etat ne reconnaît pas ? Déjà, lorsqu’on essaie d’identifier au sein de ce comité un membre titulaire d’une région donnée, c’est difficile. Alors que les représentants des autres pays de l’UE sont des élus des organisations territoriales (Länder, régions, comtés…) le label unique commun des 24 Français est l’appartenance à l’Etat. Pour la Bretagne, la représentation y est assurée – pas au titre de la Région - par Mme Juliette Soulabaille* élue municipale de Corps-nuds (35), dont les déclarations laissent à penser qu’elle voit plus dans la future Constitution européenne (art 5) que dans sa propre structure la manière de faire respecter le principe de la subsidiarité et du respect de l’autonomie régionale. Bien sûr, ce Comité a le mérite de pouvoir faire entendre sa voix sur des sujets techniques, mais il ne saurait, dans sa forme actuelle, être en mesure de permettre l’expression des attentes de la part de minorités non reconnues par leur Etat. Par exemple, les membres du Comité seront d’accord pour mettre à l’ordre du jour « une meilleure prise en compte des avantages socio-économiques de la culture » (session 9/10/03) ou encore de discuter sur le thème de la diversité culturelle, richesse de l’Europe (séminaire de Graz, 17/10/03) mais n’iront quand même pas jusqu’à franchir la ligne interdite par l’Etat de l’un d’eux : la reconnaissance minoritaire. Alors, même si les conclusions de tels rejoignent les recommandations du Conseil de l’Europe et du Parlement Européen, elles restent forcément très générales. Par exemple, à Graz : « Recommande… la reconnaissance du respect de la diversité culturelle en tant que principe essentiel sous-jacent au processus d'intégration européenne; La promotion de la diversité linguistique, y compris celle des langues moins usitées dans l'UE». · Seule membre titulaire pour la Bretagne sur 24 Français - (il y a aussi 3 membres suppléants : Ambroise Guellec (29)Marie Françoise Jacq(35) et Claudy Lebreton(22).) Le Danemark dispose de neuf titulaires, l’Irlande et la Finlande huit et le Luxembourg six ! 14. Faut-il insister pour faire aboutir un statut européen pour les territoires des minorités ? Sauf à imaginer une mort lente des minorités non reconnues, sous forme de noyade au sein d’un grand Etat ou encore dans un grand ensemble, dit « grande région », une méthode pourrait consister à examiner chaque cas isolé. Un distinguo interpelle… les régions à compétences législatives et les autres. Lors d’un colloque du Sénat français, le 26/6/2001, on avait relevé l’intervention du Catalan Llibert Cuatrecasas, Président du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l'Europe (CPLRE) qui indiquait : « L'expérience dans un certain nombre de pays européens nous montre que l'octroi de quelques compétences législatives aux régions a permis d'améliorer l'équilibre territorial, et le développement économique dans les régions concernées, apportant ainsi un plus à la qualité de vie des citoyens. » A cela il avait été répondu par Jean François-Poncet, sénateur, que « la France est un pays en partie décentralisé, et où la situation actuelle n'est pas, pour plusieurs raisons, jugée satisfaisante. »… « La France est un pays profondément jacobin. Il existe, à la base, une véritable volonté de décentralisation, mais les gouvernements, une fois au pouvoir, ont tendance à reprendre ce qui a été donné par la décentralisation, et…. il existe aujourd'hui une tendance à la recentralisation…. « La dépendance des collectivités locales à l'égard de l'Etat n'a pas diminué.. Ce point est tout à fait central : Il y a le problème des compétences, et celui de l'autonomie financière…. . L'appétit de décentralisation, qui s'est accru, et la volonté de réagir contre les dérives …ont engendré une situation mouvante, une situation de déséquilibre, un problème politique, qu'il va falloir résoudre et qui sera au cœur des prochaines élections…. . Nous avons parallèlement un mouvement consistant à aller plus loin dans la décentralisation, en direction du ‘généralisme’. On en voit actuellement les prémices dans les débats sur la Corse. Il est probable que nous aurons dans les pays avancés, et notamment dans les pays européens, une situation qui comportera trois niveaux : le niveau supranational, le niveau national, et le niveau infra national … » Mais les conclusions de Jean François-Poncet restent cependant très prudentes, voire pessimistes : « L'Etat conservera un rôle essentiel même dans un pays décentralisé et pour les combats que nous conduisons en faveur de la décentralisation, nous restons modérés dans nos propositions. Vous avez bien entendu Monsieur Raffarin dire qu'il ne demandait pas de compétences législatives pour les régions. » Plus récemment (25 Juin 2002), lors d’une session plénière de l’Assemblée Nationale consacrée à la Convention Européenne, le président Giscard d’Estaing, au nom des conventionnels, s’interrogeait sur l’opportunité d’un nouvel organe juridictionnel, qui pourrait être saisi par des Etats ou des Régions (à compétences législatives) à propos de possibles différents d’interprétation sur les compétences. Ceci était présenté comme un progrès de l’écoute des sociétés civiles. Tout est donc dit, mais Il reste à savoir combien de temps des visions politiques nihilistes resteront soutenables pour un Etat qui ne souhaite pas que soit reproduit ailleurs un modèle corse. A cet égard on peut citer l’inquiétude du Conseil Général de la Loire-Atlantique dans sa déclaration du 22/6/2001 à propos de la réunification de la Bretagne (attendu 3) : « Considère que dans notre République, il est dangereux que les Pouvoirs Publics restent sourds, indifférents ou en décalage avec les aspirations des citoyens, au risque d’encourager d’infimes minorités ». D’ores et déjà en Europe la comparaison entre les systèmes s’effectue au grand jour : - Dès 1997, le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE) avait statué (Résolution 52) que : 6. Les formes juridiques du fédéralisme, du régionalisme, de l’autonomie locale ne sont autres, du point de vue interne des Etats, que des applications différentes du principe de subsidiarité. . 7. Les personnes appartenant à une minorité nationale devraient avoir reconnu le droit de disposer d’administrations locales ou autonomes appropriées, ou d’un statut spécial correspondant à la situation historique et territoriale spécifique… - Un peu plus tard, la recommandation 43 (1998), Recommande aux Etats membres qui envisagent de modifier le système de subdivision administrative… de prendre les dispositions afin …… : a. de garantir la création de collectivités territoriales qui évitent de disperser les membres d’une minorité et permettent leur protection efficace à moins que d’autres considérations d’ordre économique, social ou géographique s’y opposent. c. de consulter les populations concernées au sujet des limites géographiques des collectivités en question conformément aux dispositions de l’art.5 de la Charte Européenne de l’autonomie locale. Ce qui est confirmé par la résolution 70 (1999) sur les pouvoirs locaux/statuts particuliers. Art.1 De la nécessité de reconnaître à certains territoires une législation spéciale pouvant constituer une expression de son histoire, de sa situation géographique, de sa culture, de ses intérêts propres. Art.9 . Dans les systèmes de subdivision administrative, il est possible de prévoir la création de collectivités territoriales regroupant les membres des minorités, ce qui permettrait une protection plus efficace pour ces derniers. On ne saurait être plus clair.