Le 3 avril dernier est paru le décret suivant qui " dispense de la formation théorique et pratique ainsi que du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (Capa) les personnes ayant exercé des responsabilités publiques les faisant directement participer à l'élaboration de la loi (...) pendant huit ans ".
Cette annonce à moins de 15 jours de la présidentielle est la confirmation que la certitude de voir l'actuel président reconduit dans ses fonctions n'est plus d'actualité à l'UMP.
En effet lorsque l'on voit les “rats” commencer à préparer leur fuite c'est que le bateau coule…
En cette période d'anniversaire du Titanic… il en est un qui l'a compris… c'est Jean-Francois Copé, secrétaire général de l'UMP qui est l'initiateur de ce décret et pense à ses “amis”... dont François Fillon.
À ce jour, le Conseil National des Barreaux (CNB), organisme représentatif de la profession d'avocat, qui avait formulé quelques réserves sur l'opportunité et la pertinence du décret, a décidé de former un recours contre ledit décret auprès du Conseil d’État.
Je vous invite à découvrir l'article ci-dessous écrit en août 2010…
Robe noire et législateur : conflits d'ordre moral et d'intérêts.
Au moment où sont évoqués de plus en plus souvent les problèmes liés à la notion " de conflit d'intérêts " il est peut-être opportun et logique d'évoquer à cet égard la présence des avocats, magistrats et autres juristes au sein de l'Assemblée nationale ou du Sénat.
En effet, les deux Chambres détiennent le " pouvoir législatif ". Elles sont le lieu où " l'on fait les lois " et le premier réflexe pourrait être de se féliciter de voir des
professionnels leur apporter les lumières de leurs compétences. En effet la conjugaison de nouveaux talents avec ceux des non-initiés aux arcanes juridiques ne pouvant, en principe, que profiter à la mise en place de lois permettant de régir une Société sereine, apaisée, plus juste.
Il existe pourtant des limites à cette espérance idyllique. Elles peuvent résider dans un certain nombre de principes et de situations. Les avocats et magistrats appartiennent, à la " sphère du pouvoir judiciaire " dont on dit qu'il doit " être séparé… du premier ". De plus on ne peut manquer de rappeler un des principes de base du droit français, à savoir, que " nul ne peut, en même temps, être juge et partie " (1).
Pour ne prendre que l'exemple des seuls avocats, au nombre de prés d'une soixantaine parmi les plus de 70 parlementaires appartenant au monde de la Justice, il s'agirait de savoir s'il n'existerait pas un lien entre cette attraction grandissante des hommes de robe vers le “prétoire parlementaire” et la montée permanente des " affaires politico-financières " et de la " délinquance en col blanc ? "
Cette pensée ne pourrait n'être que noire, de la couleur de leur robe, dont on sait qu'elle peut évoquer, en même temps qu'elle est le symbole de l'élégance, de la modernité dans la mode et d'une manière générale, de l'autorité, de la dignité, mais… également celle de la… menace. Et en l'occurrence, la menace pour un des piliers de la Démocratie… la Justice.
Il y a, c'est certain, quelque antinomie voire incohérence pour les “avocats-parlementaires” à voter des lois alors qu'ils seront peut-être amenés à défendre des justiciables tombant sous le coup de ces dernières… ? Alors que leur mandat les amène à voter des “lois d'amnistie” scandaleuses, amorales au bénéfice de collègues impliqués dans des “affaires politico-financières” qu'ils autorisent ainsi à siéger, blanchis comme parfois l'argent sale, à leurs côtés et à voter à nouveau des lois ?
Par ailleurs " la notion de conflit d'intérêts est inscrite tout entière dans la parole évangélique ". Nul ne peut servir deux maîtres à la fois ". Elle est au coeur même de la déontologie de la plupart des professions libérales et plus particulièrement de celle d'avocat " (2).
Or, en votant des lois, trop nombreuses et parfois liberticides, les " avocats parlementaires " ne participent-ils pas, de plus, justement à " l'inflation législative " et de facto du fait qu'ils plaident à titre individuel ou au sein de cabinets d'associés, à la judiciarisation de notre Société, en la complexifiant, pour les citoyens : c'est-à-dire à enrichir leur " propre marché potentiel ? "
Une réforme profonde est donc à faire dans ce domaine. Comme l'UMP (3) l'a proposé en 2007 de faire obligation aux parlementaires de choisir entre " être élu ou fonctionnaire ", cette réforme doit faire débat et poser la même question " être avocat - ou élu (faisant métier de la politique) ? " Ce qui ne se fera pas, certes, sans problème. Je veux, pour autant, rester optimiste.
Cela malgré ce que dit le rapport du Service Central de la Prévention de la Corruption (SCPC) du ministère de la Justice au sujet de la réforme, également attendue de manière urgente, du financement public des partis politiques, à savoir : " la difficulté de réformer le dispositif résulte du fait que la classe politique dans cette affaire est à la fois juge et partie "…
Dans le cas présent il s'agit aussi d'un conflit… d'intérêt personnel d'ordre moral. Donc de conscience… républicaine ?
(1) Les Maîtres du Parlement (voir le site)
(2) Source Conférences des Bâtonniers : (voir le site)
(3) Proposition de loi 1143 de Franck Gilard du 7 octobre 2008. Lionel Tardy (voir le site)
NDLA - L'article 115 du décret de 1991 pose un principe d'incompatibilité de la profession d'avocat avec toute autre profession sous réserve de dispositions législatives et réglementaires.