"Longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore dans les rues ! " entonnait Charles Trenet au siècle dernier. Oui, les poètes, les artistes, les incorruptibles, les idéalistes donnent le ton, la mesure des temps nouveaux. Ils en sont les prophètes et les précurseurs. Leur impact inaltérable demeure dans nos esprits, sans que l'écoulement du temps n'ait de prise sur leur souvenir et leur puissance d'éveil. Leurs voix intemporelles résonnent comme des signaux d'actualité à ne pas négliger. Les figures de proue de la liberté, les chantres de nos idéaux, gagnent leur place pour l'éternité. Vingt ans après sa libération, Nelson Mandela, ambassadeur international de la défense des Droits de l'Homme, fer de lance de la dignité humaine, n'est pas tombé dans l'oubli.
Chez nous, en Bretagne, Glenmor et Xavier Grall ont mouillé leurs chemises pour défendre nos valeurs, notre identité culturelle, linguistique, patrimoniale, parmi tant d'autres Bretons connus ou anonymes, historiens, poètes, philosophes, juristes, etc.
Ils nous ont légué le flambeau. Aujourd'hui, que leurs mânes se réjouissent, d'autres ont pris la relève. Il suffit pour s'en convaincre de voir à l'œuvre « l'Institut Culturel de Bretagne » et les associations « Bretagne Réunie » et « 44 = Breizh » pour sentir la sève de l'enthousiasme et du renouveau irriguer nos racines et augurer d'un avenir prometteur. Quant à l'association « Produit en Bretagne », elle a fait ses preuves non seulement dans le domaine économique mais également dans celui de notre intégrité territoriale. Merci donc à tous les Bretons qui travaillent sans désemparer à l'avenir de la Bretagne, fidèles au poste, chacun selon ses compétences, car il y a loin de la coupe aux lèvres !
Oui, les Bretons d'aujourd'hui demeurent les maîtres d'œuvre, à part entière, de la reconstruction de leur domaine intégral, du rétablissement de leurs Droits, de leurs prérogatives, de l'avènement de leur épanouissement, de la restauration de leur culture et de leur langue, de la maîtrise de tous les vecteurs économiques, sociaux, culturels, environnementaux, etc. De plus, la Bretagne ne s'isole pas. Consciente de sa place sur l'échiquier européen, sur la mappemonde internationale, elle bât le rappel de ses forces vives.
Alors, la politique dans tout cela ? Il va de soi que je me suis engagée dès le début de cette campagne des Régionales de 2 010 en faveur de la liste « Nous te ferons, Bretagne », grâce à la puissance évocatrice de ces simples mots, à leur illustre origine, en vertu également de mon estime envers le maire de Carhaix, Christian Troadec, qui a su faire preuve de courage au cours des dernières années. Jean-Jacques Le Goarnig, dont je partage à la fois l'amour de la Bretagne, les convictions personnelles et les projets culturels qu'il développe à Pont-Aven, professe du reste la même opinion.
Je raisonne en Bretonne et non en personne férue de politique. Aussi ai-je toujours été réfractaire aux notions de « droite » et de « gauche », concepts étrangers à nos ancêtres, entrés dans les mœurs récemment, si nous nous référons à l'échelle du temps et qui s'accrochent à nous comme des patelles à un rocher. L'essentiel demeure dans le vecteur directeur de toute démarche politique, dans l'esprit et dans la lettre de chaque loi, de chaque acte, dans le respect des mots, des libertés, des dignités, dans le potentiel humaniste.
Aussi suis je choquée par l'emploi abusif du terme « démocratie », souvent dénaturé. En effet, la démocratie ne peut se concevoir hors des sentiers balisés de l'intégrité. Or, de nos jours, l'opinion publique pâtit de manipulations, sources de désinformation, par le biais de procédés indignes générant de toutes pièces des divisions artificielles et des atermoiements, tels ceux qui ont affecté dans le passé les contrées de Nantes et de Rennes. Que leurs édiles se rassurent ! Ces villes phares occuperont chacune une place forte au sein de la Bretagne réunifiée. Chacune sera maîtresse de son bastion, sans faire de l'ombre aux autres cités bretonnes, telle la ville de Brest. La Bretagne retrouvera inéluctablement son unité, celle d'avant le régime de Vichy, au moment propice, celui où les Bretons des cinq départements, dont la susnommée Loire Atlantique, seront réunis dans une harmonieuse cohésion, née de la reconnaissance de leur appartenance à un même peuple valeureux. Les inévitables dissensions, clivages d'opinion, peuvent et doivent se muer en ferments de progrès.
Autre motif d'exaspération : lorsque l'association Stéphane Lamart s'attaque à la Fédération de Gouren (lutte bretonne), dans un inqualifiable procès d'intention, nous entrons de plain pied dans le domaine de l'absurde, de l'obscurantisme. Je m'explique : le bélier ( Ar Maout ), a force de symbole. En le portant en triomphe, le vainqueur se pare de la puissance de l'animal qui lui-même s'érige en icône de la victoire. Non seulement l'animal ne souffre pas, mais il reçoit sa part de vivats et d'admiration. A l'issue de chaque joute, nous assistons au couronnement d'une double reconnaissance, celle de la valeur du champion et celle de la vigueur du bélier dans l'apogée des valeurs bretonnes de courage et de loyauté. Le Tribunal de Brest s'est appuyé le 8 février dernier sur une question de forme et non de fond pour relaxer la « Fédération de Gouren » qui demeure sur sa faim d'une justice équitable, consciente de ses valeurs. Cette chasse aux sorcières du 21e siècle, initiée par une association parisienne, pose des problèmes fondamentaux à la société entière. Voir le mal là où il n'est pas, voilà le comble, voilà surtout le scandale ! Cette pente dangereuse doit être éradiquée car sa poursuite préjugerait de lendemains inquiétants, avec la prédominance d'une vision étriquée supplantant la logique et le bon sens dans l'ordre naturel des choses. Suis-je, quant à moi, passible d'une peine pour avoir porté sur mes épaules ma fille, lorsqu'elle était âgée de deux ans, à l'occasion de longues promenades dans la campagne bretonne ?
Nous pouvons réagir et créer nos propres règles du jeu pour combattre l'obscurantisme, défier les dangers et les annihiler, tel un corps soudé dans ses fondations comme dans son faîtage. « L'union fait la force » ; ce vieil adage demeure d'actualité et notre peuple doit s'en imprégner pour construire une passerelle entre la Bretagne d'aujourd'hui et celle de demain, sous les meilleurs auspices. Voilà l'enjeu vital. Des lacunes subsistent. Les « Chambres consultatives » fleurissent en Bretagne. Leur indéniable intérêt en matière de conseil, de réflexion et de concertation n'en occulte pas moins les limites. Dans les champs d'investigations et de travaux d'urgence qui nous attendent, ces assemblées méritent de se voir étayées par des organes décisionnels nantis d'un pouvoir exécutif effectif. Cette prise de position n'engage que moi, je le précise, et en aucun cas un organe politique.
Pris entre le marteau et l'enclume, les Bretons de demain devront résoudre de difficiles équations entre les données imposées limitatives, leurs aspirations et leur amour pour leur pays. Ils relèveront le défi dans tous les domaines, avec l'aide et le concours des politiques, des économistes, des juristes mais aussi des artistes. Glenmor et Xavier Grall avaient bien saisi cette alchimie inhérente aux âmes celtes. Ils vivaient dans une sphère où une subtile poésie s'alliait intimement au sens des réalités les plus intrinsèques, où le rationnel et l'irrationnel se fondaient l'un dans l'autre, dans une harmonieuse cohésion, sans failles ni contradictions. Ainsi le Breton se fond sans jamais se dissoudre, pose ses jalons, partout où ses pas le dirigent, enfant d'un pays à la nature sauvage, fière et indomptée qui l'a façonné à son image. Elle se reflète dans son âme celte, comme dans un miroir fidèle, avec ses beautés fascinantes et ses aspérités ; elle signe son refus des compromissions, sa lucidité, son âpreté au labeur et sa faculté d'adaptation.
Ses particularités, la Bretagne les revendique comme des lettres de noblesse, sans forfanterie, mais aussi sans mièvrerie ni fausse humilité.
Auteur : Nolwenn Le Gac