Jean-Pierre Thomin a été maire de Landerneau de 1989 à 2008 et Conseiller régional depuis 2004, président de la Commission culture, patrimoine et sport et délégué à la politique linguistique.
Il est un des principaux membres influents du PS favorables à la langue bretonne. Grand défenseur du brezhoneg, il est de toutes les inaugurations, de toutes les remises de prix, de tous les colloques, de toutes les initiatives pour entraver le déclin de cette langue. Il a été membre du Bleun-Brug, des Cahiers du Bleun-Brug et du BREIS. Il est également un des fondateurs du Festival Kann al Loar qui se déroule à Landerneau en juillet depuis 1987.
En 2008, le Parti Socialiste lui avait demandé de quitter ses responsabilités de Maire car il cumulait deux mandats (et les autres élus PS ?). Lundi dernier, apprenant qu'il ne sera pas sur la liste PS du 29, il a démissionné du conseil municipal de Landerneau.
M. Thomin a accepté de répondre à nos questions.
[ABP] Les têtes de listes départementales du PS seront connues demain après-midi mais pouvez nous confirmer que pour le moment vous êtes exclu de la liste PS pour le Finistere et qui a pris cette décision et pourquoi ?
[Jean-Pierre Thomin] : A ce jour je ne figure en effet pas sur la liste du PS au Conseil régional pour le Finistère. La décision a été prise par les dirigeants de la Fédération. J'en ignore aujourd'hui les raisons véritables. Mes demandes d'explication sont restées sans réponse crédible.
[ABP] : Qui peut vous remplacer à la région pour continuer votre travail de sauvegarde et de développement de la langue bretonne ?
[Jean-Pierre Thomin] : Il n'y a, toujours à ce jour, aucun bretonnant en position éligible, sur les listes des 4 fédérations départementales du PS. Il me semble inconcevable qu'une politique linguistique puisse être menée de façon efficace par quelqu'un qui ignore la langue. Je crois que le temps où l'on se battait en français pour défendre la langue bretonne est dépassé, parce que ce qui est le plus important est justement l'usage du breton au quotidien, y compris dans la gestion des politiques. Ce serait un recul aberrant.
[ABP] : Avez vous démissionné du Conseil municipal de Landerneau pour protester contre la façon dont vous être traité par le parti socialiste ? Le PS ne vous avait-il pas demandé déjà il y a quelques années de démissionner de votre responsabilité comme maire élu de Landerneau ?
[Jean-Pierre Thomin] : Oui, ma démission du Conseil municipal de Landerneau est un acte politique, pour manifester de façon publique mon désaccord de fond avec la manière dont a été élaborée la liste du PS 29 et avec le résultat. C'est une liste à usage interne, pas une liste pour gagner ni pour gérer la Région ensuite. J'observe que les exigences posées par la Fédération du PS 29 en 2004 -sur la base d'engagements à mon égard qui n'ont pas été tenus- n'ont été imposées à personne cette année et que certains candidats en position éligibles cumulent plus que je ne le faisais à l'époque. Je m'interroge donc pour savoir si la question du cumul était vraiment le coeur du problème.
[ABP] : Vous allez créer un groupe de réflexion politique ? Est-ce ouvert à toutes les tendances ou juste aux socialistes ? Quels sont vos projets pour l'avenir et comment allez-vous continuer votre combat pour la langue bretonne si vous n'êtes plus élu nulle part ?
[Jean-Pierre Thomin] : Il n'est pas nécessaire d'être élu pour faire de la politique. J'ai des convictions auxquelles je n'ai pas envie de renoncer. J'ai donc effectivement décidé de créer un club de réflexion et d'action politique. Il sera clairement orienté à gauche et ouvert à tous ceux qui se sentiront concernés par la démarche. Dans le contexte de récentralisation et de "poutinisation" de la France, il est temps de s'occuper d'autre chose que des querelles de chapelles et d'élaborer une offre politique qui rassemble, afin de proposer une alternative crédible. La Bretagne doit prendre part à cet objectif. Je veux y contribuer à ma manière. Il n'y a rien à attendre du pouvoir actuel, comme l'ont démontré les événements récents. La langue et la culture bretonne font partie des atouts permettant un développement harmonieux et humain de la Bretagne. Nous avons besoin de cette identité créatrice et je continuerai donc à militer pour leur promotion.
[ABP] : La région Languedoc-Rousillon vient de signer une convention avec le rectorat de cette région au sujet de l'enseignement des langues régionales comme le catalan et l'occitan et même portant sur une introduction, dans certaines classes, aux cultures régionales. Comment se fait-il que la région Bretagne, sous la présidence de M. Le Drian, n'ait pas entrepris cette démarche ?
[Jean-Pierre Thomin] : Vous êtes mal renseigné. Nous avons voté au mois de mars dernier (à l'unanimité du Conseil régional, comme pour toutes les délibérations relatives à la langue) une "Convention spécifique pour le bilinguisme", avec l'État. Cela a été un long combat de plus de deux ans, qui nous a permis d'obtenir, par exemple,la création d'une instance, co-présidée par le président du Conseil régional et qui travaillera sur la carte scolaire prévisionnelle de l'enseignement bilingue.
[ABP] : On reproche souvent à M. Le Drian de justifier son inaction sur certains sujets sensibles en invoquant la légalité républicaine, alors que d'autres régions (comme le Languedoc Roussillon ou l'Alsace par exemple) vont de l'avant, qu'en pensez vous ? Pensez vous vraiment qu'il aurait été en prison ou démis de ses fonctions s'il avait accepté une session commune du Conseil régional de Bretagne et du Conseil départemental de la Loire-Atlantique comme suggéré par Patrick Mareschal ? A-t-il manqué de courage politique et d'une opportunité d'amener le débat sur la réunification dans les médias nationaux ?
[Jean-Pierre Thomin] : Je n'ai pas connaissance que d'autres régions aillent plus vite que nous en ce qui concerne leurs langues. Au contraire. Au long des colloques auxquels je participe dans les diverses régions de France et d'Europe, la Bretagne est souvent citée en exemple, pour sa politique linguistique globale, dont nous avons été la première région française à se doter, avec beaucoup d'initiatives enviées et imitées (je pense au FALB qui a permis la création de la première webTV en langue régionale ; à la mise en réseau des radios, des troupes de théâtre, des crèches, des chorales ; aux bourses Skoazell pour l'aide à la formation d'enseignants...), ce qui me ravit. Au plan budgétaire, nous sommes de loin les premiers. Sans le soutien inconditionnel de Jean-Yves Le Drian, cela n'aurait pas été possible. Il a toujours été réceptif et moteur en ce qui concerne la politique linguistique. C'est pourquoi je m'interroge sur le positionnement de la Fédération PS du Finistère, qui me semble un retournement complet.
Nous avons noué avec la Loire-Atlantique des relations de coopération concrètes, bien au-delà d'actes symboliques. Alors qu'il y a 6 ans les deux collectivités étaient étrangères l'une à l'autre, nous participons désormais à de nombreux projets en commun. Et nous progressons à chacune des réunions de notre commission mixte. Le dernier exemple est le financement par la Région Bretagne d'actions en faveur du breton en Loire-Atlantique. Cela me paraît bien plus productif que de se limiter à des symboles, peut-être spectaculaires, mais sans effet réel. Dans l'état actuel de notre droit, une session commune n'apporterait aucun changement concret, parce qu'aucune décision ne pourrait y être prise. Rien n'empêche cependant aux deux institutions de se réunir. Cela avait été fait du temps des présidents Fillon et de Rohan. Avez-vous souvenir que la réunification en ait avancé d'un pouce ?
[ABP] : Merci Monsieur Thomin.
Philippe Argouarch