Tout ce que la France compte de sondeurs, d'auspices et de clients de cafés du commerce prévoit, pronostique et martèle depuis des mois la victoire de Hollande. Ce qui ne l'a pas empêché de se trouver en ballottage et sans conserver un écart marquant avec Mme Aubry.
Juste après le premier tour, dimanche, Ségolène Royal (6 % des voix), Valls (5 %) et Baylet (1 %) ont annoncé leur ralliement au candidat Hollande, crédité de près de 40 % des voix. Avec le ralliement personnel de Montebourg en fin de semaine, il peut se targuer d'avoir rassemblé quatre candidats sur cinq et la majorité des tendances du PS, donc il semble logiquement le mieux placé pour l'emporter.
Mais l'on ferait erreur si l'on considérait ces ralliements comme une simple addition mathématique de voix. Si les électeurs de Valls et de Ségolène Royal voteront probablement pour Hollande, rien n'est moins sûr pour ceux de Montebourg, auxquels ce dernier n'a pas fait de consignes de vote.
A l'intérieur du PS, les militants qui ont voté Montebourg sont plutôt jeunes et marqués à gauche, donc relativement réticents à voter pour une candidate qui traine le pacte de Marrakech, qui n'est plus toute jeune et qui a compté sur le soutien des fabiusiens et strauss-khaniens, l'aile droite, « embourgeoisée » du parti.
Mais la véritable inconnue de l'élection est dans son ouverture au « peuple de gauche » En effet, sur plus de deux millions de votants, les militants ne pèsent que pour 10 % tout au plus (ils sont environ 200.000). Or l'on peut estimer que le peuple de gauche a été assez sensible aux candidats situés le plus à gauche, essentiellement Montebourg, puis Aubry qui s'est placée dans son sillage, notamment parce que la situation dégradée de la France après près de dix ans de droite crée un « fort besoin de solutions de gauche ». Donc tout reste possible pour la candidate nordiste.
Quel que soit le ou la candidat(e) élu(e) dimanche, si il ou elle goûte aux délices de Capoue après son élection en pensant Sarkozy fini, la gauche n'est pas sortie de l'auberge. Certes, elle sera fixée, mais la droite aura aussi tout le temps de connaître son ennemi et d'essayer de le discréditer par tous les moyens. La bataille commence juste, et l'exécutif conscient de son impopularité a provisionné depuis 2009 des centaines de millions d'euros de communication (les fameux "vaseux communicants" épinglés par le Canard de cette semaine) afin de faire comprendre à tous les peuples de France, Bretons y compris, que blanc est noir et noir est blanc, et peut-être même qu'il n'y a jamais eu d'incidents au Cross Corsen, au Guilvinec, et ailleurs. Les criailleries intérieures au PS de la semaine dernière ont montré que malheureusement, en France, la bêtise est le « bon sens » politique le mieux partagé. Alors haut les coeurs et rendez-vous sur ABP !
Louis Bouveron