Paul Germain est mort à Paris jeudi dernier (26 février). C'est un très grand savant breton qui disparaît. Ses travaux jouèrent notamment un rôle très important dans le développement de l'aviation supersonique et en particulier dans la conception de l'avion Concorde.
Né le 28 août 1920 à Saint-Malo où son grand-père était avocat et était lui-même fils et petit-fils d'architectes du pays malouin, Paul Germain perdit son père, qui était professeur, alors qu'il n'avait pas encore neuf ans. Pour que ses trois enfants puissent faire de bonnes études, sa mère, née Élisabeth Frangeul, décida de venir habiter à Rennes et elle y trouva un emploi comme secrétaire du proviseur du lycée de garçons. Quand ses enfants devinrent adolescents, elle accepta de suivre le proviseur du lycée de Rennes qui avait été nommé proviseur du lycée Lakanal, à Sceaux, pour que ses enfants puissent faire de bonnes études supérieures à Paris, et elle mourut d'épuisement en 1947. De fait, ses trois enfants pour lesquels elle avait tout donné, furent d'excellents élèves : la sœur de Paul fut élève à l'École Normale Supérieure de Sèvres et reçue à l'agrégation de mathématiques, son frère cadet fut reçu à l'École Polytechnique et lui-même, reçu à l'École Normale Supérieure de la rue d'Ulm et agrégé de mathématiques à 22 ans, fit une brillante carrière scientifique.
Voici ce qu'écrivait Paul Germain dans son livre "Mémoire d'un scientifique chrétien" (L'Harmattan, 2008, 326 pages) : "J'ai beaucoup aimé mon métier de professeur et l'ai exercé de mon mieux pendant un demi siècle. J'ai beaucoup travaillé pour renouveler sans cesse mon enseignement et apporter des contributions au développement de ma discipline, la mécanique. Je crois que les sciences représentent dans l'histoire humaine la preuve et la réalisation des capacités extraordinaires de l'esprit humain ; elles suscitent toujours notre admiration. Je ne suis pas un grand savant. Élu néanmoins, à l'Académie des Sciences, en raison du petit nombre de scientifiques travaillant en France dans ma discipline, je me suis trouvé Secrétaire perpétuel de cette Académie en 1975, fonction que j'ai occupée pendant vingt ans, remarquable observatoire de la vie scientifique nationale et internationale..."
Paul Germain débuta en 1943 comme professeur au lycée Condorcet, puis entra au CNRS en 1944 comme attaché. En 1946, il devint chef de groupe de recherche à l'Office national d'études et de recherches aéronautiques (ONERA). En 1949, il partit à Poitiers comme maître de conférences à la Faculté des sciences, puis, en 1951, il fut nommé professeur à Lille. En 1953, il partit aux États-Unis et fut professeur invité à la Brown University, puis au California Institute of Technology (Caltech). Il revint en France en 1958 et fut professeur de mécanique à la Faculté des sciences de Paris. Il repartit aux États-Unis en 1969/1970, enseignant simultanément à l'Université de Stanford et à celle de Berkeley. Il fut aussi professeur à l'École polytechnique de 1977 à 1985.De 1962 à 1967, Paul Germain fut le directeur de l'Office national des études et recherches aérospatiales et, en 1967/1968, il fut membre du conseil d'administration du Centre national d'études spatiales. Il publia de nombreux travaux dans les domaines de l'aérodynamique supersonique, de la théorie des équations aux dérivées partielles du type mixte, de la théorie générale des milieux continus...
Chrétien engagé, il était également membre de l'Académie pontificale des sciences.
Paul Germain restait très attaché à la Bretagne, à Saint-Malo, la ville de ses ancêtres dont il avait fait sienne la devise "Semper fidelis" (toujours fidèle), ainsi qu'à Rennes, la ville où il avait passé la plus grande partie de sa jeunesse. On peut former le vœu que l'une et l'autre cité donnent son nom à une rue ou à un espace public.