"L'accueil du mineur étranger", tel fut le thème du colloque organisé par la commission des "relations internationales" du Barreau de Rennes qui, à cette occasion, réunissait des représentants des barreaux des villes européennes jumelées avec Rennes. Deux avocats kurdes de Diyarbakir étaient également invités : la Turquie n'est-elle pas candidate à l'entrée dans l'Union européenne et la ville de Diyarbakir ne mérite-t-elle pas, au vu des relations étroites qu'elle entretient avec Rennes depuis des décennies, d'entrer dans le cercle enviée des villes jumelées ?
L'intervention du bâtonnier de Diyarbakir Mehmet Emin AKTAR et de l'avocate Nuşîn UYSAL a été particulièrement remarquée quand elle aborda la situation dramatique des avocats en Turquie assurant la défense de Kurdes accusés "d'association de malfaiteurs en relation avec une organisation terroriste". Une cinquantaine d'entre eux sont toujours incarcérés, ainsi qu'une centaine de journalistes et 7 000 membres du parti légal le BDP ("Parti pour la Paix et le Démocratie") -dont plus de 500 femmes- sur la base de la loi antiterroriste de 1991 qui définit le terrorisme par rapport à ses objectifs politiques, et non aux moyens employés. Amnesty International s'inquiète depuis longtemps de cette législation qui ne comporte pas le niveau de certitude juridique exigé par le droit international.
Le scandale des scandales : les enfants kurdes emprisonnés
"Il y a quelques jours, un enfant à été condamné à 18 ans d'emprisonnement pour avoir jeté un cocktail Molotov au motif qu'il appartiendrait à une organisation terroriste " a révélé Me Nuşîn UYSAL, suscitant chez ses confères et consœurs un profond sentiment de malaise.
Selon le bâtonnier Mehmet Emin AKTAR, "8 500 dossiers d'enfants sont en attente de traitement, dont 2 000 à Diyarbakir. Les arrestations d'avocats désorganisent la défense ; il ne reste qu'un nombre insuffisant –une quarantaine- pour assurer la défense des enfants".
La délégation des Amitiés Kurdes de Bretagne qui rentre du Kurdistan a recueilli nombre de témoignages bouleversants :
"Les traumatismes psychologiques suite à l'emprisonnement, les mauvais traitements, les humiliations sexuelles en prison sont alarmants et ne sont jamais soignés [...] des suicides et tentatives de suicides, en prison sont fréquents. Ce sont les suicides qui ont permis de révéler la gravité de la situation actuelle des enfants kurdes détenus pour raisons politiques [...] La journaliste Özlem AGUS, qui avait osé révéler les abus sexuels et des cas de torture dont les enfants sont victimes, s'est retrouvée à son tour interpellée et incarcérée".
Solidarité
Daniel DELAVEAU, maire de Rennes, et son adjointe aux relations internationales, Roselyne LEFRANÇOIS, n'ont pas manqué, en recevant les avocats dans les salons de l'hôtel de ville, de rappeler la position intransigeante de la ville de Rennes sur le respect des droits de l'homme, des droits démocratiques et les droits des peuples : "l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, souhaitée par tous, ne peut se faire qu'à cette condition".
La révélation de la situation des avocats en Turquie a suscité la stupéfaction des avocats rennais et européens, comme l'a souligné le bâtonnier de Rennes, Me Maryvonne Lozach'meur : "certains d'entre eux ne s'imaginaient pas qu'il pouvait se passer de telles choses à la porte de l'Europe. Ils ont été sincèrement choqués".
Des barreaux, comme celui de Paris, ont déjà protesté auprès des autorités turques. Emin AKTAR et Nuşîn UYSAL formulent le vœu que les barreaux de Gdansk, Exeter, Erlangen, Leuven, Vérone et Rennes manifestent également, à l'issue de ce colloque, leur solidarité auprès de leurs confrères emprisonnés et rappellent à la Turquie le devoir de respecter l'indépendance, la liberté et l'intégrité de la profession d'avocat.
André Métayer