Depuis le début du siècle dernier, la population de Callac a été en constante diminution (3024 habitants en 1975, 2229 habitants en 2019). L’immobilier bon marché du Centre-Bretagne a attiré notamment des Britanniques. En 2016, l’INSEE notait un fort pourcentage de Britanniques à Callac (7,8% de la population) arrivés avant le Brexit. En 2020, Callac était, après Guémené-sur-Scorff, la commune de Bretagne où le prix médian des maisons était le moins élevé (57500 €), près de 10 fois moins qu'à l'Île-aux-Moines. L'effet Covid a entraîné une augmentation des transactions immobilières et des effectifs scolarisés (125 élèves inscrits en juin 2020, 147 élèves en décembre 2020). Le Centre-Bretagne attire une nouvelle population parce que les prix sont bas, tandis que sur le littoral les prix de l’immobilier empêchent les jeunes du pays de s’y installer. Dans les deux cas, il y a une modification de la population.
Les mouvements autonomistes bretons montent promptement au créneau, avec juste raison, concernant les problèmes de logement du littoral et se réjouissent même des réactions presque semblables au Pays de Galles ou en Corse. Presque semblables car pour ces deux derniers exemples les mouvements autonomistes n’hésitent pas à évoquer la mise à mal de l’ethnicité culturelle du peuple gallois et du peuple corse. Alors, la vérité là-bas et la xénophobie ici ? Tout est question d’équilibre, nous sommes bien d’accord ! Alors pourquoi ne pas parler d’acculturation, voire de colonisation, concernant le projet de réorganiser l’économie de la commune de Callac par l’accueil organisée de 100 réfugiés dans la commune ?
Il s’agit d’un projet financé par le fonds privé Merci créé par Marie-France Cohen et géré par ses trois fils. Avec bien sûr en garantie du projet des fonds publics. L’objectif est d’accueillir des réfugiés en utilisant les bâtiments vacants. Les promoteurs du projet ont identifié 75 emplois vacants dans la santé, le commerce, l’agriculture. Les emplois seraient accompagnés par des fonds de dotations pendant dix ans (Le Télégramme, 12/04/2022). Mais pourquoi ne s’intéressent-ils pas aux personnes sans emploi du secteur ? Selon l’INSEE, le taux de chômage des 15-64 ans était de 17,6% dans la commune en 2018, soit 116 chômeurs.
Sous le titre « Callac veut revivre grâce aux réfugiés », Ouest-France (16/04/2022) donne d’autres informations. La municipalité envisage d’acquérir les locaux de l’ancienne école Saint-Laurent pour y installer les premiers réfugiés. Un certain nombre d’entre eux seraient également installés dans divers endroits du bourg pour favoriser la mixité. Lors de la réunion publique du 14 avril 2022, les frères Cohen et la directrice des fonds étaient venus avec des maquettes de revitalisation du bourg réalisées par les étudiants de l’Ecole Nationale d’Architecture de Rennes. De quoi impressionner le public évidemment ! Ouest-France rapporte également que le lendemain de la réunion publique, à l’occasion de la signature de la convention entre la famille Cohen et la mairie, le député de Guingamp, Yannick Kerlogot (LREM), à l’origine de la mise en relation du fonds avec Callac, se dit « extrêmement confiant pour la suite ». Le conseiller régional Arnaud Toudic (tête de liste aux élections régionales de Daniel Cueff en Côtes d’Armor et candidat aux législatives à Guingamp) affirme que « la Région accompagnera ce projet. Vous êtes en train de créer un nouveau monde ». Un nouveau monde, en effet !
La famille Cohen dit avoir travaillé sur le projet depuis 4 ans, en faisant appel à des sociologues, des architectes et des juristes. Des fondements scientifiques, en quelque sorte ! Plus modestement, il s’agit comme toujours d’étudier l’acceptabilité d’un projet concocté à l’extérieur par la population autochtone. Ils ont donc choisi Callac parce qu’il « y a ici une tradition d’accueil, avec dix familles actuellement reçues ». Accueil, générosité, innovation, dynamisme, des nouveaux mots entourloupe pour faire avaler un projet qui solde un échec. Celui d’une commune bretonne qui devrait trouver ses forces en elle-même pour rester elle-même. En fait, une commune en voie d’acculturation et qui n’aurait plus la maîtrise de son destin. Et la langue bretonne dans tout ça ? Ah, j’oubliais, il y a une filière bilingue publique dans la commune voisine de Bulat-Pestivien qui accueille depuis 2016 les élèves de Callac qui le souhaitent. Donc tout va bien !
La famille Cohen n’est pas à son premier essai. Les trois frères lancent Horizon en 2018 et se mettent à la recherche d'un premier village dans l’Essonne. Un village construit de toutes pièces. « L'idée est d'accueillir 70 personnes, des réfugiés, mais aussi 40 % de locaux, afin d'éviter tout ghetto et d'avoir des profils très différents. Nous sommes en train de travailler avec les urbanistes. C'est passionnant. On est au tout début, mais quand ça va sortir de terre, il faudra beaucoup d'argent. » (LesEchos.fr 3/04/2020). En effet, c’est passionnant de faire de la cuisine ethno-démographique avec 40% d’autochtones et 60% d’étrangers ! Un luxe philanthropique que tout le monde ne peut pas se permettre.
Il s’agit donc de faire de Callac un nouveau laboratoire, un nouveau terrain de jeux pour des Parisiens qui ne savent plus quoi faire de leur argent. Ce projet pose un problème de fond pour la Bretagne. Il ne s’agit plus d’accueillir quelques familles de réfugiés intégrées dans la population locale, comme Callac le fait déjà. Le projet est d’une toute autre nature. On passe à un cran supérieur. Il s’agit de revitaliser une commune qui serait en perdition par l’apport organisé d’un nombre conséquent de réfugiés/migrants.
Mais se poser la question du bien fondé de ce projet, ne serait-il pas déjà être d’extrême-droite ? N’ai-je pas pris moi-même un risque moral inconsidéré en écrivant cette tribune ? Il y a eu 45% des suffrages pour Marine Le Pen au second tour des élections présidentielles à Callac. Des partisans assumés de l’extrême-droite qui plus est dans un ancien bastion communiste ? Des pauvres ruraux qui expriment ainsi leur sentiment d’abandon, comme on a coutume de le dire ? Ou tout simplement des gens du peuple qui en ont marre d’être pris pour des cons ? Les mouvements autonomistes bretons qui se préoccupent de l’avenir du peuple breton ont-ils un avis sur la question ? Sujet délicat, voire embêtant, n’est-ce pas …
Emile Granville, le 9/06/2022.
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