La chambre criminelle de la cour de cassation, réunie en formation plénière (30 à 40 magistrats), ne se prononcera pas sur le fond du dossier. Sa mission consiste à vérifier si la décision, prise par la cour d’appel, de condamner Jérôme Kerviel à 5 ans de prison, dont 3 fermes, et à 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts, s’est appuyée sur une application stricte du droit.
L’avocat général Yves Le Baut, dans son avis écrit avant l’audience - que la cour n’est pas tenue de suivre - préconise le rejet de tous les moyens soulevés par Jérôme Kerviel, c’est-à-dire qu’il considère que les éléments de droit avancés par JK ne justifient pas que la décision de la cour d’appel soit cassée.
Pour Yves Le Baut, les manquements de la Société générale à ses obligations de contrôle, dénoncés par l’avocat de JK devant la cour de cassation, Maître Patrice Spinosi, n’impliquent pas "que la banque ait consenti aux agissements de son trader".
De multiples indices, exposés au procès en appel, et recueillis, au cours de l’été qui suivit, par les policiers de la brigade financière, ont pourtant mis en évidence que la Société générale (ainsi que sa filiale de courtage, la Fimat) était parfaitement informée des agissements de JK, et ce, bien avant janvier 2008 ; qu’elle n’a rien fait pour les stopper ; qu’elle les a, au contraire, encouragés – qu’elle y a donc "consenti" -, en fixant à Jérôme Kerviel, pour l’année 2008, un objectif impossible à atteindre sans prises de risques considérables - plus de 10 fois plus élevé que le résultat demandé aux autres traders de son desk ! ( (voir le site) ).
Le comité de soutien de Jérôme Kerviel veut croire que les nombreux faits et témoignages qui ont ainsi révélé, sans ambiguïté, à la décharge de JK, une co-responsabilité de la Société générale dans les délits reprochés à Jérôme Kerviel, seront pris en compte par les magistrats de la cour de cassation.
Concernant les dommages et intérêts, Yves Le Baut estime que leur montant ne saurait être réduit, car, selon lui, "raisonner autrement interdirait aux parties civiles, dont le préjudice a pourtant été reconnu, d'en obtenir réparation intégrale".
Il demeure surprenant que - la Société générale ayant déjà été remboursée d’un tiers des pertes qu’elle a déclarées, en bénéficiant d’une réduction d’impôts de 1,7 milliard d’euros, accordée, dès février 2008, par la ministre de l’économie de l’époque, Christine Lagarde - le montant d’un tel avantage fiscal n’ait pas été pris en compte par la cour d’appel, pour réduire d'autant le montant des dommages et intérêts réclamés à JK. Par ailleurs, nul ne peut contester que le préjudice que la Société générale prétend avoir subi – 4,9 milliards d’euros de pertes, qu’elle impute intégralement à JK - n’a fait l’objet d’aucune expertise judiciaire indépendante. La cour d’appel a « reconnu le préjudice » en se contentant des déclarations de la Société générale, sans exiger la moindre preuve de leur exactitude. La cour de cassation pourra-t-elle cautionner un laxisme aussi stupéfiant ?
Le Comité de soutien de Jérôme Kerviel a la conviction que cette assemblée, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, se fera un devoir de rétablir enfin la vérité.