Bretagne Magazine a été créé par Le Télégramme, vraisemblablement – comme, dans le début des années 8o, le Figaro Magazine et le Figaro Madame – pour évacuer, en les rentabilisant, les nombreuses publicités que le quotidien ne pouvait publier. Des publicités de luxe, ici pour une pâte à tartiner et son livre, pour le tourisme et les loisirs en Bretagne, pour des séjours de thalassothérapie – sur papier glacé c'est plus tentant que sur du papier journal – ou encore de “l'auto-promo” des éditions du Télégramme et de la presse Milan “Nature et territoires”.
La publicité nationale provient de Milan presse, la publicité locale et régionale de Viamédia, Brest. C'est cela qui importe le plus. Vendre les publicités, de ces groupes et les autres. Il y en a 16 pleines pages sur les 102 – couvertures comprises – que comporte la revue. Et on opère un “saucissonnage” avec des articles et des photos.
Le contenu de Bretagne Magazine
Membre du Collège culture et création de Produit en Bretagne, Bretagne Magazine comporte à la fin un guide de 16 pages qui est vraiment informatif et donne quelques idées. Randonnée, agenda (expositions), livres, livres et jeux pour les enfants, cuisine... Il comprend par nature une part publicitaire.
Ses grandes et belles photos pleines pages ou même double page vous consoleront. Car, pour le contenu texte, supposé consistant et sérieux, on remarque une propension à la légèreté. Il est dans l'ensemble facile, superficiel, pas dérangeant, se lit vite et ne donne pas sujet à débats. Bretagne Magazine n'est pas un magazine culturel, c'est un magazine de loisirs à feuilleter sur la plage, guère plus... et tant pis si du sable se glisse dedans...
Bretagne Magazine est aussi politiquement très très correct. L'accroche Le Drian, pour en vendre plus pendant les vacances de Noël (?), déçoit. Bretagne Magazine n'est pas un magazine d'information. Est-ce de l'information d'apprendre que M. le président Le Drian passe ses fins de semaines à Guidel ? Le Télégramme ne lui pose aucune question qui dérangerait comme « Que pensez-vous de la réunification de la Bretagne, la souhaitez-vous ? » Monsieur Le Drian n'y répond donc pas.
Même si cette interview fut faite avant que monsieur Sarkozy prononce la phrase qui a soudain enflammé la Bretagne et la Normandie il y a peu, pourquoi Le Télégramme, pardon, Bretagne Magazine en a-t-il fait l'économie puisqu'elle fait grand débat depuis des années ? Monsieur Le Drian l'aurai-t-il refusée ? Ou bien, étant un magazine qui vous fait rembourser la publicité qu'il paie cher, il ne veut pas déplaire au lecteur “lambda”. Quid de sa dernière phrase ? « Il y a une capitale, Rennes, et une capitale maritime, Brest. » Ce n'est pas une revue pour militants bretons. Elle se doit d'être lisse, aseptisée, formatée, avec rien qui dépasse et pourrait faire polémique.
Exactement comme le quotidien, ( voir notre article ), qui vous a pré-mâché vos réponses au sondage du “Breton de l'année” – avec des noms qui ne vous disent rien, sauf 2 ou 3 peut-être – ne vous donnant pas la possibilité de voter pour, par exemple, Jean-Jacques Monnier qui, avec son livre « Résistances et conscience bretonne », a balayé les affirmations « les Bretons tous collabos » qui ont sévi dans la presse française avec insistance. Cette presse qui n'a d'ailleurs pas (encore ?) fait état de ce livre...
Les bons points, toutefois : une carte de la Bretagne entière sur la page du sommaire. Elle situe géographiquement les articles “de fond”. Ici un article sur Le Croisic, un article sur la création de l'Institut marin à Roscoff à la fin du XIXe siècle, trois pages par Gérard Alle, journaliste culture du quotidien, sur la langue bretonne – non signalées sur la couverture – et on a fait le tour des articles qui apportent vraiment quelque chose.
Bretagne Magazine et 303, la revue des Pays de la Loire
Bretagne Magazine est-il distrait ou complice ? Il annonce page 91 dans L'art de regarder « La revue 303 invite à découvrir Paul-Émile Pajot (1873-1929)... »
Cette revue 303, qui existe depuis plus de 20 ans, tente de créer une unité culturelle à un territoire qui n'en a manifestement aucune, en rassemblant des articles – souvent fort intéressants, nous ne le contestons pas – dans une mosaïque hétéroclite de sujets sans liens entre eux, hormis le fait qu'ils sont dans ce territoire aussi hétéroclite lui-même.
Si l'œuvre de Paul-Emile Pajot, un marin-pêcheur vendéen devenu artiste-peintre, est certes intéressante, on s'étonne que la luxueuse revue culturelle des Pays de la Loire soit mentionnée dans un magazine breton... Ne devrait-il pas y avoir silence sur 303 ? Croyez-vous que 303 ait jamais cité ArMen ?