Emile Granville est né en 1955 à Sens-de-Bretagne. Etudiant à Rennes, il a touché un peu à tout : philosophie, musique, peinture, dessin, mathématiques et langue bretonne pour finalement devenir enseignant.
Le monde associatif et militant a toujours été important pour lui. Il a créé plusieurs associations dont Gwezenn en 1987, le Comité de la fête de la victoire de Ballon en 1990, le Comité pour la Protection des marais du Pays de Redon en 1991 et Brezhoneg war-raok en 2005.
Son premier engagement électoral a été aux élections municipales de Redon en 1989, avec une liste intitulée « Redon, Bretagne, Ecologie ». D’abord élu dans l’opposition de 1995 et 2001, il est dans la majorité à partir de 2008 pour deux mandats. En tant qu’adjoint, il dit avoir agi sur quatre axes principaux, le social, l’environnement, l’urbanisme et l’identité bretonne.
Émile Granville a adhéré à l’UDB de 1999 à 2003 où il a été élu au bureau politique. Il explique avoir contribué à développer la fibre écologiste du parti mais a quitté ce parti estimant qu’il restait trop lié au PS. Il a aussi été président du CUAB , le Comité pour l'unité administrative de la Bretagne qui est devenu Bretagne Réunie sous sa présidence. En 2006 il rejoint le Parti Breton pour en devenir le porte-parole et la tête de liste aux élections européennes de 2009 puis aux élections régionales de 2010 avec Christian Troadec. Il a quitté ce parti au moment des élections régionales de 2015, car il ne lui semblait pas utile de faire une liste indépendante uniquement par principe. Il milite aujourd’hui pour qu’un mouvement breton indépendant et large se structure réellement.
En 2018 il a publié son premier livre Perspectives pour la Nation bretonne. Il publie aujourd’hui chez Yoran Embanner, diffusé par Coop Breizh, un ouvrage bilingue dans lequel il nous présente les grands défis que doivent comprendre les sociétés occidentales. « Mon livre est une contribution pour aller vers la définition de valeurs communes », nous dit Émile Granville. Les problèmes y sont clairement énoncés, à nous d’en trouver les solutions.
[Émile Granville] Il y a l’anthropologie, la civilisation, l’économie et la politique. L’économie et la politique relèvent du quotidien tandis que l’anthropologie et la civilisation ont des fondements profonds avec une durée de vie très longue. Les questions sociétales touchent justement les questions de fond de civilisation. Le débat est difficile car chacun est prié de se ranger dans un camp. C’est toujours le même piège qui est tendu, celui des modernes et des anciens, des bionovateurs et des bioconservateurs comme disent aujourd’hui les transhumanistes, des progressistes et des réactionnaires. Il est nécessaire de sortir de ce simplisme et d’interroger toutes les facettes de chaque thème pour trouver un point d’équilibre. C’est ce que j’ai essayé de faire en étant sceptique sur la notion de progrès. Depuis de nombreuses années, je suis impliqué dans l’élaboration de programmes politiques, pour les élections municipales, cantonales, départementales, législatives et européennes. J’estime que l’engagement politique est indispensable et que nous avons besoin de partis politiques pour faire vivre la démocratie. Mais les partis politiques sont de plus en plus inaudibles justement à cause de l’émergence des questions sociétales. Donc si nous voulons avancer au plan politique, il faut en parallèle, et je dirais en priorité, résoudre le problème des choix de société et aborder les sujets d’actualité, tabous pour beaucoup, comme la bioéthique, l’immigration, l’islamisation. Il n’y a aucune raison de laisser ces sujets à l’extrême-droite. Les démocrates que nous sommes doivent pouvoir aborder ces questions de fond raisonnablement et en toute liberté. C’est l’urgence du débat qui m’a poussé à écrire ce livre. Nous vivons dans un monde moderne, éclaté et déstabilisé. Nous avons du mal encore à définir une morale de vie commune qui nous corresponde et nous renforce face à tous ces chamboulements. Mon livre est une contribution pour aller vers la définition de valeurs communes.
[Émile Granville] Il est difficile pour moi de choisir un thème plus qu’un autre. L’ensemble des thèmes implique une cohérence globale. Mais pour répondre quand même à la question, je dirais le transhumanisme. Car le transhumanisme est en résonance avec tous les autres thèmes. Cette nouvelle idéologie scientiste, élitiste et individualiste, ne croit pas aux intelligences multiples et donc nie l’égale valeur entre tous les hommes. Elle rejette la famille et l’héritage chrétien et démocratique de l’Europe. Elle est pour la manipulation de l’ADN. Elle méprise le principe de frontière territoriale qui est une condition nécessaire pour l’organisation démocratique des peuples du monde. En contre coup, cet ultramodernisme crée des réactions autoritaires antilibérales d’ordre politique et religieux, ou les deux en même temps, comme avec les mouvements et les Etats islamistes. En ce sens, bien des mouvements progressistes font le jeu du transhumanisme. Par exemple, la PMA pour toutes, et bientôt probablement la GPA pour toutes et pour tous, est une victoire pour les transhumanistes, de même que le refus de tout contrôle migratoire aux frontières par les mouvements d’aide aux migrants.
[Émile Granville] Oui, les études anthropologiques, notamment celles d’Emmanuel Todd sur la famille, ont montré que les Bretons ne sont ni exclusivement autoritaires ni exclusivement libéraux. Les Bretons sont restés catholiques plus longtemps que le reste de l’Hexagone, voire presque deux siècles après l’émergence du libéralisme du Bassin parisien. Pour autant, aujourd’hui la sociologie bretonne est presque normalisée, même si l’on peut penser qu’en Bretagne nous sommes encore attachés aux valeurs de la famille et à la solidarité communautaire, mais les mentalités évoluent très vite. Les Bretons n’ont aucune autonomie de pensée. Nous sommes à la remorque des courants d’opinion français et quand il existe un mouvement de pensée politique autonome breton, c’est pour diffuser une certaine pensée internationaliste assez convenue. Comment élaborer une pensée bretonne autonome, non pas qu’une pensée bretonne en soi puisse avoir un sens, mais bretonne parce nous avons une histoire et des besoins spécifiques ? Je suis personnellement partant pour réfléchir à cette question. A défaut d’une réflexion autonome sur les questions sociétales d’aujourd’hui, les mouvements politiques bretons prennent le risque d’une normalisation complète de la société bretonne sur le modèle éclaté français. La chance de la Bretagne est justement d’avoir la potentialité d’un autre modèle.
[Émile Granville] Dans son livre Arrêtons d’avoir peur ! (Editions Michel Lafon, 2016), Didier Raoult pense qu’ « à long terme, l’objectif serait de concevoir un " vaccin " visant à injecter des gènes de virus dans le génome humain… » Mais, il ajoute : « est-ce que les hommes accepteront de devenir des organismes génétiquement modifiés (OGM) pour résister aux microbes ? » Pour lui, les catastrophes épidémiques du passé n’ont pas fonctionné sur le mode de la sélection naturelle : « Un virus aurait tué à chaque fois une part importante de la population en épargnant non pas les meilleurs, mais seulement quelques individus protégés par chance par l’intégration de gènes du parasite dans leur génomes et devenus résistants. » Nous sommes désormais globalement hors du cycle de la sélection naturelle décrite par Charles Darwin du fait de la médicalisation de masse des populations de notre époque moderne. Par contre, d’après ce que nous disent ces scientifiques, il a existé des virus, hors de contrôle, il y a plusieurs millénaires. Hors de contrôle parce que la science n’existait pas ou parce que ces virus étaient vraiment hors normes ? Je ne peux pas répondre à cette question. Mais la possibilité d’une nouvelle extermination de la population existe d’autant plus avec la mondialisation. Raison de plus pour soutenir la recherche et renforcer la coordination mondiale de lutte contre ce risque majeur.
[Émile Granville] La politologue allemande Ulrike Guérot est particulièrement impliquée dans la question des relations entre l’Allemagne et la France. En avril 2013, elle publie avec le romancier autrichien Robert Menasse un Manifeste pour une République européenne. Elle remet en cause les égoïsmes des Etats-nations et les inégalités de droit entre tous les habitants de l’Union européenne. Elle plaide pour une vraie citoyenneté européenne. Ses prises de positions vont donc dans le sens de ce que nous défendons en Bretagne. Mon texte ne mentionne pas ce manifeste, car mon objectif n’était pas de faire le recensement de tous les projets européens possibles. L’Europe, avec notamment le grand pays qu’est la Russie, est également beaucoup plus grande que l’Union européenne. J’ai insisté sur l’héritage chrétien, démocratique et scientifique de l’Europe, analysé le fonctionnement et les manques de l’Union européenne. Aujourd’hui, avant même d’imaginer une Union européenne constituée d’un seul Etat et de régions à caractère national, l’urgence est de s’échapper de l’enclume et du marteau. Autrement dit, d’un côté la déréglementation commerciale ultralibérale et sans Etats, et d’un autre côté le renforcement des autoritarismes étatiques. Comment trouver notre voie entre les ultralibéraux et les souverainistes-étatistes ? La solution est bien sûr une Europe souveraine en externe et respectant les nationalités en interne. Pour y arriver, il faut d’abord exister !
[Émile Granville] Ce document est très clair. Les mouvements politiques bretons devraient en avoir connaissance. La stratégie de l’Action Islamique Culturelle à l’extérieur du Monde islamique, élaborée en 2000, au Qatar, est un document de 110 pages qui explique par le détail comment envahir l'Occident. Cette stratégie est défendue par l'Organisation de la Conférence Islamique qui regroupe 57 Etats membres. Le texte est édifiant. Tout est expliqué. Comment résister à l'assimilation et profiter des valeurs occidentales pour mieux les détourner. Ce document est la feuille de route des organisations islamiques d'Europe. On peut lire notamment à propos des enfants : « L’enfant musulman reçoit une éducation laïque incompatible avec l’Islam. Nous devons donc le prémunir contre toute fusion et permettre à notre jeunesse de conserver sa spécificité dans le cadre du droit à la différence, droit qui est un élément fondamental des droits de l’homme. Notre action doit éclairer les enfants musulmans et leur baliser la voie vers l’Islam afin qu’ils échappent aux procédés méthodiques conçus pour les imprégner des valeurs occidentales ... » Les pays islamiques utilisent l'ouverture culturelle et la démocratie occidentale. Les Islamistes profitent de l'esprit de tolérance et du droit à la différence qu'ils n'appliquent pas dans leur propre pays.
Malheureusement, les mouvements politiques bretons n’en parlent pas et ne prennent pas de position ferme sur cette question. Ils laissent le champ libre au Rassemblement national en Bretagne qui prospère sur cette problématique. Une façon de franciser encore davantage le débat politique en Bretagne. Pire encore, certains contribuent, notamment avec les Verts et le PS, à répondre favorablement aux revendications islamistes. Nous pouvons citer notamment l’autorisation du burkini dans les piscines publiques de Rennes, en octobre 2018, au nom de la diversité culturelle et de la liberté des femmes. Un comble ! Il n’y a aucune raison que la Bretagne ne soit pas la cible des Islamistes. A partir du moment où les couches supérieures deviennent aussi de plus en plus cosmopolites au nom de l’ouverture et de la tolérance, on peut craindre que les Bretons et les Bretonnes se réveillent un peu tard et que ce retard ne servent à la fois aux Islamistes et aux nationalistes français qui sont les seuls à avoir intégrer réellement le danger de l’islamisation directement lié à la problématique de l’immigration. Comme en toutes choses, il faut réagir raisonnablement et justement, mais il faut surtout voir la vérité en face et intégrer dans les programmes politiques des mesures claires propres à rassurer la population bretonne et à défendre nos libertés et notre identité culturelle au sens large.