À l'occasion du 500e anniversaire de la mort d'Anne de Bretagne, nous republions cet article écrit par Bernard Le Nail sur ABP le 6 janvier 2008.
Manifestement, la vie d'Anne de Bretagne reste plus que jamais un sujet «porteur» en librairie.
Les éditions Pygmalion, filiale de Flammarion, viennent à leur tour de faire paraître la semaine dernière une biographie de celle qui fut la dernière souveraine du duché : «Anne de Bretagne, épouse de Charles VIII et de Louis XII».
Ce livre paraît dans une collection intitulée «Histoire des reines de France» dans laquelle son auteur, un certain Henri Pigaillem, a déjà publié en 2006 «Claude de France : première épouse de François Ier».
Il est probable que ce livre n'apportera rien de neuf, ni d'original sur le sujet. Les éditions Pygmalion qui publient, entre autres, beaucoup de livres d'ésotérisme, ne sont pas vraiment une référence en matière d'histoire. Quant à l'auteur, Henri Pigaillem, qui est né à Perpignan en 1958 et qui a passé son enfance à La Rochelle, puis sa jeunesse à Paris, il a déjà publié plus d'une quinzaine de livres, dont au moins trois romans et aussi, en 2004, une biographie intitulée «Le docteur Guillotin : bienfaiteur de l'humanité», tout un programme... Ce n'est pas un médiéviste et son ouvrage doit sans doute plus à la compilation qu'à l'étude des documents en archives. Il est probable que ce livre sera vite oublié.
Il n'empêche qu'il est étonnant de constater le grand nombre de livres parus sur Anne de Bretagne : une bonne cinquantaine depuis 200 ans !
Il y a de quoi énerver tous ceux que la plus célèbre et la plus populaire des Nantaises exaspère manifestement et qui dénoncent le «mythe Anne de Bretagne».
C'est le cas de Didier Le Fur qui a fait paraître en 2000 à la librairie Guénégaud à Paris «Anne de Bretagne : miroir d'une reine, historiographie d'un mythe» (223 p.).
C'est encore le cas de Dominique Le Page qui a dirigé le 25 mai 2002 à Nantes, aux Archives départementales de Loire-Atlantique une journée d'étude intitulée «Pour en finir avec Anne de Bretagne ?».
Cela a surtout été le cas de l'exposition organisée du 30 juin au 30 septembre derniers au château des ducs de Bretagne sous le titre «Anne de Bretagne, une histoire, un mythe». Cette superbe exposition réunissait une quantité impressionnante de documents et d'objets, portraits, livres d'heures, etc. en rapport avec la petite Nantaise, mais l'esprit général en était profondément négatif pour elle. Le parti-pris des organisateurs était clair : il s'agissait pour eux de «dégonfler» le mythe d'Anne de Bretagne.
Il est symptomatique que l'auteur dont la biographie d'Anne a eu le plus grand succès ces dernières années, Philippe Tourault, bien qu'habitant Nantes, ait été totalement laissé à l'écart de la préparation de cette exposition et que son livre «Anne de Bretagne», paru chez Perrin en 1990 et réédité en 1994, 1996, 2004 et 2006, ait été ostensiblement dédaigné, alors que l'auteur, conservateur du patrimoine et enseignant à l'Université Catholique de l'Ouest, à Angers, est un bon historien et que son livre sur Anne de Bretagne s'est déjà vendu à plus de 14.000 exemplaires.
Il ne s'en est cependant pas vendu un seul exemplaire au château des ducs de Bretagne pendant la durée de l'exposition parce que la consigne avait été donnée aux responsables de la librairie de ne pas l'y présenter. La plupart des visiteurs qui le demandaient s'entendaient invariablement répondre qu'il était «en commande» (réponse scandaleuse, les ouvrages de la Librairie Perrin étant disponibles sur la plate-forme du distributeur Interforum à Carquefou - jouxtant Nantes au nord - et pouvant être livrés le jour même sur simple demande des libraires)...
En revanche, on y trouvait bien en piles les livres donnant d'Anne de Bretagne une image vraiment négative, celle d'une personne assez bornée, mesquine et vindicative, comme le livre de Georges Minois, qui lui, avait été associé à la préparation de l'exposition... (1).
Aux yeux des organisateurs, le grand tort de Philippe Tourault, qui n'est pourtant pas breton, est certainement d'avoir restitué, à partir de ses recherches, une personnalité tout à fait riche et positive, ardemment attachée à son pays et à son peuple...
Il ne semble pas y avoir d'autre personnage dans l'histoire de la Bretagne qui ait suscité autant de livres.
L'un des premiers écrits qui lui ont été consacrés est paru 228 ans après sa mort : «Anne de Bretagne ou l'amour sans faiblesse», par l'abbé de Villars (1635-1673). Il a été édité à La Haye en 1742, réédité en 1752 et à nouveau en 1757, à Amsterdam. En 1764, l'abbé Simon-Augustin Irail (1717-1794) a publié à Paris une Histoire de la réunion de la Bretagne à la France en deux volumes, où l'on trouve des anecdotes sur la princesse Anne, fille de François II (texte qui a été réédité en 1976).
Après la Révolution, un certain Joseph Trébuchet a fait paraître à Nantes, en 1822, une monographie de 64 pages intitulée «Anne de Bretagne, reine de France», chez l'imprimeur Mellinet-Malassis.
À la fin du XIXe siècle, d'autres biographies apparaissent. Antoine Le Roux de Lincy publie à Paris en 1860 une «Vie de la reine Anne de Bretagne» en 4 volumes.
Un polygraphe non dénué de talent, Just-Jean-Étienne Roy fait paraître chez Mame à Tours en 1870 une «Histoire d'Anne de Bretagne», de 190 pages, qui sera rééditée en 1883. En 1882, Paul Lacroix (1806-1884) fait paraître un volume de 644 pages chez Hertrel à Paris : «Louis XII et Anne de Bretagne».
C'est au XXe siècle que les biographies de la plus fameuse des Nantaises allaient se multiplier.
En 1938, Georges Gustave Toudouze (1877-1972) faisait paraître chez Floury, à Paris, un livre de 271 pages : «Anne de Bretagne, duchesse et reine», qui devait être réédité en 1959 aux éditions André Bonne, également à Paris.
En 1940, Auguste Bailly (1878-1967) publiait aux Éditions de France, à Paris, un volume de 227 pages : «Anne de Bretagne», qui devait être réédité en 1943. Ce professeur de lettres jurassien, également connu comme critique littéraire, romancier et biographe, auteur de plus de 150 ouvrages, livrait là une première biographie de qualité.
L'année suivante, Émile Gabory (1872-1954), archiviste de la Vendée puis de la Loire-Inférieure, faisait également paraître, chez Plon à Paris, une biographie de 286 pages, solidement documentée : «Anne de Bretagne, duchesse et reine : l'union de la Bretagne à la France».
Il n'est pas inintéressant de signaler aussi la parution d'une brochure de 43 pages en allemand en 1940 chez Niemeyer à Halle : «Vom Fräulein aus Britannia : Anna von der Bretagne in deutschen Lied» (À propos de la demoiselle de Bretagne : Anne de Bretagne dans la chanson allemande). Même si l'intérêt porté à Anne de Bretagne de l'autre côté du Rhin à un tel moment avait de quoi être suspect, ce document était intéressant car il donnait les textes de chansons populaires composées dans l'Empire germanique à la fin du XVe siècle, se faisant l'écho du mariage (par procuration) d'Anne avec Maximilien et de l'incompréhension suscitée ensuite par son mariage avec Charles VIII...
Il y a eu ensuite, en 1976, à la veille du demi-millénaire de sa naissance, une «Anne de Bretagne» de 270 pages par le Nantais Hervé Le Boterf (1921-2000) aux éditions France-Empire à Paris, et une «Anne de Bretagne» en 56 pages par Michel de Mauny, aux éditions Kanvedenn, à Rennes, puis, en 1977, un album «Anne de Bretagne en bandes dessinées» par Ronan et Jorda Caerleon (Caouissin) et leur fils Hoël.
En 1980, l'inévitable Jean Markale (de son vrai nom Jacques Bertrand) faisait paraître une «Anne de Bretagne» de 264 pages chez Hachette, à Paris.
En 1990, Philippe Tourault publiait chez Perrin, à Paris, «Anne de Bretagne» (323 p.).
En 1991, Geneviève-Morgane Tanguy faisait paraître «Les Jardins secrets d'Anne de Bretagne» (346 pages) aux éditions Lanore à Paris.
En 1992, Marie-France Barrier publiait à Nantes une biographie très originale de 463 pages aux Éditions de la duchesse Anne : «L'Hermine de lumière», qui allait être rééditée en 1998.
Cette même année, Louis-François Dupont faisait paraître à Amboise «Le lys et la cordelière» (168 pages).
Puis, en 1999, Georges Minois faisait paraître lui aussi une «Anne de Bretagne» chez Fayard (570 p.).
On peut signaler aussi l'étude très poussée publiée en 1997 par un Breton érudit de Dunkerque, François Herry : «Anne de Bretagne et la Flandre» (Steenvoorde, Houtland, 204 p.).
L'intérêt des éditeurs et du public pour Anne de Bretagne n'a pas faibli depuis que nous sommes entrés dans le XXIe siècle.
Didier Le Fur a publié chez Guénégaud en 2000 «Anne de Bretagne : miroir d'une reine, historiographie d'un mythe» (223 p.).
Les éditions Astoure de Fréhel ont publié en 2001 «Anne de Bretagne» de Paul Ladouce (135 p.).
Geneviève-Morgane Tanguy a fait paraître en 2003 chez Ouest-France à Rennes "Sur les pas d'Anne de Bretagne" (126 p.).
En 2005, Jacqueline Favreau a publié aux éditions Delioù une biographie de 136 pages en breton : «Anna Vreizh», en même temps qu'une version en français : «Anne de Bretagne», tandis que les éditions Coop Breizh, de Spézet, faisaient paraître un nouvel album en bande dessinée : «Anne de Bretagne» par Étienne Gasche, Dominique Robet et Jean-Marie Michaud.
En 2006, la librairie parisienne La Voûte, spécialisée dans le domaine de la généalogie a aussi publié «Les ancêtres d'Anne de Bretagne» (139 p.).
En 2007, il y a eu aussi le catalogue de l'exposition de Nantes publié par Somogy à Paris : «Anne de Bretagne : une histoire, un mythe» (206 p.).
Il est probable que d'autres auteurs ont aujourd'hui en chantier ou en projet d'autres futurs livres sur Anne de Bretagne. La liste des romans parus depuis deux siècles dans lesquels apparaît Anne de Bretagne, est au moins aussi longue.
Si l'on ajoute à ces titres les livres consacrés au père d'Anne de Bretagne, le duc François II, à ses filles Claude et Renée, à des proches comme Jean Meschinot, Yves Mahyeuc et bien d'autres, et également au Tro Breizh de 1505, à la vie artistique, musicale, littéraire, économique et spirituelle au temps d'Anne de Bretagne, il y a la matière d'un fonds spécialisé très riche dans les principales bibliothèques de Bretagne...
En 2014, c'est à dire dans seulement 6 ans, on célébrera le demi-millénaire de la mort d'Anne de Bretagne. N'en déplaise à ceux qui prétendent depuis quelques années détruire le prétendu «mythe» d'Anne de Bretagne, on n'a sûrement pas fini de parler d'elle...
Bernard Le Nail
(1) Droit de réponse de Georges Minois publié dans l'article de 2008 ( voir notre article ) :
Les éditions Fayard viennent de me faire parvenir le texte diffusé le 07/01/08 00:14 par ABP à propos des publications sur Anne de Bretagne. Je suis Georges Minois, auteur en 1999 d'une biographie d'Anne de Bretagne, et le texte de l'ABP déclare que j'ai été associé la préparation de l'exposition Anne de B. au château de Nantes, ce qui est complètement faux. On ne m'a jamais consulté à propos de cette exposition. Je vous serais reconnaissant de ne pas dire n'importe quoi. Pour ce qui est du contenu de mon livre, je me suis contenté de faire preuve de rigueur historique, mais chacun est libre d'en penser tout le mal qu'il veut.
Georges Minois
La rédaction d'ABP ajoute ici :
Dire qu'il a été un grand amoureux de la Bretagne n'est rien et est même bien fade au regard de ce qu'il lui a apporté par ses connaissances et ses recherches... Certains on dit qu'il en avait une connaisssance encyclopédique.
Bernard Le Nail, qui a toujours été un grand passionné défenseur de la culture bretonne, découvreur et diffuseur de richesses insoupçonnées car enfouies dans des bibliothèques étrangères, a passé sa trop courte vie (1946-2010) à les mettre en valeur.
Il passait une bonne partie de ses vacances dans les bibliothèques étrangères à la recherche de fonds bretons.
Il a dit que la bibliothèque du Congrès à Washington est une des plus grande bibliothèques bretonnes du monde !
Il a aussi écumé, non pas les mers, mais les côtes.
N'a-t-il pas découvert le magnifique trois-mâts breton, redevenu le Belem en état pitoyable dans une vasière en Italie ? Ce navire nantais a été sauvé grâce à lui, à ses multiples démarches, mais il ne s'en vanta jamais. C'est par hasard qu'il en fit un jour la confidence en privé. On peut le dire maintenant.
Il a aussi découvert à l'occasion d'un voyage en Finlande en été 2007 le Suomen Joutsen, ancien Laennec, plus que centenaire construit à Saint-Nazaire en 1902 devenu navire-musée à Turku.
" C'est le plus beau navire construit sur l'Estuaire de la Loire encore à flot. Il est bien plus gros que le Belem - construit à Nantes en 1896 - et il est magnifiquement entretenu ", précisa-t-il.
Bernard Le Nail, qui aurait mérité 100 fois de recevoir le Collier de l'Hermine, a toujours refusé cet honneur, non pas par fausse modestie, mais parce que d'une part les honneurs le gênaient, et surtout parce qu'il préférait laisser sa place à d'autres qui le méritaient aussi, disait-il quand on le pressait sur ce point...