En Bretagne, ce n'est pas le Parti socialiste qui l'a emporté lors de ces dernières régionales, mais Le Drian, qui bénéficie d'une cote, à bien des égards justifiée, quoique à notre point de vue, il n'en fit pas assez, en matière de régionalisation et de réunification, en se contentant trop souvent de dire, « la balle est dans le camp du gouvernement » (1), au lieu de s'en saisir et de dribbler. Vous aurez peut être remarqué que dans sa profession de foi (Régionales), le souhait de réunification n'apparaissait qu'au verso et tout à la fin de son programme, autant dire que ce ne sera pas sa priorité !
Avec 6,71%, le score de Troadec a déçu, quoique ayant bien progressé par rapport à 2010 (4,29). Mais un score supérieur à 8% était peu probable, pour plusieurs raisons. Le FN et Olb (Oui la Bretagne) captent une part importante du vote protestataire. Mais par son audience nationale et en raison de l'actualité, chômage, émigration, etc, le FN prend des voix à Olb qui, en d'autres circonstances, pourraient lui rester. Ensuite, Olb réussit beaucoup mieux en milieu rural qu'en ville et dans la sphère d'influence de Carhaix. Or, les villes pèsent d'un poids plus important. Par exemple, au Tréhou (29), Olb dépasse le FN (16,53/15,25) mais à Brest c'est l'inverse (6,17/16,11) et cependant, 6,17 contre 2,87 en 2010 (4) à Brest, c'est très honorable et prometteur ! Olb surpasse souvent le FN dans la zone d'influence de Carhaix (50 km).
Le risque est que ce danger que représente le FN pour Olb perdure, car, habilement, Mme Le Pen continuera à rendre son parti de plus en plus respectable et modulera certainement son discours anti-euro et anti-européen dans les mois qui viennent. Les partisans de Mr Troadec sont sans doute assez indifférents à son positionnement idéologique, ils font confiance à l'homme, tout comme autrefois les paysans trégorrois faisaient confiance à Tanguy Prigent, sans lui faire grief de son militantisme parfois exacerbé (Sfio puis Psu …) et de son opposition radicale au Gaullisme. Cette base de confiance rassure mais elle peut endormir … et ne garantit pas la conquête de nouveaux électeurs.
Avec un score de 18,17% en Bretagne, le FN continue sa percée. L'incapacité des socialistes et de Hollande à réformer la France, les discours béats sur l’Europe, un mode de scrutin, parfois antidémocratique, car sans la moindre dose de proportionnelle (2), aux départementales notamment, la diabolisation inepte d'un parti autorisé, ni plus ni moins dangereux que le PC ou le Front de gauche, tout cela étant pain béni pour Marine le Pen.
Pour contrer le FN, la voie est étroite mais praticable. Cesser les procès en sorcellerie mais parler des problèmes concrets, ne pas exacerber les clivages partisans, bien faire comprendre aux Bretons que l'autonomie est la réponse face au centralisme et doit l'être face au chômage. N'éviter aucun sujet sur le prétexte lâche et futile que d'autres s'en sont emparés … et avec la promotion de notre identité, voilà de quoi révéler les faiblesses du FN.
Imaginons maintenant les chances d'une candidature régionaliste aux Présidentielles de 2017. Le risque principal est de jouer d'emblée « petit braquet » et d'apparaître, face à des poids lourds politiques et devant les grandes préoccupations des Français (chômage, émigration, etc), comme le syndicat de défense des régions périphériques à forte identité ; si nous épiçons la prestation d'une magnifique floraison de drapeaux assortis des belles vocalises de nos chants nationaux, avec quelques pincées de revendications indépendantistes, poings tendus, le résultat sera, je le crains tout en le comprenant, un échec lamentable. Être inhabile en politique, n'est pas une qualité. Notre horizon à nous, Bretons, n'est ni la Corse ni Andorre mais les attributions d'un Land allemand ou du pays de Galles … Il est déjà difficile de convaincre nos compatriotes bretons, alors…
D'emblée, l'idée régionaliste doit prendre de la hauteur et s’intégrer dans un projet ambitieux et global de réforme des institutions en vue de créer une France fédérale dans une Europe fédérale. Par ailleurs, confondre projets d'autonomie et projets d'indépendance aura des conséquences dramatiques sur l'audience du projet autonomiste et pourrait en ruiner la crédibilité. Car l'autonomie n'est pas une étape vers l'indépendance, mais un projet profondément différent.
Quels sont les scénarios possibles :
1. Candidature axée uniquement sur les problématiques régionales avec le concours des régions à forte identité (Bretagne, Corse, Alsace, etc), des représentants du monde artistique, et de quelques figures emblématiques de peuples minoritaires, résultat 3% !
2. Candidature proposant une réforme des institutions basée sur le fédéralisme, avec des réponses concernant les autres enjeux importants de la présidentielle, résultat 6%
3. Projet identique mais porté par une personnalité d'envergure nationale sensible à ces problématiques régionalistes, Bayrou par exemple (3). Certes Bayrou ne serait pas crédible comme président réformateur mais il l'est comme candidat et pourrait obtenir un score honorable, plus de 10%, et ainsi faire valoir nos revendications pour le second tour.
4. Enfin, plutôt que d'obtenir un score dérisoire et contre productif dans le cas 1, faible dans le cas 2, et en cas d' impossibilité du scénario 3, mieux vaudrait faire du lobbying auprès d'un candidat « régio-compatible » en position d'être élu. Sauf incident de parcours, Juppé (5) sera au second tour face à Marine Le Pen et l'emportera sans doute ; il faudrait donc approcher Juppé qui, la sagesse venant, peut être sensible à l’argumentaire fédéraliste et l’intégrer à son programme. Résultat 53% !
Faites vos jeux !
Notes
1. Déclaration de Le Drian (voir le site)
2. Cantonales 2011 (Oise) : (voir le site)
3. Déclaration de Bayrou : (voir le site)
4. Régionales à Brest : (voir le site)
5. Déclaration de Juppé à Châteaulin : "Je proposerai aux élus de la stabilité, de la mutualisation. Cette réforme territoriale a amputé la Bretagne d'un de ses cinq départements", (voir le site)