Ce mercredi 6 janvier 2021 restera dans l’Histoire. Une foule bigarrée et menaçante a soudain accaparé les caméras des télés du monde entier après avoir été haranguée par Donald Trump qui lui avait demandé de marcher sur le Capitole à Washington, haut-lieu de la démocratie américaine, alors que le Congrès était en train de proclamer la victoire de son rival Joe Biden aux élections présidentielles.
Que cet assaut d’apparence désordonnée, aux allures de carnaval plus que de défilé martial, ait réussi à bousculer la sécurité policière et les barrières dressées autour d’un des lieux les plus gardés d’Amérique est déjà stupéfiant ! Que les leaders de l’émeute aient poussé leur avancée jusqu’à semer la terreur dans les travées où siégeaient les élus du Congrès, paradant dans le bureau de la Présidente de la Chambre des Représentants, arpentant ces lieux historiques en y bafouant la démocratie et ses représentants légitimes, est tout bonnement incroyable.
De telles images dans une des nombreuses séries télévisées diffusées par Netflix ou ses homologues auraient déclenché l’incrédulité face à une aussi incroyable fiction. Mais ce n’était pas une fiction, loin de là, avec quatre morts à la clef, et un des plus retentissants scandales politiques du siècle. La crédibilité de la démocratie américaine en est atteinte.
Au fond, le problème n°1 n’est pas que le pantin Donald Trump ait perdu tout sens commun. Un tel accident psychiatrique peut arriver, et l’anticiper, ou l’enrayer si l’on s’en rend compte trop tard, est prévu normalement par les textes constitutionnels.
Le problème essentiel est que l’application de ces textes est restée impossible face au constat d’une approbation par la moitié du peuple américain des excentricités de son Président « Twitter » qui a voulu gouverner à coup de sentences expéditives la marche d’un monde forcément complexe.
Cette démarche populiste extrême que Donald Trump incarne depuis le début de son mandat a fait des émules ailleurs dans le monde avec des Présidents élus tels Joao Bolsonaro au Brésil ou Rodrigo Duterte aux Philippines, ou avec des figures montantes comme Matteo Salvini en Italie. Elle a pesé sur le Brexit par son chantre Nigel Farage qui a déteint dangereusement sur Boris Johnson ; elle fascine les dirigeants de l’extrême droite française qui ont fait le pèlerinage de New York pour y proclamer leur admiration de Donald Trump alors que débutait une campagne électorale qui, le pensaient-ils, allait conduire à sa réélection pour un second mandat cette fois totalement débridé. Fort heureusement, il en a été différemment, mais cela a été de justesse !
Dans une semaine Joe Biden sera aux commandes des USA, et cette anarchie de la fin de mandat de Donald Trump restera comme un baroud d’honneur. Mais qu’il ait pu aller aussi loin dans son accomplissement ne doit pas rester sans analyse, et sans conséquence.
La fragilité des dispositifs de sécurité face à la foule menaçante en dit beaucoup des hésitations d’un corps de fonctionnaires dont de très nombreux membres étaient probablement en phase idéologique avec les plus illuminés des manifestants.
Le sentiment d’être investis par une légitimité populaire face au « système » de la part des manifestants lambda partisans de Trump témoigne de la prégnance d’une l’idéologie populiste qui fait tourner les têtes au rythme d’internet. L’infiltration de nébuleuses fascisantes et complotistes parmi ces « américains moyens » déboussolés explique sans doute la redoutable efficacité insurrectionnelle de ceux qui ont envahi le Capitole. Tant que la moitié des Américains, et donc une nette majorité des « petits Blancs » du pays, continueront à écouter les sornettes du premier Trump venu, il y aura danger pour la démocratie.
N’oublions pas que nous traversons une crise économique mondiale qui est en train de s’inscrire dans la durée par vagues successives. La première vague a inquiété le monde, la seconde l’ébranle, et le rythme trop lent de la vaccination n’empêchera pas de nouveaux soubresauts qui peuvent conduire à des situations économiques graves, très difficiles à redresser, et qui généreront nombre de chômeurs et d’exclus. Dans ce terreau, le populisme pourrait alors se développer à vitesse rapide.
Même sans Trump l’avenir reste incertain.
Ce communiqué est paru sur Le blog de François Alfonsi