Jusqu'au 29 avril 2012, se tiendra au musée des Armées aux Invalides une exposition consacrée aux relations militaires entre la France et l'Irlande ; elle se trouve dans le couloir de Perpignan, au fond de la cour d'honneur près de l'église du Dôme.
Son Excellence Paul Kavanagh, ambassadeur d'Irlande en France, était présent lors de l'inauguration de l'exposition le 11 février 2012. Cette exposition a été réalisée à l'initiative de deux députés, Yves DENIAUD député de l'Orne (1e circonscription – sud du département et Alençon) et Franck GILARD, énergique député de la 5e circonscription de l'Eure ; le premier préside le groupe d'Amitié France-Irlande à l'Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr/qui/xml/organe.asp?id_organe=/13/tribun/xml/xml/organes/393060.xml et l'autre en est un des vice-présidents. Tous deux, interrogés par l'Agence Bretagne Presse, ont avoué avoir dû « remuer ciel et terre » contre la « lenteur » de l'administration, l'organisation de l'exposition ayant pris trois ans, délai somme toute habituel en France.
Trois ans pour 18 panneaux en format A0, à raison de neuf par côté de couloir ; panneaux d'une grande richesse de contenus, et portant de nombreuses images, cartes, plans, qui viennent agrémenter l'exposition d'une documentation recueillie aux quatre coins du monde. L'organisation de l'événement a été confiée à Marion Duplaix.
L'exposition se centre sur les relations franco-irlandaises à partir du XVIIe siècle et au renversement des Stuart et du roi catholique Jacques II d'Angleterre. Réfugié en France, il va bénéficier de l'appui militaire du roi Louis XIV et retourne en Irlande, bastion catholique, où il tente de recouvrer son pouvoir. Cette tentative est arrêtée aux batailles de la Boyne (12 juillet 1690) et Aughrim l'année suivante ; le traité de Limerick le 3 octobre 1691 prévoit la tolérance religieuse en Irlande mais aussi l'exil de 15.000 jacobites dont la France devient la terre d'accueil. Ces exilés irlandais surnommés les Wild Geese forment une brigade irlandaise et combattent au côté des armées de France en Flandres et ailleurs. C'est le début d'un attachement militaire des exilés irlandais à la France qui se manifeste lors de la bataille de Fontenoy (1745), mais aussi sous la Révolution ou encore en 1870-71 lorsqu'une Ambulance irlandaise est formée et que les Irlandais combattent les Prussiens près de Belfort et de Besançon.
Cette solidarité est mise à mal par la montée en puissance du nationalisme irlandais au début du XXe siècle. L'armée britannique peine en effet à recruter : mais 49.000 Irlandais sont tombés pour la défense de la terre française. C'est peut-être à ce tribut sanglant que l'Irlande doit le choix de la neutralité dès son indépendance, proclamée le 6 décembre 1922. Mais pendant la 2e guerre mondiale, des centaines de milliers d'Irlandais s'engagent dans les usines anglaises ou partent soutenir la Résistance, puis l'avancée des Alliés, en France. L'exposition rend hommage aux Irlandais de la Résistance, notamment Samuel Beckett qui rejoint le réseau de renseignement Gloria SMH en 1940, puis les FFI du Roussillon où il se réfugie en 1942.
L'exposition s'achève sur le rappel des opérations conjointes des forces armées françaises et irlandaises au sein des forces de maintien de la paix, notamment au Liban, en Bosnie ou au Kosovo. L'inauguration fut suivie des discours des députés organisateurs, de l'ambassadeur, du directeur du musée des armées, tous ponctués de rappels plus ou moins ironiques du match de rugby France-Irlande qui en ce jour de froidure a finalement été reporté.
Si l'initiative de l'exposition est fort louable, l'on regrettera seulement que le rôle de la Bretagne dans ces relations franco-irlandaises soit complètement occulté, et ceci est d'autant plus dommageable que ces relations ont commencé bien avant que n'apparaisse la France (par exemple avec l'évangélisation celtique et colombanienne ( voir notre article )). Il est certain aussi que la Bretagne, par ses relations historiques ambiguës à la fois avec l'Angleterre et la France, par son identité celtique et sa foi catholique profondément ancrée, a été une terre d'accueil pour les Irlandais et un point d'appui pour les exilés. Parmi ceux-ci, les Irlandais de Nantes : beaucoup de négociants, et des prêtres http://fr.wikipedia.org/wiki/Irlandais_de_Nantes Nantes accueillit un séminaire des Irlandais, d'abord en l'hostellerie du Chapeau Rouge avant 1694 (ironie du sort : elle fut un siècle plus tôt, en 1561, le lieu de la première assemblée protestante de la ville), puis au manoir de la Touche où les Irlandais restèrent jusqu'en avril 1793. Protégés longtemps par leur nationalité, ils assurèrent les dernières messes officielles en pleine Terreur à Nantes, dans des églises déjà fermées à partir de 1791 ou 1792. http://lafrancedesclochers.xooit.com/t32-Nantes-44000-a-443000.htm. Leur chapelle fut détruite en 1866, mais le portail et le bénitier ont été remontés sur le manoir, qui est devenu à partir de 1894 le musée Dobrée. Prêtres qui furent les porte-étendards de la colonisation française et catholique à Terre Neuve, Saint-Domingue ou à l'Isle Bourbon, là où s'installèrent dans leur sillage des centaines de Bretons.
Il est vrai que la proximité des relations entre Bretagne et Irlande renvoie la France à ses limites, notamment historiques, et aussi à des périodes historiques souvent classifiées comme pénibles ou polémiques afin d'éviter toute remise en cause de la doxa établie une fois pour toutes sur ces événements. Comment exposer sereinement, à Paris, les relations britto-irlandaises durant la Deuxième Guerre Mondiale, ou encore l'entraide mutuelle des Bretons et des Irlandais à leurs mouvements indépendantistes respectifs ? Mais ce qui semble impossible à Paris peut ne pas l'être à Nantes, Tréguier ou Quimper. Après le Japon en 2012 http://www.bretagne-japon2012.fr, l'Irlande et les pays celtiques sur l'ensemble du territoire breton en 2013 ?