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Le fort de Charlemont. Le 19RI aurait dû y être cantonné. Dur à prendre avec des chars.On voit bien sur cette photo que les berges de la Meuse en contrebas sont indéfendables.
- Reportage -
Le sacrifice oublié du 19e RI à Givet en mai 1940
Le 19e Régiment d’Infanterie (RI), basé à Brest, a joué un rôle crucial dans la bataille de Givet les 13 et 14 mai 1940, en tentant de contenir l’avancée allemande sur la Meuse. Malgré un rapport de forces défavorable et un manque cruel de moyens, les soldats bretons et vendéens du régiment se sont battus jusqu’au dernier homme, illustrant un courage exemplaire qui mérite un véritable devoir de mémoire.
Par Philippe Argouarch pour ABP le 4/09/13 20:21
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Le Chef de bataillon Kléber Argouarc'h à Mulhouse en 1935 (photo : collection privée de Philippe Argouarch)

Le 19e RI, qui avait déjà payé un lourd tribut durant la Première Guerre mondiale, avait été dissous en 1920 avant d’être reconstitué en 1939. À l’origine composé uniquement de Bretons, il avait été renforcé  par des Vendéens, la Vendée faisant alors partie de la XIe région militaire (Finistère, Morbihan, Loire-Inférieure et Vendée).

Au début du mois de mai 1940, le régiment est envoyé sur la Meuse, au-delà de la ligne Maginot, dans une zone dépourvue de toute infrastructure défensive. Le 10 mai, il traverse la frontière belge et s’installe sur un front de sept kilomètres, de Bac-du-Prince (au nord de Givet) à la boucle de Waulsort en Belgique.

Le 19e RI est alors sous le commandement du Colonel Édouard-Marie Léon Brétillot, un Breton de Landerneau. Le dispositif est réparti comme suit :

Une défense désespérée face à la Wehrmacht

Le 13 mai, une division d’infanterie allemande arrive sur la rive droite de la Meuse, en face du 19e RI. La bataille s’engage immédiatement, dans des conditions défavorables pour les Français :

Un terrain désavantageux : La rive gauche, occupée par les Français, est plus basse que la rive droite où sont positionnés les Allemands, leur offrant une position dominante.

Aucune fortification : La Belgique, neutre, n’avait pas prévu de ligne de défense, et les soldats français ne disposent ni d’abris, ni de tranchées, ni de barbelés.

Un arsenal insuffisant : Les seuls canons disponibles sont des 155 mm positionnés dans l’ancien fort de Charlemont, mais il n’y a qu’une douzaine d’obus par pièce.

Face à ces difficultés, le général Hassler, commandant la 22e division, décrira plus tard cette situation accablante :"Les hommes ne trouvent aucun abri, aucune tranchée, aucun barbelé, aucune installation de tir, aucun dépôt de munitions : rien, le néant." (Bulletin du 19e RI, 1959).

Un combat inégal mais héroïque

Le 14 mai au matin, l’aviation allemande bombarde le fort de Charlemont, détruisant trois des six batteries de 155 mm. Malgré cela, les soldats du 19e RI parviennent à ralentir la traversée de la Meuse, en mitraillant les canots pneumatiques ennemis. Mais peu à peu, leurs munitions s’épuisent.

Le commandant Kléber Argouarc’h, posté à Bac-du-Prince, tente désespérément d’obtenir du renfort depuis le fort de Charlemont. En vain. La garnison a reçu l’ordre de saboter ses dernières pièces d’artillerie et d’évacuer. Les Allemands s’emparent du fort et la garnison française est faite prisonnière.

Sous les bombardements et l’assaut des troupes allemandes, le 19e RI est anéanti. Seulement 300 survivants réussissent à s’échapper en direction de Philippeville. Le drapeau du régiment est brûlé quelques jours plus tard pour éviter qu’il ne tombe entre les mains de l’ennemi.

Un massacre oublié

Les pertes françaises sont terribles. Environ 1200 soldats et officiers du 19e RI sont tués, blessés ou capturés en seulement deux jours.

Parmi les officiers tombés au combat figurent :

Un des rares survivants du 19e RI est le chef de bataillon Kléber Argouarc’h, blessé et capturé par l’ennemi. Il était aussi le grand-père de l’auteur de cet article.

Le général Hassler rendra hommage à ces hommes dans le Bulletin du 19e RI (1959) :"La glorieuse attitude de nos hommes est inscrite sur le terrain par leurs tombes. Ils luttèrent sans esprit de recul [...] Ce sont des Bretons et des Vendéens, et si leurs aînés ont fait leurs preuves en 14-18, les jeunes de 1940 ne leur ont pas été inférieurs, en particulier devant Bac-du-Prince où la lutte prit des proportions inouïes."

Un devoir de mémoire

Le sacrifice du 19e RI à Givet en mai 1940 reste aujourd’hui méconnu, éclipsé par la déroute générale de l’armée française et l’effondrement du front face à la Blitzkrieg allemande. Pourtant, ces hommes ont combattu avec courage et ténacité, malgré une situation désespérée et un manque criant de moyens.

Leur mémoire mérite d’être honorée, non seulement par l’histoire militaire, mais aussi dans la mémoire collective bretonne et vendéenne. Ces soldats, souvent jeunes, n’ont pas reculé, alors même que tout semblait perdu.

Avec cet article, nous souhaitons rappeler leur sacrifice, afin qu’il ne tombe pas dans l’oubli.

Sources :

📚 Claude Gounelle, "SEDAN 1940", Presse de la Cité.
📚 Jean-Yves Mary, "Le corridor des Panzers", t. I, Bayeux, Heimdal, 2009.
📚 Bulletin du 19e RI, 1959.
📚 Archives de la famille Argouarc’h.

Mis à jour le 07/09/2016 – Modifié le 17 mars 2018.
Remis en ligne le 4 février 2025 après suppression par un hacker malicieux.

Document PDF Bulletin de l'amicale du 19 RI (1959). Source :
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logo Philippe Argouarch est un reporter multi-média ABP pour la Cornouaille. Il a lancé ABP en octobre 2003. Auparavant, il a été le webmaster de l'International Herald Tribune à Paris et avant ça, un des trois webmasters de la Wells Fargo Bank à San Francisco. Il a aussi travaillé dans des start-up et dans un laboratoire de recherche de l'université de Stanford.
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