Le comte de Sanois Une vie bouleversée par l'affaire de la lettre de cachet
par Hélène-Claire Richard et André Caroff
En 1785, Jean-François Geffrard de la Motte, comte de Sanois, est interné à Charenton en vertu d'une lettre de cachet demandée par sa famille. Personnage remuant, ancien officier, gentilhomme breton féru de noblesse et de tradition, le comte de Sanois est aussi un disciple de Jean-Jacques Rousseau qu'il a rencontré. Il va lutter contre l'injustice dont il est victime.
Sitôt libéré au bout de neuf mois, il engage une procédure. L'avocat Lacretelle dénonce l'usage fait de la lettre de cachet. On s'arrache son mémoire. L'opinion publique s'enflamme contre le " despotisme ministériel ". Sa position ainsi renforcée, Sanois peut négocier une transaction avec son épouse. Il a 63 ans, il est célèbre.
Après un bref exil en Suisse, il est de retour en France pour les États généraux de 1789. Seigneur de Pantin, il fait imprimer le cahier de doléances de la paroisse. Favorable à la monarchie constitutionnelle, véritable activiste de la plume, il propose sans répit plans et réformes. Mais bientôt il s'élève contre les nouvelles tyrannies. Emprisonné à nouveau, à Rouen, puis à Paris, il échappe de peu à la guillotine. C'est dans la misère qu'il s'éteint à Paris en 1799. C'est en travaillant à l'histoire de Pantin que les auteurs ont découvert la vie passionnante de ce Breton qui fut son dernier seigneur. Jean-François Geffrard de la Motte était né en 1723 au Val d'Izé, près de Vitré, et il était entré en 1745 dans le prestigieux régiment des Gardes Françaises. Pour son baptême du feu, il avait participé cette année-là à la bataille de Fontenoy, sous les ordres du maréchal de Saxe.Il avait quitté le service en 1761 peu après son mariage et s'était retiré sur ses terres, mais sa femme, fille unique d'un riche conseiller au Parlement de Paris, acceptait difficilement de s'enterrer à la campagne. En dépit de quelques héritags qui lui assuraient une relative aisance, le couple allait s'endetter, ce qui devait provoquer de nombreuses scènes de ménage et déboucher sur un drame public. En 1785, perclus d'infirmités et désespéré par sa situation financière; Geffrard de la Motte décida de s'enfuir à Lausanne. Persuadée à tort qu'il avait emporté leur fortune, son épouse sollicita une lettre de cachet auprès du lieutenant de police Jean-Pierre Lenoir qui lança un inspecteur à ses trousses. C'est ainsi que le malheureux gentilhomme breton allait être ramené et enfermé à Charenton, bien qu'il n'ait jamais cessé de clamer son innocence.
ABP/BLN