Dans quelques jours se tiendra dans les locaux du Conseil régional de Bretagne un colloque sur l’avenir des langues minoritaires, dont certaines sont en grave danger, comme les nôtres !
Nous avons toujours besoin de penser globalement ce problème récurrent et d’échanger avec ceux qui, ailleurs, prennent en charge la défense des langues minoritaires, comme avec les plus grands spécialistes de ces questions.
Je m’interroge simplement sur la manière de penser la co-organisation d’un tel colloque par le Conseil régional de Bretagne alors même que cette collectivité est la principale responsable de l’indigence des politiques mises en œuvre au soutien de nos langues, et ce depuis des années.
Quel crédit peut avoir la Région, alors même qu’elle ne dépense pas 1% de son budget à la politique linguistique et qu’entre 3 et 5 % de nos enfants seulement bénéficient d’un enseignement en classe bilingue, contre plus de 50% désormais pour les jeunes Basques du nord ? Les derniers chiffres présentés avantageusement lors de cette dernière rentrée scolaire, traduisent, à nouveau, une situation alarmante.
Le bilan est indéfendable lorsque l’on sait que la même majorité politique gouverne la région depuis quinze ans. Combien de siècles nous faudra-t-il pour rattraper nos amis basques, corses, alsaciens et combien de générations sacrifiées ?
Il y a une spécificité bretonne dans l’échec en cette matière et il serait temps de l’affronter pour rectifier le tir.
La sagesse ne commanderait-elle pas d’agir d’abord en Bretagne, eu égard à l’importance capitale de cette question pour nous Bretons, avant que de communiquer via l’organisation d’un colloque sur les bienfaits de nos langues et la manière de les sauver ?
Je le dis, sans nier l’investissement de ceux qui se sont impliqués dans l’organisation de ce colloque, car nous savons que, trop souvent, la parole tient lieu d’acte. Il suffit de communiquer, de claironner au grand public, pour faire oublier que l’on agit peu, pas du tout ou très mal.
C’est une tendance lourde de nos sociétés.
A la question, comment sauver nos langues, qui doit être l’essence de ce colloque, j’ai une réponse qui me semble être de bons sens :
Mettre en place une vraie politique linguistique avec comme objectif clair et assumé la généralisation de l’enseignement bilingue à l’ensemble de nos enfants !
Multiplier par dix le budget actuel consacré à ces questions soit 70 millions d’euro au lieu de 7 millions. Nous n’avons pas assez d’argent ? Il est permis d’emprunter sur une question aussi importante. Les efforts budgétaires imposés aux Bretons depuis quelques années n’ont d’autre effet que de permettre à Paris de dépenser plus.
Créer au sein de chaque université bretonne une licence d’enseignement bi et tri lingue et intensifier le soutien financier aux futurs enseignants pour rendre ce métier réellement attractif. Les étudiants seront nombreux à y aller s’ils sentent une réelle volonté de progrès.
Introduire l’anglais au plus tôt dans le cadre de l’enseignement bilingue pour répondre à la demande légitime des parents et éviter que le développement de l’enseignement bilingue francais /anglais ne vienne à terme réduire à peau de chagrin l’enseignement de nos langues.
Et si une politique aussi ambitieuse ne pouvait être mise en œuvre, en raison de blocages institutionnels, mettre en place un rapport de force politique avec l’Etat français. L’argument consistant à se défausser sur l’Etat n’est plus recevable. Nos élus du Conseil régional ont une obligation de résultat en la matière.
Et après seulement, claironner, communiquer, chanter même, si le cœur leur en dit, les bienfaits du multilinguisme et réfléchir à la situation globale, voire même à celle des langues minoritaires au Bantoustan.
Si pour les autres langues minoritaires, un pouvoir breton ne peut faire grand-chose, il n’en va pas de même pour nos langues dont la sauvegarde doit devenir la priorité politique de la Région. On en est très loin.
Et si j’osais ? J’interpellerais de la manière la plus solennelle ceux qui, au Conseil régional, n’ont d’autre rôle que de donner « une couleur régionaliste » à un pouvoir local qui a renoncé à la Bretagne.
Je connais leur engagement et leur sincérité au service de la Bretagne. On ne saurait en douter. Simplement, je leur dirais qu’il n’est plus possible aujourd’hui de donner une caution bretonne à des gens qui n’en ont rien à faire de nos histoires et ne songent qu’à se maintenir au pouvoir car il en va de leur métier. D’ailleurs, ils ne voient même pas le problème. Ils vivent dans un monde « parisianisé » où la Bretagne est secondaire.
Je leur demanderais d’exiger que la sauvegarde de nos langues devienne la priorité politique du pouvoir, que ce pouvoir régional s’engage à la traduire dans les actes, et à défaut qu’ils démissionnent avec fracas. Pour une raison simple. Il est des moments où l’engagement devient compromission, lorsque celui avec qui on s’engage a renoncé à ce qui nous tient le plus à cœur. Et cessons de tromper les Bretons en leur faisant croire que tout va pour le mieux, que nous allons sauver nos langues…
Mesdames, Messieurs les conseillers régionaux, démissionnez s’il le faut ! Trop souvent dans l’histoire, nous avons été les complices de notre asservissement. Mettons un terme à ces pratiques.
Et si nos quelques « régionalistes » de la Région agissaient de la sorte, je mets ma main à couper que le président de la Région en tirerait toutes les conséquences et mettrait un terme à l’indigence.
Plus que jamais, le système actuel, que nous dénonçons, ne repose que sur notre compromission.
Yvon Ollivier
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