La nouvelle est passée largement inaperçue en Bretagne, il y a près de six mois : le 28 juin 2007, le premier maire d'origine africaine a été élu en République d'Irlande.
Rotimi Adebari, né en 1964 à Okeodan, dans l'État d'Ogun, au Nigeria, le pays le plus peuplé d'Afrique (200 millions d'habitants), a été élu maire de Portlaoise (18 000 habitants), une ville de la périphérie de Dublin, plus importante que Carquefou, que Douarnenez, que Landerneau ou que Vitré.
Né dans une famille musulmane, Rotimi Adebari s'est converti au christianisme en 1991 et sa vie est immédiatement devenue impossible dans son pays, si bien que, sur les conseils d'un prêtre irlandais, il est arrivé à Dublin en juillet 2000 avec son épouse, également chrétienne, et leurs deux fils, avec le statut de demandeur d'asile. La naissance d'un troisième enfant en Irlande leur a permis d'obtenir le statut de résidents permanents et, en 2004, Rotimi Adebari qui s'était engagé activement dans la vie associative et l'action sociale de sa commune d'accueil, a été élu conseiller municipal. Très apprécié par tous, il a été naturellement élu maire le 28 juin dernier.
Cette élection est révélatrice des profonds changements qu'a connus l'Irlande depuis 20 ans. L'essor économique spectaculaire du pays a mis fin à l'émigration des jeunes, provoqué le retour au pays de nombreux Irlandais qui étaient partis en Grande-Bretagne, aux États-Unis et ailleurs, et elle a entraîné l'immigration de nombreux étrangers, Européens comme les Polonais, aujourd'hui fort nombreux dans l'île verte, mais aussi Africains et Asiatiques. De nombreux lieux de prière et même quelques mosquées ont été créés pour la communauté musulmane d'Irlande. Près de 30 000 Africains noirs vivent aussi aujourd'hui en Irlande, dont beaucoup de Nigérians anglophones comme le nouveau maire de Portlaoise.
Cette immigration récente a de quoi surprendre dans un pays où on ne voyait jusqu'ici pratiquement jamais de gens de couleurs. En Écosse et surtout au Pays de Galles, cela fait assez longtemps en revanche que se sont installés des immigrants originaires des Antilles, du Pakistan et d'Inde, devenus d'excellents Écossais et d'excellents Gallois. Dans la région de Cardiff notamment, il n'est pas rare de rencontrer ainsi des Gallois à la peau noire s'exprimant dans un gallois parfait.
Lorsque l'élection de Rotimi Adebari a été connu en France, certains ont cru bon de faire ce commentaire :" Ce n'est pas en France que l'on verrait cela !" Si les élus d'origine antillaise ou africaine sont encore bien peu nombreux effectivement dans l'hexagone, en revanche, la Bretagne s'enorgueillit d'avoir élu dès 1989 le premier maire d'origine africaine : Kofi Yamgnane, né en 1945 à Bassar, au Togo. Licencié en mathématiques et ingénieur des mines, il est entré à la DDE du Finistère à Quimper. Marié à une Bretonne, il a obtenu la citoyenneté française en 1975, a été élu conseiller municipal de Saint-Coulitz en 1983 et donc maire en 1989. Kofi Yamgnane a été appelé au gouvernement par Édith Cresson comme secrétaire d'État à l'intégration en 1991. Conseiller général de Châteaulin, il a aussi été élu député du Finistère.
L'histoire de Kofi Yamgnane et celle de Rotimi Adebari confirment, s'il en était besoin, la tradition d'ouverture des pays celtiques sur les autres peuples et les autres cultures de notre planète. Bien sûr ces évolutions rapides bousculent un peu nos habitudes et nos traditions, et certains peuvent être tentés par des positions de repli et de fermeture, mais une telle attitude ne peut être celle d'une culture vivante et forte. Nous n'avons pas à craindre de partager le riche héritage que constituent la langue et la culture bretonnes avec tous ces "Bretons venus d'ailleurs".