Après avoir animé des centaines de festoù-noz, en couple, avec son frère Joseph ou avec Edern le Bastard, dirigé le bagad Pañvrid, et créé et animé le groupe Winaj'h, Titom, alias Thomas Lotout, signe avec Un cri dans l'ébène, un album prometteur. Rencontre.
Décidément, le Kreiz Breizh est un lieu magique. Comme si, de concert, Merlin et la fée Viviane s'étaient penchés sur le berceau des enfants qui y naissent. Et comme si ces enfants y venaient tous au monde avec une bombarde à la main ou une gwerz à la bouche. De cette pépinière féconde jaillissent de temps à autre des perles rares appelées à marquer la musique bretonne de leur sceau. Ce fut le cas de la sacrée bande de sonerien d'Ar Re Yaouank. C'est celui, une vingtaine d'années plus tard, de ce Thomas Lotout, alias Titom, tombé dans une bombarde, étant petit. C'était du côté de Canihuel. Au début d'une décennie d'enfer où justement, Ar Re Yaouank et Carré Manchot commençaient à réveiller un centre Bretagne un peu assoupi à leur goût, et à enchaîner gavottes, plinn et fisels à un rythme qui tenait à la fois de la Flûte Enchantée et des Sex Pistols revisités façon Breizh in rock.
À l'époque Titom a comme voisin un David Pasquet qui n'est pas encore au sommet de la gloire. Mais ça aide pour apprendre la bombarde. C'est auprès de lui qu'il fait ses premières armes et joue ses premiers morceaux. Il n'en faut pas plus pour décider Titom à entrer en musique, comme saint Gwénolé entra en religion. À l'âge de six-sept ans, à la fin de la décennie 1980. Au bagad des Blés d'Or à Saint-Nicolas-du-Pélem.
Des festoù noz à la Kerlenn Pondi
À l'âge de … dix ans, le destin de Titom bascule. C'est l'année de la première scène, en couple, avec son frère Joseph, venu au monde en 1982, un an avant lui. Et celle de son entrée à la Kerlenn Pondi, à quelque 35 kilomètres de Canihuel, que maman franchit allègrement plusieurs fois par semaine pour emmener sa progéniture à des répétitions exigeantes en temps et en énergie.
« Ça a coïncidé avec le moment où David (Pasquet), le talabarder des Yaouank et Gaël (Nicol), le biniaouer, ont arrêté de donner des cours à Saint-Nicolas-du-Pélem. Mon professeur de bombarde a alors été Laurent Bigot. Je lui dois beaucoup, comme à David, qui m'a apporté cette touche de "bombarde rock". C'est vrai que, jusque là, la bombarde était un peu… cantonnée dans le rôle d'accompagnement, voire parfois "folklorisée" par de mauvais clichés. Depuis, on a vu qu'elle pouvait être leader. Comme le chant. Comme la guitare de Jimmy Hendrix… »
Très vite, Titom monte sur scène. Comme les grands frères d'Ar Re Yaouank, mais avec sa touche personnelle, il met le feu aux planchers du Kreiz Breizh, avec son frère Joseph. Très vite, il enchaîne les remplacements dans des formations prestigieuses, de Carré Manchot à Diaouled ar Menez, en passant par Stourm. Très vite, il crée son propre groupe Winaj'h.
Un premier opus créatif et personnel
Puis viennent les responsabilités au prestigieux bagad Pañvrid, une des grosses machines de rummad kentañ, qu'il dirige pendant quatre ans et pour qui il compose. Un travail qu'il mène de front avec la gérance d'une entreprise de commercialisation de fruits et légumes bio, qui l'occupe quelque 70 heures par semaine, jusqu'à ce qu'une mauvaise hernie discale ne le contraigne à baisser la garde. C'était il y a deux ans. L'occasion de se consacrer à temps plein à sa passion. Depuis quelques mois, voire depuis quelques années, il accumule dans sa tête les thèmes musicaux qu'il compose à l'oreille… mais aussi, souvent, à la flûte : « Une petite flûte en si bémol, un modeste tin whistle dont je ne me sépare jamais. Ensuite, je fais le choix de la bombarde la plus adaptée à l'agressivité, au groove du morceau. J'en ai … sept. Il y a le choix. Mais toutes en ébène dont j'aime la densité."
Le résultat est à la hauteur des efforts : un CD superbe et « pêchu », un « Cri dans l'ébène » plus que percutant, qui nous rassure s'il en était besoin, sur la relève des Yaouank et autres Carré Manchot. Onze titres, tous composés par Titom, à l'exception de deux : un thème trad, une polka piquée, chantée par Manu Kerjean et reprise par Erik Marchand. Et un thème irlandais composé par Mac Goldric, joué aussi par le groupe Lunasa et repris ici en an-dro. « Un disque qui m'a demandé huit mois de travail et trois semaines d'enregistrement. » Avec la complicité d'une sacrée bande de musiciens. Fabrice Beaumin au bouzouki et à la mandoline, "Je l'ai rencontré en fest-noz. Il a arrangé, habillé les thèmes en les harmonisant. » Et de Nicolas le Minier, de Plantec, au biniou, à Pat O'May à la guitare électrique, de Fabien Robbe au piano à Iltud Le Doré à la caisse claire écossaise, de Stéphane de Vito à la basse à Brendan Le Corre au chant en breton et à Gaël Lorcy, au chant en anglais, c'est une superbe formation que Titom a réussi à regrouper sous sa bombarde enchantée pour ce premier album plus que prometteur.
D'ailleurs ici et là on ne s'y trompe pas. Le CD a reçu un accueil chaleureux des spécialistes et des amateurs. Gilles Lozac'hmeur, le producteur, n'est pas peu fier de dire à qui veut l'entendre, qu'il est resté pendant sept semaines en tête sur Itunes, le leader mondial du téléchargement. Et deux semaines, chez son concurrent Musicme en catégorie « musiques du monde ». L'expérience va évidemment se pérenniser : « Titom, c'est plus de la musique à écouter, avec cette tonalité pop-rock, conclut Thomas. Je continue en fest-noz avec Winaj'h et en couple avec Edern Le Bastard. » Mais devant les sollicitations diverses, il n'est pas exclu que Titom entraîne un jour de beaux chapelets de danseurs… Toutes les pistes sont ouvertes.
article publié dans armor magazine sous la plume de Thierry Jigourel
titre changé pour publication sur ABP, titre initial = Titom, un cri dans le Kreizh Breizh