On a refusé des entrées hier pour la Grande nuit de la Bretagne au Festival Interceltique de Lorient. Alan Stivell, tête d'affiche, était accompagné par le Bagad de Lorient, la Chorale du Bout du Monde et un groupe de danseurs bigoudens de Pont-l'Abbé haut en couleur. Commencé tranquillement par une suite de douces ballades en gaélique venues d'outre Mer celtique, le concert s'est vite enflammé vers des rythmes endiablés et électrifiés dont Alan a le secret, voire le génie. Même si sa harpe siègera pendant tout le concert au centre de la scène comme un totem sacré, le pionnier du renouveau musical breton a défilé selon les morceaux tantôt avec une cornemuse, tantôt avec un irish whistle mais pour toujours retourner vers l'instrument dont il est à l'origine de la renaissance en Bretagne. Hier on a pu écouter un Stivell radieux qui a définitivement retrouvé la forme. Selon ses propres mots : "Grâce au feeling du public et de mes musiciens, des équipes techniques, grâce aux conditions réunies, et grâce au destin qui me garde si en forme, ce concert restera pour moi un des meilleurs concerts en 44 ans". Rappelé sur scène, il fit entonner alors avec les plus de 6.000 personnes présentes, pour la plupart debout sous le chapiteau Marine – que les organisateurs du FIL réservent aux grands concerts – le fameux et éternel Tri Martolod. Le concert finit en apothéose avec le Bro Gozh Va Zadoù .
Avant de l'entamer, Alan a réclamé, sous les applaudissements, "que la Bretagne soit dotée du même statut que les autres nations celtes". Au début du concert, il avait déjà annoncé à une foule médusée et pas encore chauffée, que la Bretagne était un pays situé entre la France et l'Irlande ! Des phrases chocs, courtes, martelées comme les notes cristallines de sa harpe. On sent que Merlin, s'il a existé, devait ressembler à Alan. Il ne lui manque que la barbe blanche. Le public ne s'y trompe pas. Il a bien compris, toutes générations confondues, qu'il est le dernier des enchanteurs. Ou plutôt la dernière réincarnation du célèbre enchanteur. Alan Stivell est devenu un mythe vivant.
À noter que, contrairement à d'autres artistes bretons, Alan n'a jamais voulu séparer ses convictions de son oeuvre artistique. Le passé ne peut être séparé du futur. La prose de la poésie. La politique de la culture. Il a quelques mots simples à dire et tant pis si ca ne plaît pas à tous. De toutes façons, il n'a jamais été là pour essayer de plaire à tous ou pour vendre le plus possible de Cds. Il a passé. Il y a un seul Alan Stivell. Il a un seul engagement, même si son imaginaire est multiple et bien sûr pas uniquement cantonné à l'univers celtique. Dans une interview récente au Télégramme, il a déclaré "Le militantisme et la passion vont ensemble". On pourrait ajouter : la création. Il est musicien, artiste et militant tout à la fois dans une seule expression sans dichotomie. Vous aimez ma musique ? Vous aimez la Bretagne ? Alors écoutez, il y a aussi quelques vérités simples que j'ai à dire et que vous n'entendrez ni à la radio, ni à la télévision et que vous ne lirez pas dans la presse régionale.
D'ailleurs, si Alan Stivell rassemble 6.000 personnes, ce qui est 3 fois plus que le meilleur meeting des dernières campagnes régionales, et si, d'après lui c'est un de ses meilleurs concerts en 44 ans et si d'autre part, le quotidien Le Télégramme dit, en gros, aujourd'hui et hier dans son édition de Lorient, que c'était nul (voir le site) , on a là un sérieux problème d'autisme pour ne pas dire de désinformation.
Philippe Argouarch