La France et le Canada, particulièrement le Québec, vont célébrer le 3 juillet prochain le 400e anniversaire de la fondation de la Ville de Québec, point culminant des célébrations du quatrième centenaire de l'Amérique Française, engagées depuis 2004.
Le rôle de la Bretagne et des Bretons a été très important dans l'histoire de l'Amérique Française, ainsi que l'a notamment mis en lumière le livre de l'historien et généalogiste québécois Marcel Fournier "Les Bretons en Amérique Française 1504-2004".
est devPrésident de la Société de Généalogie Canadienne-Française, Marcel Fournier qui est né à Sherbrooke en 1946 et qui vit à Longueil, tout près de Montréal, est devenu "le" spécialiste de l'histoire des Bretons en Nouvelle-France et, depuis 1981, il leur a consacré plusieurs livres ainsi que plusieurs articles importants et il a multiplié les conférences à leur sujet tant au Québec qu'en Bretagne. Marcel Fournier est bien connu de tous les généalogistes des cinq départements bretons.
Pour le 400e anniversaire de Québec, une délégation de 92 Bretons viendra au Québec en juin prochain pour le Congrès international d'héraldique et de généalogie qui se tiendra à Québec du 23 au 27 juin 2008. Ce sera de loin la plus grosse délégation venant de France.
En sens inverse, Marcel Fournier a été invité à venir à Saint-Malo les 7 et 8 mai prochains. Il donnera aussi une conférence sur Champlain le 9 mai à Nantes et le 10 mai à Gourin. Par ailleurs, le Québec sera l'invité d'honneur des "Rencontres de l'histoire", le salon du livre de Blois, qui se tiendra du 9 au 12 octobre 2008. C'est la première fois qu'il y aura un invité d'honneur au salon et il devrait donc y avoir également une forte délégation québécoise.
Samuel Champlain que l'on fête particulièrement cette année, était très lié à la Bretagne où il avait passé plusieurs années durant les guerres de la Ligue. Plus tard, il devait épouser une jeune Bretonne, dont la famille était originaire de Fougères et avait aussi vécu à Vitré : Hélène Boullé. Au Canada, son principal mentor fut le Malouin François Dupont-Gravé, qui était d'ailleurs encore à ses côtés lors de la fondation de la ville de Québec le 3 juillet 1608.
On ne sait pas grand chose de la jeunesse de Samuel Champlain et on n'est même par certain de son lieu de naissance (sans doute Brouage, mais ce n'est pas certain), ni de son année de naissance (1567 ou 1570 ?). On ne connaît aucun portrait authentique de lui et l'image traditionnelle qui le représente un peu partout, n'est en fait que la démarque du portrait d'un de ses contemporains. Un voile de mystère couvre donc la vie de Samuel Champlain jusqu'à l'âge de 25, 26 ou 27 ans.
En revanche, ce qui est certain, c'est qu'il a passé au moins quatre années en Bretagne au moment des guerres de la Ligue en qualité de combattant dans l'armée royale, sous les ordres des maréchaux d'Aumont, d'Épinay Saint-Luc et de Brissac, successivement. On sait qu'il a participé le 17 novembre 1594 à la grande bataille de Crozon contre les Espagnols. Il a dû ensuite sillonner la Bretagne du nord au sud et d'est en ouest, y bataillant ici et là et se familiarisant avec ce pays si différent de son Saintonge natal.
Après la Paix de Vervins, le 2 mai 1598, qui mit fin aux hostilités, on sait qu'il vint à Blavet (Port-Louis), d'où il quitta la Bretagne en s'embarquant le 23 août sur le Saint-Julien, navire commandé par son oncle Guillaume Elène, engagé comme pilote général des armées du roi d'Espagne Philippe II. Dix jours plus tard, ce navire doublait le cap Finisterre, en Galice, mais à la suite d'une rencontre avec un écueil dans le brouillard, il était contraint à faire un arrêt à Baiona pour des réparations, avant de repartir pour Cadix. Champlain devait repartir le 12 octobre à bord du Saint-Julien de Sanlucar de Barrameda, avant-port de Séville et siège d'une petite colonie bretonne (on y voit toujours des vestiges du "barrio breton") à destination du Mexique. On sait pas grand chose du séjour de Champlain en Amérique centrale entre 1599 et 1602.
Quand il entra dans l'histoire de la Nouvelle-France en 1603, ce fut d'abord sous les ordres d'un Breton, le Malouin François Gravé du Pont (Saint-Malo, 1560 - après 1629), venu déjà plusieurs dans la région à partir de 1600. Les deux hommes allaient collaborer étroitement et être unis par une indéfectible amitié. On ne peut objectivement dissocier François Gravé du Pont de Samuel de Champlain quand on évoque l'œuvre de ce dernier. En 1611, Champlain qui avait au moins 30 ans, épousa à Paris, dans l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, une jeune Bretonne âgée seulement de douze ans, Hélène Boullé, née à Paris en 1598. Il l'épousa manifestement pour sa dot et, vu son âge, il était convenu que le mariage ne serait consommé que deux ans plus tard...
Le père d'Hélène était né à Fougères et avec son épouse, Marguerite Alix, de confession réformée comme lui, il avait vécu plusieurs années à Vitré avant de partir à Paris pour y devenir secrétaire de la chambre du roi (Henri IV). C'est en l'honneur de sa très jeune épouse que Champlain, quelques mois après son mariage, donna le nom d'île Saine-Hélène à une île du Saint-Laurent devant Montréal. Celle île rattachée aujourd'hui à la rive nord du fleuve par le pont Jacques Cartier a accueilli en 1967 l'exposition universelle "Terre des hommes" et elle est aujourd'hui occupée par un grand parc public, le parc Hélène de Champlain. On y trouve un restaurant Hélène de Champlain. Le nom de la petite épouse bretonne du fondateur de la ville de Québec a aussi été donné à une école de Longueil, à une agence immobilière, à un club Richelieu fondé en 1986, à un mouvement féminin, etc.
Champlain réussit à convaincre Hélène de le suivre en Nouvelle-France lors de son 10e voyage outre-Atlantique et les deux époux arrivèrent à Tadoussac en juillet 1620. Les quatre années qu'elle passa au Canada furent bien dures et son mari se résigna à la ramener en Europe en août 1624. Champlain mourut au Canada en 1635 et sa veuve entra en 1645 au couvent des Ursulines à Paris, d'où elle alla par la suite fonder un nouveau couvent à Meaux et c'est là qu'elle mourut en 1664.
On ne connaît pas grand chose de la famille d'Hélène Boullé, en dehors d'une étude d'une quinzaine de pages du grand archiviste Henri Bourde de La Rogerie, publiée en 1938 dans le Bulletin de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne :"Hélène Boullé, femme de Samuel de Champlain".
Ceci n'a pas empêché récemment une romancière, Nicole Fyfe-Martel, d'écrire les mémoires d'Hélène Boullé, en lui prêtant une liaison amoureuse assez invraisemblable et riche en épisodes croustillants. Le premier volume paru en mars 2003 aux éditions Hurtubise de Montréal, "Manchon de dentelle", a connu un beau succès puisqu'il s'en est vendu plus de 40 000 exemplaires. En revanche, les deux volumes suivants, "L'érable rouge", puis "Gracias a Dios !" ne semblent pas avoir suscité le même engouement.
À Québec, on peut voir la statue d'un autre Breton qui connut également bien Champlain et fut très estimé de lui, statue située au pied du monument dédié au fondateur de la ville : Guillaume Couillard (Saint-Servan, 1588 - Québec, 1666); arrivé en 1613 en Nouvelle-France où il passe pour avoir introduit la première charrue, il épousa en 1621 Guillemette Hébert arrivée en 1617 avec sa famille; leur mariage fut le premier mariage célébré au Québec entre pionniers venus de France et le premier de leurs dix enfants fut le premier enfant d'origine européenne à naître au Canada. Il semble également légitime d'évoquer son souvenir cette année lors de la célébration du 400e anniversaire de la fondation de la ville.