En avril dernier, avec la fin de 31 ans de règne du maire PS de Sant-Nazer / Saint-Nazaire, Joël Batteux, beaucoup d'observateurs pensaient que la question bretonne serait enfin traitée avec apaisement et ouverture par le nouveau maire PS et son équipe municipale. La quatrième ville de Bretagne n'avait-elle pas été entre 1925 et 1983 une ville socialiste très attachée à son identité bretonne avec des maires aussi emblématiques que François Blancho et Étienne Caux, sans parler de l'intérim à la Libération du député SFIO Jean Guitton (maire de 45 à 47) qui, en tant que résistant, était à la fois très britannophile et ardent défenseur de la cause bretonne (il fut aussi adhérent du MOB).
Le réveil a été brutal avec la première action du nouveau maire, David Samzun, qui à peine installé dans son fauteuil, faisait enlever le Gwenn ha Du hissé 10 jours plus tôt par son prédécesseur. Dans la foulée, alors que le débat sur la réforme territoriale faisait rage, il suivait les maires PS de Nantes, Brest et Rennes, sans consulter son conseil municipal, dans leur appel à un «Grand Ouest» visant à contrer la réunification de la Bretagne. Comme vient de le rappeler le sénateur Dantec (EELV) dans Presse Océan du 28 octobre, d'Auxiette à Ayrault le statu quo fait consensus. Ces grands féodaux républicains ne cherchent qu'à garder leur pré carré en amusant la galerie avec l'épouvantail « Grand Ouest ».
Le 27 juin, poussé par sa majorité, David Samzun faisait voter un v½u contre le Gwenn ha Du « outrageant le drapeau français » en « rappelant le premier alinéa du premier article de notre constitution qui précise que « La France est une République indivisible », le conseil municipal de Saint-Nazaire condamne avec la plus grande fermeté l'atteinte portée à notre monument aux morts au travers de la récente dépose de l'un des deux drapeaux nationaux et son remplacement par un drapeau breton ». Ce v½u faisant suite à l'installation sur un des mâts de la colombe de la paix, qui fait office de monument aux morts, d'un Gwenn ha Du à côté du drapeau français. Certains élus EELV, PCF et PS, avec des accents cocardiers, n'hésitèrent pas à parler carrément « d'individus qui ont outragé la France et ses morts ». Un Nazairien présent dans la salle s'étonnait : « comme si les Nazairiens morts dans la boucherie de 14-18 n'étaient pas dignes d'être honorés en tant que citoyens bretons ? ». Le FN salua le v½u du maire PS en le soutenant sans réserve. De son côté, Ludovic Le Merrer, le leader de la liste d'opposition Désirs de Ville (centre) s'étonna de la présentation d'un tel v½u et que l'identité bretonne méritait à travers son drapeau autant de respect que celui de la France. Plus étonnant, le drapeau français enlevé au cours de cette journée de mobilisation des Bonnets Rouges et qui avait été accroché sur les grilles de la sous-préfecture à la vue de tous, à commencer par la surveillance policière, ne souleva aucune protestation du PS comme du FN. Le Gwenn ha Du semble être le chiffon rouge pour ces édiles jacobins.
Pour faire bonne mesure, la mairie affiche deux grands fanions PDL, histoire de bien montrer où est le soutien de la municipalité dans le débat sur la réunification bretonne. Depuis quelques mois, la réponse à cette politique se retrouve sur les murs de la ville où fleurissent régulièrement des tags pro-réunification. Le local PS en a fait aussi les frais la veille de la grande manifestation pour la réunification bretonne du 27 septembre à Nantes ( voir notre article ). La secrétaire de section et vice-présidente PS des PDL Chloé Le Bail s'en prenait rageusement dans la presse locale à ces graffitis par ces mots : " ils sont à caractère révisionniste ". Les services municipaux effaçaient l'outrage dès le samedi matin ce qui ne manqua pas d'étonner plus d'un passant en remarquant que les employés municipaux ne sont pas de service le samedi et encore moins au service d'un parti, ce local étant privé. Au conseil municipal d'octobre, le FN apporta son soutien une nouvelle fois au PS pour ces graffitis bien éphémères.
Lors du conseil municipal du 3 octobre, la liste Désirs de Ville, dans un esprit de démocratie participative, a demandé que soit organisée, comme à Saint-Viaud dans le pays de Retz, une votation sur la réunification. Les élus ont reçu une fin de non-recevoir de la part du maire, qui, depuis sa prise de fonction, a toujours refusé le moindre débat sur le sujet. David Samzun en a rajouté dans son intervention quelque peu crispée à l'adresse de l'opposition pro réunification : « Samzun c'est breton, je passe tous mes étés en Bretagne. Je n'ai aucun problème avec la Bretagne. Si vous avez besoin d'un découpage administratif pour avoir le sentiment d'être breton. Moi non ». Par voie de communiqué, le comité Bretagne Réunie Sant-Nazer lui a répondu : « M. Samzun a une vision ethniste de la qualité de Breton, il se considère comme un exilé à Saint-Nazaire / Sant-Nazer et compte sur sa commune d'origine restée en région Bretagne pour se ressourcer ».
Ce pur produit du système PS ne semble pas vouloir voir un projet global de société pour la Bretagne à travers la réunification. Pour faire bonne mesure il a réaffirmé le soutien financier de la Ville au projet cher à J. Auxiette de transformer l'Usine élévatoire en «centre d'interprétation de la Loire», véritable outil de promotion des PDL bien éloigné d'une démarche scientifique. Les services de la Ville expliquent clairement que l'Usine élévatoire «présentera le système fluvial dans sa globalité, le Centre mettant en perspective les projets existants: le site Unesco, les Parcs Naturels Régionaux et les maisons de parcs, la Maison de la Loire en Anjou …». Ce bâtiment ouvert sur le Mor Braz (l'océan) est emblématique de l'histoire maritime de Saint-Nazaire et n'a rien à voir avec la Loire fluviale, comme le rappelle le géo-historien André Daniel. Dans le cadre de cette offensive de débretonnisation, les propos de J. Auxiette (La Nouvelle République du 12 octobre) qui a eu l'assurance par M. Valls que « les collèges passeraient sous la tutelle des Régions, cela peut aller vite et être prêt pour la rentrée de septembre 2017 » font peser à Saint-Nazaire une menace sur la filière langue bretonne du collège Albert Vinçon.
Dernier épisode avec le cabinet missionné par la mairie sur le projet de remodelage du remblais qui a déclaré le 15 octobre en réunion publique, parlant du menhir de l'Opération Chariot : « on étudie le déplacement de l'obélisque » Eh non ! C'est un menhir comme le dit le 2 août 1947 Jean Guitton, député socialiste SFIO, lors de l'inauguration du monument dédié au Commando et érigé face à la rade de Saint-Nazaire. Il déclara devant les autorités britanniques et une importante délégation de survivants britanniques et du Commonwealth : « La simplicité de ce monument, un menhir, n'était-ce pas ce qui convenait le mieux pour servir de trait d'union entre votre Grande-Bretagne et notre Bretagne ». La mairie a l'intention de déplacer le monument vers la place du Commando, ce qui déplaît fortement aux Britanniques qui sont attachés à la symbolique de ce menhir face à la mer d'où sont arrivés les commandos sous le feu allemand. Pour ces derniers, le monument a été conçu pour être un point de repaire depuis le large, il convient donc de ne pas toucher à la conception originale du monument.
La situation semble bloquée comme en témoignent de nouveaux tags pro-réunification qui fleurissent ça et là à travers la bonne ville de Saint-Nazaire. Devant cette absence de dialogue, beaucoup ont en mémoire l'action de Bretagne Réunie en décembre 2000 : 350 personnes envahissant le conseil municipal pour réclamer la mise en place du Gwenn ha Du sur la mairie, sans oublier les 5.000 personnes d'octobre 2005 en faveur de la réunification dans les rues de la petite Californie bretonne. Au sein de la base du PS nazairien, qui paraît plus en accord avec les sentiments bretons très largement partagés dans la cité navale, on semble attendre, sans vraiment trop y croire, une ouverture du côté de ses responsables. Pour certains bons observateurs de la vie politique nazairienne il ne faut pas insulter l'avenir, estimant que David Samzun n'est pas vraiment à l'aise dans le costume de l'anti-Breton de service et, comme le disait le Nantais Morvan Lebesque, « la découverte ou l'ignorance »...
Hubert Chémereau