Edwy Plenel, né à Nantes (1), avait été désavoué par les journalistes du Monde comme directeur, alors qu'il y avait mené, auparavant, des enquêtes percutantes et révélé l'affaire des Irlandais de Vincennes : des policiers, proches de Mitterrand, avaient apporté les armes qui avaient servi à l'accusation de terrorisme.
Il y avait gagné d'être espionné illégalement par ces mêmes «officines» douteuses de l'État.
Avec Médiapart, il s'est brillamment reconverti dans la presse Internet pure player (uniquement en ligne) et son équipe a dévoilé les scandales ordinaires (Bettencourt et Cahuzac) qui sont la toile de fond du pouvoir enfermé dans la citadelle consanguine parisienne.
Il faudrait écrire partout son aphorisme : «La liberté de la presse n'est pas le privilège des journalistes, mais un droit des citoyens».
Jean-Michel Apathie, a déclaré : «Personnellement, j'ai compris avec le temps que je préférais ramener ma fraise plutôt que d'enquêter» (2). Pourquoi pas, mais, quelle est la légitimité d'un batteur d'estrade pour exiger que Médiapart apporte des «preuves», comme si les journalistes étaient des policiers?
Libération sombre dans le ragot de dîner en ville et les hebdomadaires alignent des unes sur le président de la République qui auraient pu être écrites par un obscur valet à la cour de Louis XIV. La presse écrite française n'est pas (encore) morte, mais, elle n'a pas trouvé le moyen de créer une presse en ligne autofinancée, avec l'exception notable de Médiapart qui est de plus en plus rentable et qui crée des emplois
Il est inéluctable que le média papier régresse, même, s'il ne mourra pas demain matin. Les annonces publicitaires ont été siphonnées par Google , Facebook et d'autres acteurs étrangers qui les mettent en regard des contenus gratuits de la presse écrite.
Le New York Times a démontré qu'un modèle avec abonnement peut rapporter de l'argent (3), mais, les quotidiens français, s'ils envisagent de l'imiter, n'ont pas encore su adapter la recette
Le nombre potentiel de lecteurs des médias en anglais est incomparable, le subventionnement par l'État, en particulier du portage, fausse le marché, (4) et le consommateur d'informations en ligne sait qu'il trouvera des informations plus diversifiées sur les sites parisiens.
La presse quotidienne régionale de Bretagne, Ouest-France et Le Télégramme , a pris conscience des mauvais résultats de ses sites. Le retard a été pris, dès l'origine, ( voir notre article ), alors que, en vrai pionnier, dès 1996, Le Télégramme avait expérimenté son site Internet. Avoir trop misé sur l'information de proximité n'a pas été un aiguillon pour prendre de la hauteur comme l'exige Internet.
Le syndicat de la presse quotidienne régionale a confié au laboratoire M@rsouin une étude sur le sujet. On y compare les opinions de 1 000 Bretons à celles de 1000 non-Bretons. http://www.marsouin.org/IMG/pdf/la_pqr_face_aux_enjeux_du_numerique.pdf
Une conclusion : la presse quotidienne bretonne, qui touche de moins en moins, le lectorat jeune et urbain, pourrait augmenter son audience sur Internet en approfondissant «l'attachement régional» chez ses lecteurs, bien que les auteurs de l'étude remarquent un déficit de cet attachement régional en Ille-et-Vilaine, par rapport à la Bretagne Ouest.
Ouest-France et Le Télégramme auraient-ils un problème avec cette idée de «l'attachement régional» ? On peut se le demander quand des incidents montrent à quel point, ils sont mal à l'aise avec tout ce qui concernerait cet «attachement régional».
Un jour, un directeur départemental semble s'être levé du pied gauche et décide que tout texte breton non accompagné d'une version française n'est pas publiable, et quelque temps après, on oppose un refus de vente d'avis d'obsèques, parce que le grand-père fondateur a eu des différends politiques avec le défunt autonomiste. ( voir notre article )
Le saucissonnage, selon les éditions locales, empêche souvent les Bretons de l'Ouest de prendre connaissance d'événement majeurs se produisant à Nantes.
Plus récemment le PD-G de Ouest-France a fait retirer des kiosques le mensuel BRETONS qui avait titré "18% des Bretons pour l'indépendance", ce qui en dit long sur l'incapacité des dirigeants actuels de la PQR de comprendre les enjeux régionaux et donc d'adapter leur média aux demandes des internautes Bretons.
La place faite à «l'attachement régional» du duopole de journaux ouestiens est, en fait, très nouvelle, et, ils n'ont jamais su le décliner dans leurs versions en ligne.
Le projet maville.com de Ouest-France, c'est à dire vouloir décliner l'info locale pour chaque ville sur le web est un autre exemple de la volonté de zapper le régional au profit du local. Cette idéologie républicaine excessive (la commune et la nation et rien en deça) ne les a pas préparés à consolider leur empreinte sur la Toile.
En Bretagne, la presse quotidienne se voit concurrencer, par de nouveaux pure players comme l'Agence Bretagne Presse (active depuis 2003), 7Seizh, et, bientôt, deux nouveaux : Le Phare-Ouest, lancé le mois prochain par de jeunes journalistes sortis des écoles de Lannion et Rennes et Ar C'hannad.
A ceci s'ajoute les pure players locaux qui donnent de temps en temps dans le régional comme TVRennes ou même Le Mensuel de Rennes et Le Mensuel du Morbihan, mais ces deux derniers ont une version papier.
Souhaitons que cela serve, au moins, à aguerrir une nouvelle génération de journalistes bretons voulant offrir le meilleur à leur pays, même si on ne compte plus les sites bretons d'information en ligne qui n'ont survécu que quelques semaines ou quelques mois..
(1) Youenn Olier, écrivain et penseur politique breton très à droite, l'un des tous premiers, avait noté dans son journal intime en breton, publié dans les années 90, qu'Alain Plénel, professeur de langue et père d'Edwy, avait étudié le breton, alors qu'il habitait Nantes, sans avoir jamais eu une activité politique bretonne. Edwy Plénel l'a confirmé, en 2011, lors d'une conférence à Plozévet.
(2) Cité par le Canard enchaîné du 24 avril 2013.
(3) Le Figaro du 19 mars 2013 indique que, sur 1 380 quotidiens étatsuniens, 450 sont passés à un modèle payant, soit, lepaywall(quota gratuit, puis paiement à l'article ou abonnement), soit, l'abonnement (15 dollars/mois pour le New-York Times). Selon, Le Monde des médias, du mai-juin 2013, Libération vient de choisir le premier et Le Monde, développe le second.
(4) La presse quotidienne et hebdomadaire générale, parisienne comme régionale, reçoit des montagnes d'argent du contribuable ( voir notre article )