Une centaine de personnes hier dans l'amphithéâtre de Kerneuzec a écouté Jean Ollivro, revenu de Strasbourg directement à Quimperlé. Le débit est rapide, l'homme nerveux et drôle, l'assemblée attentive vient chercher des réponses. Après avoir dressé le contexte socio-économique du pays de Quimperlé avec de nombreuses cartes, il donne son avis de géographe, de professeur d'université rennais, mais aussi de militant pour une Bretagne solidaire, belle, riche et ouverte sur le monde.
Le constat est sombre : la Bretagne tourne le dos à la mer. La Basse Bretagne ne se développe pas suffisamment : un "parc marin", est-ce suffisant ? Elle se marginalise depuis qu'elle est terrienne. Alors que, la Bretagne, c'est "un gigantesque quai sur l'océan". Il renverse la carte, et on voit apparaître sur l'écran une Bretagne qui n'est plus un bout de monde, mais le début et le centre d'un carrefour maritime entre Angleterre, Espagne, Etats Unis, ... En Italie, en Allemagne, les caboteurs sont de plus en plus nombreux. Alors que la façade maritime de l'Allemagne est ridicule comparée à celle de la Bretagne, 500 caboteurs y naviguent contre ... deux en Bretagne, et 50 en France. Avec un TGV ("breton ? Il n'est pas breton, il arrive en Bretagne, c'est tout"), on aurait pu financer 250 caboteurs, économiser du pétrole (nous n'en avons plus que pour 37 ans, et son prix a déjà triplé en 6 ans, à combien sera-t-il dans quelques années ? ). Pour la pêche, après avoir pillé toutes les mers du monde, il faut revenir à des jardins locaux comme la langoustine ou la coquille st Jacques.
En Irlande, le trafic maritime a doublé en 10 ans. En Bretagne, il représente seulement 8 millions de tonnes. En Haute-Autriche, une alchimie entre habitants et agriculteurs a conduit à une autonomie énergétique complète. En Bretagne, notre retard est "abyssal". Alors que la TV galloise emploie 1200 personnes, nous en sommes à une centaine. En Allemagne, 4000 usines de méthanisation ont entraîné un habitat groupé et autonome en énergie.
Les métropoles ne resteront pas les locomotives du développement du territoire, les populations urbaines sont plus fragiles que les populations rurales. Avec 80% de propriétaires en Bretagne, on a un développement de l'autonomie alimentaire, de métiers à domicile. Les sociétés monotouristiques , monorésidentielles (Le Golfe, saint Malo...), ont des populations âgées et riches tandis que les jeunes vont à 20/30 km pour pouvoir se loger. 80% de l'hébergement touristique en Bretagne est le fait de résidences secondaires occupées quatre semaines par an. L'économie résidentielle (s'occuper des personnes âgées) est une "supercherie intellectuelle" : d'ici 30 ans le nombre de personnes de plus de 85 ans aura été multiplié par 4 et coûtera très cher à la société. Et Jean Ollivro d'ajouter : "Une société qui ne produit pas de richesses, qui exporte tout, et qui ne garde pas ses jeunes, est morte !".
Nos élus sont frileux, mal vus par les entrepreneurs. Il fustige l'ensemble du projet brestois ("le projet le plus ringard que j'ai vu depuis longtemps : l'ensemble du projet brestois vise à devenir avec un schéma totalement normatif et éculé une "grande métropole", sans aucune prise en compte du déferlement périphérique et des problèmes inhérents que cette option ne manquera pas de produire").Certains élus ont des capacités à partir sur des projets novateurs (Brudet, asso unique en France, l'ARIC également). Ils ont aussi une capacité à travailler ensemble droite et gauche pour des projets bretons, avec un esprit "célibien". Il cite le maire d'Arz qui donne une prime aux "résidents permanents" de sa commune, facilitant le logement des jeunes. Le maire de Groix qui favorise l'agriculture locale et a installé un commerce dans un hameau éloigné du bourg. Et un élu du nord de Nantes qui résiste à la pression des promoteurs, car il ne veut pas de lotissements qui tuent la vie de sa commune. Un projet social, économique, politique, proximité, invention, éducation populaire et mouvement social... Ollivro croit à une Bretagne qui prend en main son avenir, devient peu à peu autonome en matière d'énergie, produit des richesses localement, et comme les Basques, garde sa jeunesse, réconcilie les Bretons avec leur histoire et leur langue, le chantier est immense ...