Le Conseil Constitutionnel a choisi la Journée mondiale de la diversité culturelle de l’ONU pour censurer deux articles essentiels de la loi Molac, laquelle donnait enfin un cadre légal à la protection et au développement de nos langues régionales.
Le prénom du petit Fañch a donc été déclaré anticonstitutionnel ! La langue française ne connaît pas le « ñ »! « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », proclame l’article 75-1 de notre constitution, mais pas leur orthographe… Cherchez l’erreur !
Plus grave encore, la censure de l’enseignement immersif qui se pratique en Bretagne depuis 1977. Diwan et toutes les filières immersives sont désormais inconstitutionnelles au motif que le français est la langue de la République, article 2. Monsieur Jean-Michel Blanquer, artisan assumé de la saisine du Conseil Constitutionnel, estime à juste raison qu’il est primordial que nos enfants maîtrisent la langue française. En quoi l’enseignement immersif s’oppose-t-il à ce principe ? Il ne le dit pas. Et pour cause, il n’ignore pas que le niveau en français des élèves des filières immersives est au moins égal à celui des filières monolingues. Les linguistes nous expliquent qu’en apprenant une seconde langue, on perfectionne la première. Les inspecteurs académiques sont là pour en apporter la preuve. Si d’aventure l’apprentissage immersif du breton avait empêché en quelque manière la maîtrise du français, les écoles Diwan, Iskatolacs, Calendretas et Bressolas, auraient fermé depuis longtemps.
La décision du Conseil marquera d’une pierre noire l’histoire de la démocratie française. Après une approbation massive de la loi Molac par le Parlement (247 voix pour, 76 contre) et par le Sénat (253 voix pour, 59 contre), un ministre de l’Education mobilise au mépris du principe de séparation des pouvoirs 61 députés de sa majorité (laquelle avait pourtant approuvé majoritairement le texte) pour saisir le Conseil Constitutionnel. Quatre des signataires, s’estimant trompés, se rétracteront a posteriori, mais trop tard, selon le Conseil Constitutionnel, qui décide de ne pas tenir compte de leur rétractation.
L’article 2 de la constitution, établi à l’origine pour lutter contre l’hégémonie de l’anglais, est en définitive utilisé contre les langues régionales et non contre l’anglais qui s’impose à présent sur les documents d’identité. Ce qui vient de se produire est dangereux tant sur la forme que sur le fond. Et le Groupe de travail langue bretonne de Produit en Bretagne veut témoigner de son indignation face à cet obscurantisme. Dans le même ordre d’idée, nous constatons qu’une personne recherchant un emploi ne peut inscrire sa compétence en langue régionale dans la longue liste des langues proposées par Pôle emploi. Les langues régionales en sont absentes. Interrogé sur ce vide étonnant, car la maîtrise de la langue bretonne ouvre pourtant à de nombreux débouchés en Bretagne, il nous est répondu que ce cela nécessiterait une modification informatique importante ! Chacun appréciera…
Nous invitons chaque Breton à se mobiliser, à sa mesure, là où il peut être utile. Nous invitons ainsi les entreprises à apporter leur soutien au système d’enseignement immersif en langue bretonne, en proximité. Nous les engageons à faire une place concrète et visible à la langue bretonne dans leur quotidien. Nous souhaitons que tous les candidats aux élections régionales traduisent leur soutien à la loi Molac par un plan de développement ambitieux, adapté à la situation critique de l’enseignement immersif. Nous invitons enfin chacun à manifester le 29 mai à Guingamp en faveur de la langue bretonne et de toutes les langues de France, au nom du respect de la diversité culturelle et de la démocratie.
Malo Bouëssel du Bourg : Directeur de Produit en Bretagne
Matthieu Breton : Animateur du Groupe de travail langue bretonne de Produit en Bretagne