Pour un grand Institut de la Civilisation bretonne !
Une actualité récente témoigne encore de la déconsidération de notre patrimoine breton. La dalle gravée de Saint Belec dont une équipe de chercheurs assure, preuves à l’appui, qu’il s’agit de la première carte d’Europe, a végété durant un siècle dans la sombre cave d’un musée à SAINT GERMAIN EN LAYE.
Est-ce là toute la considération que mérite notre patrimoine de Bretagne ? Réduite à l’état de région, la Bretagne n’est aucunement digne d’intérêt pour les grands pontes de la culture en France, malgré la richesse inouïe de son patrimoine historique, culturel et religieux. On pourrait égrainer sans fin les exemples de cette surprenante déconsidération. Je songe au reliquaire en or du cœur de la duchesse Anne qui n’a dû son salut qu’à une enquête rapide menée par la police judiciaire de Nantes , sans laquelle, il aurait fini sa destinée dans un lingot. Les mesures de protection prises par le Conseil départemental de Loire-Atlantique n’étaient aucunement adaptées à un objet d’une telle valeur. On ne compte plus les superbes manoirs en voie de délabrement, comme celui de Jean-Edern Hallier à Edern.
Notre patrimoine religieux, avec notamment ses calvaires et enclos paroissiaux, est le plus fourni d’Europe et sans doute le plus riche. Il mériterait de figurer au patrimoine mondial de l’Unesco, mais nos élus ne s’agitent pas trop car la religion et la laïcité française ne font pas bon ménage.
Je songe à tous ces parchemins sur lesquels figurent des gloses en vieux breton, dispersés aux quatre vents, parfois au fond de vieilles malles poussiéreuses de musée et qui ne connaissent pas le regard des Universitaires. Ceux-ci s’intéressent à des sujets bien plus importants, à la grande Histoire, beaucoup moins à la nôtre.
Et pourtant, les plus anciennes traces écrites de la langue bretonne remontent au 6e siècle.
Le premier ouvrage écrit en breton, le manuscrit de Leiden, traité de médecine de la fin du 8e siècle, mériterait de retrouver son pays.
Je pense encore à ces enregistrements en langue bretonne de Radio Kimec’h, dans les années 50, qui n’ont pas été jugés suffisamment dignes d’être conservés alors qu’il s’agissait des « trésors » du parler breton.
La loi Molac récemment votée par l’Assemblée nationale nous assure que notre patrimoine mérite la considération dont il a toujours manqué. Mais il faut aller plus loin.
Peut-on encore concevoir l’absence d’une grande maison, mémorial ou institut du patrimoine et de la civilisation bretonne– qu’importe sa dénomination- doté de véritables moyens et destiné à la mise en valeur de notre patrimoine historique, culturel et linguistique ? Les musées de Bretagne ne sont que des lieux de second ordre. Sous-dotés, ils vivent mal ou ferment leurs portes au public comme le remarquable musée de la préhistoire de Penmarc’h.
Cette grande maison de la Bretagne devra être pensée comme un lieu d’Histoire, de recherches et de culture vivante. A la fois, un lieu destiné aux chercheurs, au grand public et un lieu de mémoire pour nos enfants qui se trouveraient ainsi confrontés à l’existence d’un patrimoine et d’une civilisation bretonne.
Nous avons tout à construire.
Avec la liste « Bretagne ma vie » menée par Daniel Cueff, nous allons créer cette grande maison de la Bretagne, enfin digne de notre culture et civilisation, en lien étroit avec toutes les structures déjà existantes : notamment BCD et Institut culturel de Bretagne.
Il suffit juste de vouloir sortir du dénuement !
Yvon Ollivier
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