Avec Yannig Baron, nous venons de publier en page débat du Télégramme une sévère critique du déni de réalité de ceux qui sont au Pouvoir à la Région, face au constat d’échec de leur politique linguistique.
Tous les chiffres le prouvent. Nous sommes les plus mauvais – entre 3 et 4 % d’enfants scolarisés en filière bilingue- et avec un taux de progression qui n’a jamais été aussi faible que cette année. A ce compte-là, c’en est fini de nos langues et de nos espérances de les voir sauvegarder. Les Basques du nord sont à 50 %. Pourquoi ?
Ce qui est le plus choquant, c’est que ce Pouvoir régional n’a jamais été capable d’affronter cet échec, d’expérimenter, d’évaluer sa politique pour concevoir un autre chemin. A chaque fois, malgré de nombreuses interpellations, nous n’avons entendu que des propos complaisants sur le travail accompli avec la recherche d’excuses exogènes : l’Etat bloque, les communes ne font rien…
Ils ont juste oublié une chose, la volonté politique, cette capacité à mettre la pression sur l’Etat, cette capacité à dire non face aux forces du système.
La Bretagne n’existe que si elle est capable de dire non, de s’opposer et de trouver la force de tracer son propre chemin. Sinon, tout est fini.
La politique linguistique est une politique comme une autre. On doit pouvoir l’évaluer, la critiquer. Il existe même des chercheurs spécialisés dans l’évaluation des politiques publiques. C’est ce que j’avais suggéré lors d’une rencontre avec le Région en 2016, au nom de Breizh ImPacte. Nous n’avons pas été suivis.
Une politique linguistique doit encore être mesurée à l’aune de l’objectif politique affiché. Quel est l’objectif politique de la région Bretagne en la matière ? Faire semblant ? Donner le change histoire de montrer que l’on fait quelque chose pour les langues minoritaires en France ? Sauver nos langues ?
Si l’objectif est de donner le change, il est certain que cette politique indigente n’est pas en échec.
Nous sommes de plus en plus nombreux à exiger que l’objectif politique de la généralisation de l’enseignement de nos langues -breton, gallo- à l’ensemble de nos enfants soit affiché clairement par la région Bretagne. Il n’en est pas d’autre qui soit logique, naturel, digne de notre histoire et de notre humanité. Plus un seul enfant de Bretagne ne doit ignorer sa langue et son histoire.
Ensuite, il faut se donner les moyens de la réussite. Nous proposons que le plan multilingue et sa pédagogie qui ont fait leurs preuves au pays basque sud, et ailleurs, soit mis en œuvre. C’est encore la meilleure méthode pour convaincre les parents qui, comme on le sait, souhaitent donner à leur progéniture la meilleure connaissance possible de l’anglais. La connaissance de sa langue est un atout inestimable en termes de bien être en ces temps troublés, de lien social et de réussite scolaire. Elle renforce l’égalité des chances pour nos enfants, par rapport aux enfants de Paris qui bénéficient de tous les avantages.
Enfin, la formation des enseignants doit faire l’objet d’un effort considérable, ce qui passe par une pression forte sur l’Etat et les Universités. Mais la Région dispose de moyens pour se faire entendre. Regardons vers la Corse où le rectorat forme 700 enseignants en langue corse pour une population bien moins importante. Il suffit de vouloir et de renoncer à signer avec l’Etat des conventions indignes prévoyant la formation de 20 enseignants. Comment peut-on donner son accord à des politiques pareilles ?
J’apprends que Mr le Président de la Région a fait contribuer le recteur de l’académie de Rennes à son récent ouvrage. J’aimerais pouvoir lui dire que l’important pour le premier personnage politique de Bretagne est moins de faire copain-copain avec Mr le recteur que de savoir mettre une pression politique de tous les instants.
On se grandit toujours en affrontant ses échecs. Il faut juste en trouver le courage et mettre un terme au « régionalisme de la parlote » que je ne cesse de dénoncer. Franchement, avec des chiffres pareils, nous n’avons vraiment pas de quoi être fiers !
J’aimerais encore ajouter un petit détail qui me tient à coeur. Si nos responsables à la Région pensent que nous ne sommes qu’une région, alors oui, il faut baisser les bras et admettre la secondarisation logique de nos langues jusqu’à leur disparition inévitable. Mais s’ils reconnaissent que nous sommes un peuple, aussi respectable que les autres peuples d’Europe et du monde, alors ils doivent savoir lutter jusqu’à ce que nos droits soient enfin reconnus.
Nous espérons que la parution de cette tribune dans le Télégramme soit l’amorce d’un véritable débat public, enfin, sur ce qui devrait être la première priorité politique d’une région Bretagne, la préservation de nos langues par la généralisation de leur enseignement.
Ouvrons le débat !!!! Nous sommes prêts à en débattre publiquement avec Mr Chesnais Girard, Président de la Région Bretagne. Nous voulons croire que la préservation de nos langues est un objectif qui lui tient à cœur.
Yvon Ollivier
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